Peu nombreuses, mais en forte croissance
Les voitures électriques restent marginales au Québec. À peine 0,7 % des voitures immatriculées étaient électriques ou hybrides rechargeables au 31 décembre dernier. Le rythme va toutefois en s’accélérant, et à bonne vitesse. En 2018, on en a vendu 14 734, selon les données de Transition énergétique Québec, soit 2,3 fois plus qu’en 2017. Et en 2019, le premier trimestre en a vu s’écouler 3,7 fois plus qu’à la même période en 2018.
Un concessionnaire qui change tout
Il se trouve, autour de Rawdon, dans Lanaudière, un îlot d’une demi-douzaine de municipalités où les taux de pénétration sont parmi les meilleurs au Québec. Pourquoi ? Tous les intervenants à qui l’on pose la question pointent dans la même direction : Bourgeois Chevrolet, le plus important vendeur de voitures électriques du Canada.
« J’ai moi-même acheté mon auto à Rawdon », témoigne Jeff Turner, de Dunsky, firme de consultation spécialisée en énergie.
Le copropriétaire de ce concessionnaire, Hugo Jeanson, se réjouit de l’impact de son entreprise.
« Quand on a commencé à se spécialiser dans les voitures électriques, le but était de les faire connaître. Je pense que si on n’avait pas parti ça, il n’y aurait pas cet intérêt. »
Cette vocation a contribué à mettre en branle une roue vertueuse. Plus les gens voient des voitures électriques autour d’eux, plus ils sont susceptibles d’en acheter, conviennent les experts.
« Le gros de la publicité pour la voiture électrique, c’est le bouche à oreille. Je dis souvent que quand j’en vends une, j’en vends trois autres : une dans la famille, une dans le voisinage et une au travail. »
Des poches de popularité similaires sont perceptibles à Trois-Rivières et à Saint-Hyacinthe, où l’on trouve aussi des détaillants très actifs.
« Avoir un acteur local très fort, ça fait vraiment une différence, croit Sarah Houde. Bourgeois est l’exemple parfait. Ce n’est pas parce que c’est riche, Lanaudière. »
Cas unique à Laval
Alors que la plupart de ses voisins juste un peu plus au nord affichent des taux supérieurs et que la majorité de son territoire est constitué de résidences disposant d’un stationnement privé, Laval affiche un taux de pénétration à peine supérieur à la moyenne québécoise.
La municipalité a pourtant été l’une des rares au Canada, sinon la seule, à offrir à ses citoyens un programme de subventions qui s’ajoutait à celui du gouvernement provincial. Pendant un an, jusqu’au 30 avril dernier, la Ville a distribué 546 subventions de 2000 $ s’ajoutant aux 8000 $ offerts par Québec.
Peu populaire en région
Le sujet a maintes fois été abordé lors de la dernière campagne électorale provinciale : la voiture électrique n’est pas encore une favorite en région.
Cela se perçoit dans les taux relativement faibles observés dans les principales villes de l’Abitibi, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de la Gaspésie, de la Côte-Nord ou de Beauce, par exemple. Les raisons sont multiples.
D’abord, les bornes de recharge y sont ou y étaient, jusqu’à tout récemment, rares.
« Le Saguenay, c’est assez isolé et il n’y avait pratiquement pas de bornes, note Jean-François Morissette. À part une couple de crinqués, les gens ne considéraient pas beaucoup la voiture électrique. Les installations récentes pourraient avoir un impact assez rapide sur les ventes. Il y a beaucoup de perceptions aussi. Même si c’est tout à fait faisable d’avoir une voiture électrique, les gens ont l’impression que non. »
Le fait que la majorité des voitures électriques offertes et disponibles étaient des modèles compacts explique aussi ce retard dans des régions où les pick-up sont très populaires.
« Tant qu’il n’y aura pas de pick-up électriques, on va sentir un retard. »
La langue, un obstacle ?
À première vue, les municipalités de Dorval, Pointe-Claire, Dollard-des-Ormeaux et Kirkland, dans l’ouest de l’île de Montréal, ont tout ce qu’il faut pour inciter leurs habitants à l’achat de voitures électriques : des résidences avec entrées privées, des résidants qui se servent régulièrement de leur voiture, en possèdent souvent deux et ont des revenus relativement élevés. Or, le taux d’adoption de la voiture électrique est inférieur à la moyenne québécoise.
« Je ne me l’explique pas, admet M. Morissette. Surtout que ce sont des villes où les gens n’habitent pas tous dans des immeubles multirésidentiels. »
Il avance quand même une théorie.
« Peut-être que c’est l’aspect anglophone ? Ils sont moins ciblés par la publicité et les groupes de pression. »
Lui-même un anglophone montréalais, Jeff Turner juge cette explication crédible.
« Il se peut qu’il y ait un manque d’effort dans les quartiers anglophones », concède-t-il.
Mais il préfère citer la faible distance entre ces quartiers et le centre-ville.
« C’est tout au plus 40 km par jour aller-retour. Ce n’est peut-être pas assez. Il y a un sweet spot. »
Notons d’ailleurs que les taux remontent dans les municipalités de la pointe ouest de l’île.
Gatineau oublié
Autre mystère difficile à élucider pour les experts interrogés : les très faibles taux observés en Outaouais. Gatineau, en particulier, affiche un taux d’à peine 0,49 %, souvent moins de la moitié de celui de villes en apparence comparables comme Laval, Longueuil, Trois-Rivières ou Sherbrooke.
« Si je regarde la carte des bornes de recharge, je vois qu’au nord et à l’ouest d’Ottawa, il n’y a pas beaucoup de bornes rapides », avance Jeff Turner.
« J’en ai arraché pour me recharger quand je suis allée à Ottawa », se souvient pour sa part Sarah Houde, de Propulsion Québec, qui pointe donc aussi dans cette direction.
« Peut-être qu’il n’y a pas de concessionnaire qui a pris les devants ? », s’interroge pour sa part M. Morissette.
— Avec la collaboration de Thomas de Lorimier et Michael Sanchez, La Presse