Éducation

Pas de devoirs et de leçons, meilleurs résultats scolaires

Avec les coupes dans les programmes d’aide aux devoirs, de plus en plus d’écoles primaires se questionnent sur la pertinence de donner des travaux à faire après la classe. À l’école de la Passerelle, à Asbestos, la question est réglée depuis quatre ans déjà : les élèves n’ont pas de devoirs ni de leçons, et leurs résultats scolaires sont même en hausse. Le Soleil est allé y voir de plus près.

ASBESTOS — Chaque soir, plutôt que de noircir des pages de cahiers d’exercices, Olivier passe une vingtaine de minutes à lire des bandes dessinées. Comme la plupart de ses camarades de classe, il est bien heureux de repartir à la maison avec un sac d’école qui n’est pas plein à craquer.

« C’est une bonne chose, parce qu’on travaille toujours à l’école, alors ça nous donne plus de temps pour faire d’autres choses », lance cet élève de cinquième année.

En décidant d’éliminer les traditionnels devoirs et leçons il y a quatre ans, l’équipe de l’école de la Passerelle a aussi décidé d’accorder une plus grande place à la lecture, un élément-clé de la réussite scolaire selon plusieurs recherches.

Plutôt que d’apprendre des leçons par cœur, tous les élèves doivent se plonger le nez dans un livre chaque soir. En classe, des cercles de lecture sont organisés pour que les jeunes discutent de ce qu’ils ont lu, une façon de s’assurer qu’ils ont bel et bien feuilleté quelques pages.

L’organisation de la classe a aussi été complètement revue, explique Mélanie Leroux, qui enseigne en troisième année. 

« Le temps qu’on prenait pour gérer les devoirs, on le prend maintenant pour enseigner ce qui s’apprenait avant à la maison. Tout le monde est gagnant. Il n’y a personne qui est pénalisé parce qu’à la maison, ce n’est pas tout le monde qui a du soutien ou de l’aide. »

— Mélanie Leroux, enseignante à l’école de la Passerelle

Les mots de vocabulaire, par exemple, sont maintenant appris en classe. « Avant, les enfants nous recrachaient les mots de vocabulaire qu’ils devaient avoir appris à la maison. Mais le lendemain, si on leur redemandait, ils s’en souvenaient beaucoup moins. Maintenant, on s’assure de leur montrer des façons de les étudier, on les travaille en classe, on s’amuse avec ça, et ils les retiennent plus de cette façon », affirme Mme Leroux.

DES RÉSULTATS EN HAUSSE

La recette porte ses fruits, puisque les taux de réussite des élèves sont en hausse dans la plupart des matières, indique le directeur, Alexandre Néron. Aucune baisse n’a été constatée, ce qui ne l’étonne pas, puisque plusieurs recherches permettent de conclure que les devoirs et les leçons n’ont pas d’influence sur la réussite scolaire, rappelle-t-il.

Après quatre années, personne ne veut revenir en arrière, ajoute M. Néron, qui est en poste dans cette école depuis juin. 

« La première chose que m’ont demandée les parents et les enseignants quand je suis arrivé ici, c’est de continuer dans cette voie. »

— Alexandre Néron, directeur de l’école de la Passerelle 

Un avis partagé par Sylvie Fréchette, mère de deux enfants qui fréquentent l’école de la Passerelle. « Pour moi, c’est une belle décision de l’école. Au niveau familial, il y a beaucoup moins de conflits, et ça nous permet de nous amuser plus avec les enfants le soir. Au début, on a posé des questions, mais les craintes ou les questionnements se sont dissipés avec les années », dit-elle.

Contrairement à ce que certains pourraient croire, l’abolition des devoirs et des leçons est aussi une façon de responsabiliser les enfants, ajoute le directeur. L’élève qui a plus de difficulté est encouragé à faire davantage d’exercices à la maison, selon ses difficultés.

« On essaie de l’influencer pour que ça devienne son choix, plutôt qu’une obligation. Si un jour on l’amène à en prendre plus et à se responsabiliser, on pense que ça va rester. On a des élèves qui ont des difficultés et qui ont demandé d’en faire plus à la maison. Ils ont vu les résultats et ils ont compris pourquoi on leur demandait ça. Ils deviennent plus responsables face à leurs apprentissages. »

Repenser les devoirs, à l’ère des compressions budgétaires

Le téléphone sonne régulièrement dans le bureau d’Alexandre Néron, directeur de l’école primaire de la Passerelle. « Avec les coupes dans l’aide aux devoirs, il y a plusieurs directions qui s’interrogent. Tout le monde dit qu’il faut optimiser les ressources, alors si les devoirs et leçons n’ont pas d’impact sur la réussite des élèves, pourquoi les maintenir ? » Il ne suffit toutefois pas d’abolir les devoirs et les leçons sous prétexte que les écoles n’ont plus les moyens de donner un coup de pouce aux élèves qui ont de la difficulté, ajoute M. Néron. Celui-ci insiste sur l’importance de repenser la façon d’enseigner. « Sinon, ça ne marchera pas », lance-t-il.

99 %

Proportion des enseignants qui donnent régulièrement des devoirs et des leçons, selon un avis du Conseil supérieur de l’éducation rendu public en 2010.

90 % Proportion des parents qui sont en faveur des devoirs et les leçons, selon un sondage mené par la Fédération des comités de parents en 2010.

65 % Proportion des parents qui affirment ne pas avoir les connaissances requises pour épauler leurs enfants dans les travaux à la maison, selon une enquête du Conseil canadien sur l’apprentissage, publiée en 2006.

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