Le psychologue Jean-François Bureau, professeur de psychologie à l’Université d’Ottawa, observe que c’est « clairement » moins choquant aujourd’hui d’avoir un enfant après 40 ans qu’il y a une dizaine d’années. Il a répondu à nos questions.
Quels sont les avantages d’avoir un enfant après 40 ans ?
On est généralement plus mature, en meilleure santé financière, la décision est plus réfléchie, on est plus prêt à cela, le couple est souvent plus stable et on comprend mieux le développement de l’enfant. On est plus solide comme parent. En ce sens, les études ne démontrent pas de problème quand on est mère plus tard. La tranche d’âge la plus à risque, c’est celle des jeunes mères de moins de 20 ans. Alors mieux vaut être trop vieille que trop jeune !
Et les effets négatifs ?
Il y a un manque d’énergie qui peut arriver. Si on a des enfants à 45 ans, quand ils seront ados, on en aura presque 60, et l’adolescence peut gruger. Mais on peut compenser d’autres façons. Les inquiétudes sont plus par rapport à la grossesse et à l’accouchement, et elles sont justifiées. Ces risques ont été beaucoup véhiculés. Mais je ne pense pas qu’on s’inquiète à savoir si la personne aura la capacité d’accompagner l’enfant. Au contraire, elle ne peut pas être plus prête.
Pourquoi a-t-on des enfants de plus en plus tard ?
Ce qu’on voit de plus en plus, c’est qu’on réfléchit avant d’avoir un enfant, ce qui est une bonne chose. Aussi, les jeunes de 20 ans ne sont plus comme les jeunes d’il y a trois ou quatre générations. Ils ne sont pas encore autonomes, sont encore aux études, dépendent de leurs parents, ne sont pas prêts à s’engager dans une relation à long terme ou se marier, donc ils font tout plus tard, c’est un courant de société.
Est-ce contre nature d’avoir des enfants de plus en plus tard ?
Non. Il y a une époque où on avait des enfants à 13 ans. Il faut aller avec la société. Si on voyait apparaître des gros problèmes de santé chez les enfants ou chez la mère, on pourrait dire alors que c’est contre nature. Mais dans ce sens, on voit ces complications avec des mères adolescentes.
En ayant des enfants à 40 ou 50 ans, on risque d’être à leurs côtés moins longtemps. Est-ce alors un geste égoïste ?
Quelqu’un qui ne pense qu’à lui, la pire chose qu’il peut faire, c’est d’avoir un enfant ! À l’époque, les grands-parents mouraient à 60 ou 70 ans. Donc le temps passé avec les enfants était le même qu’aujourd’hui, puisqu’on a des enfants plus tard, mais on vit de plus en plus vieux. Ce qui est essentiel, c’est que si dans la vingtaine ou la trentaine, on n’est absolument pas prêt à avoir des enfants, ce n’est pas un service à rendre à l’enfant que d’en avoir un. Si on se sent bien dans son rôle de parent à 40 ans, alors ça sera à 40 ans.
Y a-t-il un meilleur âge pour avoir un enfant ?
Il n’y a pas de timing idéal. On n’est jamais prêt à ça, la fatigue, les inquiétudes. Mais il y a des périodes meilleures que d’autres, où on est davantage prêt à assumer notre choix. Dans la vingtaine, ce qui est plus risqué, c’est notre capacité à gérer les conflits. Il faut bien se connaître. Et il y a moins de risques de regretter d’avoir fait des sacrifices à 30 ou 40 ans.
Après son emploi, sa promotion, son mariage, ses voyages, sa maison, avoir un enfant devient-il l’ultime objectif ?
Si on pense comme ça, le danger est de mettre trop d’importance sur l’enfant. Si quelqu’un me disait : « J’ai tout fait, tout accompli et là je veux me consacrer à mon enfant », le danger est de mettre beaucoup de pression sur cet enfant. Ça veut dire que le bonheur de la personne passe maintenant par l’enfant. Alors, est-ce que c’est un enfant qui va devoir réussir ? Oui, le projet d’avoir des enfants, peu importe son âge, devient le centre de notre univers. Mais ce qui est important, c’est qu’il ne soit pas porteur de tout ce qu’il nous reste dans la vie.
On ne doit pas avoir un enfant parce qu’on regarde nos photos de mariage et qu’on s’ennuie. Ce n’est jamais une bonne motivation. Comme ce n’est pas une bonne motivation de vouloir un enfant parce qu’on hait sa job et qu’on veut un an de congé parental, ce qu’on entend… Mais peut-être qu’effectivement, il y a un risque en étant plus vieux de se dire : on est bien dans notre job, dans notre couple, on s’est mariés, on a eu notre party, on a renouvelé nos vœux, alors on va avoir un enfant. Mais ça ne peut pas être ça. Il faut faire un enfant parce qu’on en a vraiment envie, parce qu’on a le goût de donner quelque chose.
Quels sont les avantages d’être père après 40 ans ?
Je pense que les gars à cet âge qui sont en couple sont beaucoup plus solides et beaucoup plus prêts à se sacrifier. C’est le grand défi des pères : ils veulent de plus en plus s’impliquer, mais ne comprennent pas à quel point ça demande des sacrifices, parce qu’on ne leur a jamais dit. On parle beaucoup des mères, mais je crois que lorsqu’un père a un enfant après 40 ans, il peut y avoir une différence encore plus importante par rapport à l’engagement.