Éviter les conflits

Rénover sans (trop) stresser

Comment réussir des rénovations sans trop de stress, de prises de bec ? Existe-t-il des moyens de se préparer psychologiquement à vivre un tel chambardement ? Perla Serfaty-Garzon, psychosociologue et écrivaine, nous révèle en neuf points pourquoi un chantier peut parfois susciter des conflits – et surtout comment les éviter ! Entretien.

1. ENVIE D’AGIR

« La rénovation est une aventure parce qu’elle commence en général par un besoin intime de modifier son environnement pour le mettre au goût du jour, l’épurer ou le rendre plus confortable. Il faut donc d’abord savoir pourquoi, soudain, on ressent le besoin d’agir sur l’espace de sa maison. Le secret pour mieux maîtriser l’aventure de la rénovation, c’est la réflexion sur soi. »

2. PRÊT ?

« On se lance lorsqu’on se sent intérieurement prêt à agir. Ainsi, bien des gens peuvent vivre inconfortablement pendant des années avec une cuisine défraîchie et peu pratique et, un jour, se dire : ça suffit, je veux une nouvelle cuisine ! Il faut aussi savoir que, dans une famille, tout le monde n’est pas prêt au même moment à rénover et encore moins à faire les mêmes changements, ce qui peut créer des conflits. »

3. COMMUNIQUER

« Le défi est de bien communiquer, par exemple à son conjoint, la légitimité de son projet et de montrer que ce n’est pas une fantaisie. Mais on ne s’entend pas forcément dès le départ. Imaginons le dialogue d’un couple. Au début, c’est la surprise : “Mais qu’est-ce qui te prend ? Elle est très bien, cette salle de bains.” Si le dialogue s’arrête là, on peut estimer que, pour diverses raisons, l'un est incapable d'entendre l’autre. Il faut alors poursuivre le dialogue, puisqu’une bonne communication comporte des allers-retours, en dépit de moments d’incompréhension mutuelle. »

4. CHAMBARDEMENT

« Les enjeux de la rénovation sont très particuliers parce que nous considérons la maison comme un havre de stabilité. L’idée que les choses, chez soi, restent en place rassure beaucoup. Annoncez que la maison ou même qu’une seule pièce va être changée et la maisonnée s’agite. Ce n’est pas la rénovation en soi que nous craignons, mais plutôt la déstabilisation de la vie de tous les jours, le remue-ménage, les imprévus du chantier et les surprises qui risquent d’ébranler des équilibres familiers et les certitudes qui vont avec. »

5. INTRUSION

« Et voici que des ouvriers entrent dans votre demeure. Ces personnes, que vous ne connaissez pas, voient et, probablement, évaluent les lieux intimes où vous habitez : votre chambre à coucher, le désordre au sous-sol, votre salle de bains… Ce n’est pas toujours confortable, et les gens ne sont pas tous prêts à tolérer ce qu’ils ressentent comme une intrusion. »

6. GOÛTS

« Le risque de conflit est d’autant plus grand que la rénovation de la maison oblige à révéler les positions esthétiques des uns et des autres. Le goût, on le sait, est une expérience très personnelle qui est liée à notre sentiment de bien-être. Dans un couple, l’un peut, par exemple, aimer les pièces rangées et dépouillées, alors que l’autre accumule des livres, des outils ou des papiers. Le choix de la couleur d'un mur ou de la place d’un meuble peuvent déclencher de petits et même de grands affrontements. Ceux-ci mettent en évidence les rapports, parfois de force, au sein d’une famille. »

7. SÉPARATION

« En général, la rénovation n’est pas une cause de séparation. Mais elle peut mettre l’accent sur des incompatibilités et souligner des difficultés à se comprendre. Quand on transforme sa maison, on commence à réfléchir à ce qu’on aime et à ce qu’on voudrait avoir pour se sentir mieux chez soi. On réfléchit sur soi. Et on aura tendance à être plus sensible à la façon dont son conjoint reçoit ce qu’on exprime de soi. »

8. PRÉCAUTIONS

« Il est possible d’entreprendre des rénovations de manière apaisée. Gardez à l’esprit que ce sera un dérangement : inutile d’en rajouter. Il y aura des enjeux financiers : il est crucial de planifier son budget. Le risque de tensions dans le couple est plus grand : le dialogue s’impose et, en cette période d’incertitude, il vaut mieux s’assurer de l'accord du couple sur les points majeurs comme sur des questions qui semblent mineures (le choix d’une couleur). Personne n’a envie d’être négligé ou de sentir qu’il ne compte pas dans la réalisation d’un projet qui concerne le chez-soi commun. »

9. EN FIN DE COMPTE

« La clé ? Discuter d'abord des grandes idées et des objectifs. Ensuite, accepter de se soumettre à l'épreuve de la réalité (budget, échéancier, déstabilisation…) sans arrêter le dialogue, parce que toutes ces questions vont inévitablement être conflictuelles. En fin de compte, il importe de donner à la rénovation sa juste mesure. Si quelque chose ne va pas bien, c’est fâcheux, mais tout de même, il n’y a pas mort d’homme. On réaménage parce que cela compte pour soi et pour se sentir mieux chez soi. C’est ce qui devrait permettre de garder les choses en perspective. »

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