« Je veux rétablir la fierté »
La tourmente est derrière nous. En termes de gouvernance, il y a un nouveau conseil d’administration depuis septembre 2017 formé de gens très compétents. Je vais pouvoir m’appuyer sur eux en matière de gestion. En même temps, vous l’avez dit, il y a eu des coupes importantes dans le passé, mais le ménage a été fait dans les finances.
Les résultats financiers vont sortir la semaine prochaine. Je ne peux pas encore les dévoiler, mais on sait qu’on aura un déficit d’opération pour 2017-2018 qui sera similaire à ceux d’autres institutions à Montréal et au Québec. Ce ne sera pas le clou qui va dépasser [comme il y a deux ans], et on a déposé un budget équilibré pour 2018-2019. Sans dire que la situation financière est préoccupante, c’est sûr que des mesures doivent être prises. À l’heure actuelle, on parle de mesures administratives qui ne toucheront pas aux services aux patients. Et je suis persuadé qu’avec le nouveau mode de financement des hôpitaux – un mode de financement centré sur les besoins du patient plutôt que sur une base historique –, on va arriver à financer adéquatement la mission de soins tertiaires [spécialisés] et quaternaires [surspécialisés] du CUSM et ainsi répondre aux besoins de la clientèle.
Lorsqu’on présente des déficits de 40 millions et qu’on doit revenir à l’équilibre, c’est certain qu’il y a des choses qui doivent disparaître. Les programmes dont vous me parlez ont beaucoup de mérite – souvent, ils étaient financés conjointement avec une fondation. Par contre, on doit se concentrer sur la mission des soins spécialisés et surspécialisés. Ceci étant dit, je rencontre le comité des usagers la semaine prochaine et je serai heureux d’en discuter avec eux.
Ces locaux-là seront loués bientôt. Il fallait attendre que les travaux reliant le métro au CUSM soient terminés. On a déjà des locataires qui ont démontré de l’intérêt, dont des pharmaciens [le site Glen n’a pas de pharmacie commerciale]. Le dossier immobilier du CUSM est complexe en raison du partenariat public-privé. On a encore des déménagements [celui de l’Hôpital neurologique de Montréal] et des travaux à réaliser. Lorsque j’ai visité l’Hôpital général de Montréal [HGM] la semaine dernière, j’ai réussi à m’orienter puisque pratiquement rien n’a changé depuis que j’y ai fait une partie de ma résidence, il y a 38 ans. Ce n’est pas normal. Cet hôpital a besoin de rénovations.
J’ai demandé un rapport sur cette situation dès mon entrée en poste [il y a neuf jours]. L’une des premières choses que j’ai faites, c’est visiter cette unité et rencontrer des membres du personnel de l’HGM. J’ai constaté qu’il y avait plus d’agents de sécurité [qu’au moment de l’incident] et que plusieurs mesures avaient été mises en place. La sécurité du personnel est extrêmement importante pour moi. Comme patron, j’ai vraiment à cœur la qualité de vie au travail.
Au CUSM, on a un enjeu d’occupation des lits et cet enjeu est double. Il y a eu une diminution importante du nombre de lits [de 853 à 803 après le déménagement], et on a de la difficulté à faire sortir de l’hôpital des patients qui n’ont plus besoin de soins surspécialisés. On parle de personnes âgées qui auraient besoin d’aller en CHSLD ou de retourner à la maison avec des services de soins à domicile. Ou encore des gens avec des problèmes de santé mentale à qui on ne trouve pas de place dans des ressources intermédiaires. Faute de place dans les ressources appropriées, ils restent ici alors qu’ils devraient partir. C’est pour ça qu’on doit travailler davantage en partenariat avec nos collègues des CIUSSS, des CHSLD, des CLSC et les médecins de première ligne. Souvent, dans un hôpital universitaire, on a tendance à oublier qu’on fait partie d’un réseau. J’aimerais intégrer un peu mieux le CUSM dans le réseau de santé et de services sociaux montréalais et québécois.
C’est vraiment de rencontrer les gens en me promenant partout sur le terrain. Ça correspond à l’une de mes valeurs principales : l’humanisme. Je veux découvrir nos forces, nos faiblesses, les occasions de recherche et d’enseignement à saisir pour proposer dès cet automne un plan au conseil d’administration. L’objectif ultime, c’est de faire réaliser aux gens qu’ils travaillent dans une institution formidable. Il faut rétablir la confiance, parce qu’avec tous les événements que vous avez mentionnés précédemment, il y a eu une perte de confiance envers l’administration. Je veux convaincre le personnel que l’avenir du CUSM est magnifique. Et je veux rétablir la fierté d’y travailler parce que le CUSM a connu tellement de mauvaises années – jusqu’à il y a deux ans environ – qui ont fait en sorte que cette fierté-là est moins présente aujourd’hui. On doit devenir un employeur de choix où on peut concilier la qualité des services et la qualité de vie au travail.
Les réponses ont été éditées pour en faciliter la lecture.
Qui est le Dr Pierre Gfeller ?
Ce médecin de famille qui a fait ses études à McGill a consacré les 20 dernières années de sa vie à la gestion d’hôpitaux, notamment l’hôpital du Sacré-Cœur. Il dirigeait jusqu’à tout récemment l’un des plus gros CIUSSS du Québec – le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal (11 000 employés et un budget de près de 900 millions par an). Il prend les rênes du CUSM alors que l’hôpital universitaire était sans PDG depuis septembre 2016, date à laquelle Normand Rinfret a pris sa retraite. Entre-temps, Martine Alfonso a assuré l’intérim. Normand Rinfret avait lui-même été nommé directeur général par intérim en décembre 2011, après le départ subit d’Arthur Porter à ce poste. Arthur Porter – aujourd’hui décédé – était soupçonné d’avoir accepté un pot-de-vin de 22,5 millions dans le cadre de l’attribution du contrat de construction de 1,3 milliard du nouveau CUSM en partenariat public-privé au consortium Groupe immobilier santé McGill, dont fait partie la firme SNC-Lavalin. — Caroline Touzin, La Presse