Éditorial François Cardinal

ÂGE MINIMAL POUR LA CONSOMMATION DE CANNABIS La ligne dure de la CAQ

Avec la candidature du policier Ian Lafrenière, annoncée hier, la Coalition avenir Québec (CAQ) confirme encore un peu plus son penchant pour la loi et l’ordre. Un penchant qui se décline en différentes promesses conservatrices dont la plus dure est certainement le rehaussement de l’âge de consommation du cannabis.

Encore le week-end dernier en entrevue au Huffington Post, François Legault a en effet réitéré son souhait d’interdire l’accès au cannabis aux moins de 21 ans, une position, mine de rien, qui ferait du Québec la province la plus répressive au pays. Une position, surtout, qui éliminerait carrément les bienfaits de la légalisation fédérale !

En soi, fixer l’âge légal à 21 ans peut sembler raisonnable. Après tout, le développement cérébral ne se termine pas avant 25 ans. Mieux vaut donc protéger les cerveaux plus jeunes des effets nocifs des drogues.

C’est vrai, et c’est ce qu’affirment plusieurs experts, notamment l’Association des psychiatres du Québec. Mais c’est oublier une donnée accablante que les détracteurs de la légalisation, CAQ en tête, balayent un peu trop facilement : les jeunes de 18 à 24 ans constituent déjà les principaux fumeurs de pot ! Et pas qu’un peu : ils forment plus de 40 % des consommateurs au Québec !

Le corollaire est évident : en se contentant de légaliser le pot aux plus de 21 ans, la CAQ fermera la porte des succursales de la Société québécoise du cannabis aux plus jeunes. Et du coup, elle enverra plus du tiers des fumeurs au marché noir, dans les bras du crime organisé. Précisément ce que la légalisation tente d’éradiquer.

Imaginez ! Si toutes les provinces fixent l’âge légal à 18 ou 19 ans, le Québec fera cavalier seul et deviendra ainsi l’endroit idéal pour que fleurissent les activités du crime organisé puisqu’on aura tari ses sources de revenus ailleurs.

Et ses clients de prédilection deviendront, plus que jamais, les jeunes consommateurs vulnérables, à qui l’on refilera le pot non contrôlé, aux quantités de THC inconnues.

Et s’ils s’approvisionnent au noir pour leurs premières expériences, il y a certainement un risque qu’ils continuent de le faire après 21 ans…

C’est d’ailleurs pour ça qu’Ottawa veut remplacer l’approche pénale actuelle, inutile et ruineuse, par une approche de santé publique et de réduction des méfaits, axée sur la prévention et la sensibilisation. C’est pour réduire la criminalisation, la répression policière et la multiplication de casiers judiciaires qui suivent les gens pour la vie, même si c’est pour des infractions mineures.

Et c’est pour ça aussi que les directeurs de santé publique saluent la décision de fixer l’âge légal à 18 ans, puisque les plus jeunes constituent les principaux consommateurs du marché illicite actuel.

Or mieux vaut de jeunes adultes prévenus et sensibilisés que des jeunes infantilisés qu’on laisse à eux-mêmes.

Mieux vaut une assurance qualité assurée par l’État que l’actuel marché noir contrôlé par le crime organisé.

Mieux vaut des jeunes qui consomment des produits contrôlés dont on assure la traçabilité que des acheteurs de second ordre qui doivent fumer des substances douteuses en cachette.

Les craintes liées à la légalisation du pot sont tout à fait compréhensibles. Mais il faut éviter d’agir par entêtement idéologique (le député Simon Jolin-Barrette a déjà affirmé que la CAQ est tout simplement « opposée à la légalisation du cannabis »). Et il faut faire attention de ne pas agir sur l’âge juste pour donner l’impression qu’on agit.

La CAQ a raison, par exemple, de vouloir établir une bonne distance entre les lieux de vente et les établissements d’enseignement, pas juste les écoles comme le prévoit la loi. La CAQ fait aussi réfléchir en proposant des peines plus sévères contre les personnes qui conduisent sous l’influence du cannabis.

Mais en imposant sa ligne dure sur l’âge légal, elle risque de provoquer des problèmes plus graves que ceux qu’elle dit vouloir régler.

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