DANSE  MARGIE GILLIS

Le corps de la poésie

Margie Gillis présente un spectacle hybride, Bulletins From Immortality, basé sur la poésie d’Emily Dickinson. Elle partage la scène avec la grande comédienne new-yorkaise Elizabeth Parrish.

Quarante ans de carrière et elle danse toujours. Margie Gillis n’arrêtera pas de sitôt. Elle était heureuse d’un printemps enfin arrivé hier et fébrile à l’idée de parler de son nouveau spectacle danse-poésie-théâtre autour des mots d’Emily Dickinson.

« Nous donnons corps à sa poésie, dit la danseuse. C’est à propos de l’écrivaine, mais surtout de sa poésie qui est moderne, révolutionnaire en un sens. C’était son cadeau au monde. Nous lui donnons vie avec tout ce que ça comporte d’émotions. »

Durant sa courte vie de 55 ans, Emily Dickinson aurait écrit plus de 1800 poèmes en vers très courts avec des rimes imparfaites et une ponctuation non conventionnelle. L’artiste s’habillait presque exclusivement de blanc. Elle est ainsi souvent représentée sur scène ou à l’écran. Pas cette fois.

« Sa vie n’a pas été facile. Les poèmes publiés de son vivant ont été retouchés par les éditeurs. Elle a été longtemps recluse, mais nous ne voulions pas parler d’elle comme tant d’autres l’ont fait. Nous faisons éclater sa poésie au grand jour. »

— Margie Gillis, à propos d’Emily Dickinson

Le « nous » existe parce qu’il s’agit d’un duo scénique composé de la danseuse et de la grande comédienne américaine Elizabeth Parrish. Celle-ci a étudié avec Stella Adler à New York (qui a aussi enseigné à Marlon Brando et Marilyn Monroe). Elle vient de recevoir un prix de carrière pour son travail à Broadway notamment.

« Betsy est exquise. Toujours juste, vraie. Elle représente le corps de la poète ; moi, je suis son âme. Alors, parfois, on se chamaille », fait-elle en riant.

L’équipe élargie de cette production, en tournée canadienne après avoir été présentée à New York, comprend Catherine Bourgeois, Paola Styron, Randal Newman, Jean Gaudreau, Pierre Lavoie, ainsi que la musique de Satie et Mendelssohn et les mots, évidemment, de Dickinson.

« Quand j’ai commencé, on me disait qu’on ne pouvait pas danser sur des voix. Mais je l’ai toujours fait et je suis heureuse de voir que c’est davantage répandu aujourd’hui. Même si les gens ne comprennent pas parfaitement l’anglais, ils peuvent tout saisir grâce à la danse. La poésie est à la fois abstraite et précise et colle très bien aux mouvements. »

AVEC LE TEMPS

L’expérience de Margie Gillis lui donne envie de nouveaux défis. La poésie en est un. La projection de son corps, davantage en finesse et dextérité, en est un autre. 

« Quand j’étais jeune, je n’étais qu’énergie pure. Je me lançais sur les murs et rebondissais. Je me suis raffinée. En vieillissant, la peau se sépare des os et des muscles et je maîtrise de plus en plus le fait d’être en dehors du corps, d’être consciente de l’énergie qui m’entoure. Le corps qui prend de l’âge est toujours capable d’exprimer, de parler. »

« Comme Leonard Cohen le dit : “Vous ne voulez pas mentir aux jeunes.” Il faut être authentique, vrai et honnête face aux défis de l’âge, mais aussi aux trésors qui sont toujours là, tout comme le désir d’apprendre. » — Margie Gillis

La danseuse avance en âge, mais surtout en élégance et en sagesse. Elle continue de danser et d’enseigner son art ici et ailleurs. Montréal, Bali, New York… 

« J’adore toujours danser. J’aime fouiller de nouvelles idées et trouver des solutions aux problèmes. Quand j’entre dans ce lieu où quelque chose passe à travers moi, je m’y abandonne complètement. »

Au Théâtre Centaur (453, rue Saint-François-Xavier), du 6 au 9 mai.

SUN NEWS

Depuis 2011, le souvenir de son entrevue avec Krista Erickson du défunt réseau Sun News est encore frais à sa mémoire. Les marques de soutien qu’elle a reçues depuis, encore plus, cependant.

+WEB Voyez l’entrevue de Sun News avec Margie Gillis (en anglais) : https://www.youtube.com/watch?v=G-X2FKTHJjw

« J’ai eu tellement de beaux messages de soutien de la part de gens de partout dans le monde. C’était énorme. Lors de l’entrevue, c’est moi qui ai reçu les coups, mais beaucoup d’artistes en reçoivent tous les jours. La situation des arts au Canada est déplorable quand on considère que la seule chose qui compte, ce sont les finances, alors qu’on continue de dévaluer l’expérience humaine, la culture et l’environnement. »

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