Duel économique

Le gouvernement a bien fait d’avoir assaini ses finances

Le plus récent budget du Québec provoque l’étonnement. Après avoir fait des efforts pour mettre la maison en ordre, le gouvernement accélère la croissance des dépenses publiques à quelques mois des élections. Mais il ne faut pas se tromper, si une faute a été commise, c’est bien celle de délier aujourd’hui les cordons de sa bourse, et non d’avoir assaini les finances publiques en début de mandat.

D’abord, un rappel : ce n’est pas parce qu’on a pu lire à maintes reprises ces dernières années que l’État a sorti la tronçonneuse que c’est vrai. En réalité, les dépenses ont crû chaque année. Chaque année ! Les chiffres sont publics et faciles à vérifier.

Le gouvernement a plutôt ralenti la croissance des dépenses publiques. Elles ont donc continué à augmenter même en tenant compte de l’inflation, notamment en santé et en éducation. Lors d’une seule année, soit 2015-2016, les dépenses par élève ont diminué. Mais les hausses des deux budgets suivants ont plus qu’effacé cette courte pause.

Comme le Québec a toujours le pire fardeau fiscal du Canada et l’un des pires de l’OCDE pour ce qui est de l’impôt sur le revenu des particuliers, et qu’il est la province la plus endettée par rapport à son PIB après Terre-Neuve-et-Labrador, la priorité était incontestablement de réduire les dépenses, pour pouvoir diminuer le déficit et enfin réduire la dette et les impôts.

À ce titre, malgré le fait que ce gouvernement ait mieux réussi que les précédents, le succès n’est que très partiel, et la dette continue de croître, bien que son poids diminue par rapport à la taille de l’économie.

Alors qu’une des promesses du Parti libéral était d’utiliser la moitié des surplus pour des réductions d’impôts et l’autre moitié pour la réduction de la dette, il utilise plutôt les surplus, essentiellement dus à la croissance économique qui surpasse toutes les prévisions, pour renouer avec l’accroissement des dépenses publiques : 6,5 % en plus l’an dernier et 4,7 % cette année, soit bien plus que l’inflation et la population (l’inflation est présentement de 1,7 %).

Rien de magique

S’il y a une erreur, c’est plutôt là. Lancer de l’argent sur les services publics sans rien changer d’autre n’améliorera pas magiquement leur qualité. Avant que son poste ne soit aboli, le Commissaire à la santé et au bien-être soulignait que les problèmes du système de santé ne sont pas dus au manque de ressources, mais bien à un problème d’organisation et de gestion. En éducation, aussi, la hausse des dépenses a eu lieu principalement dans des postes qui ont peu d’impact sur la qualité des services rendus.

Sans surprise, selon un sondage Léger publié en janvier dernier, 71 % des Québécois s’entendent pour dire que l’accroissement des dépenses ces 10 dernières années en santé et en éducation n’a pas donné de résultats. Le Rapport 2017 sur la performance des ministères du gouvernement du Québec dresse un constat semblable, et va même plus loin, concluant qu’augmenter leur financement causerait un « immense gaspillage ».

Loin d’être une erreur, les efforts budgétaires réalisés en début de mandat étaient nécessaires, alors que l’ouverture des vannes de la dépense publique ces deux dernières années retarde la diminution de la dette publique ainsi que la baisse des impôts nécessaire pour ne plus être le mauvais élève du Canada et enfin soulager significativement les Québécois. Alors que ses efforts des dernières années sont cités en exemple ailleurs au Canada, le gouvernement Couillard utilise les fruits de la croissance économique exceptionnelle pour renouer avec les mauvaises habitudes du passé.

L’Institut économique de Montréal (IEDM) est un organisme de recherche et d’éducation indépendant, non partisan et sans but lucratif. Par ses publications, ses interventions et ses conférences, l’IEDM alimente les débats sur les politiques publiques au Québec et partout au Canada en proposant des réformes créatrices de richesse et fondées sur des mécanismes de marché.

Duel économique

L’austérité était une erreur et elle laissera des traces

Loin d’être une « vue de l’esprit » comme le prétendait Philippe Couillard, les politiques de restrictions budgétaires ont eu des effets concrets et permanents tant sur nos services publics que sur les personnes qui en font usage. Il ne s’agit pas ici d’évidences anecdotiques : la Protectrice du citoyen a publié un rapport accablant à cet effet. Au contraire d’avoir « coupé sans affecter les services », l’austérité a été ressentie de plein fouet par les personnes vulnérables.

On nous dira que ce n’était pas de l’austérité puisque les dépenses du gouvernement ont continué d’augmenter tout le long du mandat libéral, mais ce serait oublier la hausse du coût de la vie, la croissance démographique et l’évolution des besoins. En fait, ce sont près de 8 milliards de dollars d’efforts supplémentaires que le PLQ a imposés à la population. Par ailleurs, est-il nécessaire de rappeler que la « croissance » des dépenses en santé cachait en réalité des hausses de rémunération faramineuses pour les médecins et peu d’argent pour les services eux-mêmes ?

Malgré leurs effets négatifs, les compressions étaient-elles nécessaires ? Il existe deux manières de répondre à cette question.

La première est d’examiner les justifications derrière l’austérité. Seulement 18 jours après l’élection du PLQ, un rapport a laissé entendre que, contrairement aux pratiques de gestion budgétaire en vigueur, toutes les demandes des ministères et organismes seraient automatiquement acceptées, gonflant artificiellement l’estimation des dépenses. Cela a donné l’illusion d’un « trou béant dans les finances publiques » qu’il fallait corriger de toute urgence.

Pourtant, malgré la crise économique récente, l’économie du Québec allait plutôt bien. De plus, nous a-t-on dit, le poids de la dette publique asphyxiait la croissance du Québec. On se basait alors sur des conclusions du Fonds monétaire international qui a depuis reconnu que ses calculs pour justifier l’austérité ne fonctionnaient pas. Au contraire, pour produire de la croissance, la théorie économique suggère d’effectuer des investissements afin de réduire les inégalités.

Deuxièmement, on peut se demander à quel point l’austérité explique la situation économique exceptionnelle du Québec. Si le PLQ n’avait pas imposé sa « rigueur » au début du mandat, parlerait-on quand même de plein-emploi et de croissance économique aujourd’hui ? 

Plusieurs éléments jouent en défaveur de la théorie de l’austérité salvatrice. D’une part, la croissance québécoise est fortement liée à la santé économique des États-Unis. Ajoutée à la baisse de la valeur du dollar canadien, elle explique en grande partie la force de la relance. Tout ça est complètement indépendant de la manière dont les libéraux ont gouverné le Québec. 

D’autre part, l’austérité a été imposée alors que le Québec se relevait tranquillement d’une récession, ce qui a participé à étouffer un moteur traditionnel de croissance, soit les investissements publics. Il ne restait que l’investissement des entreprises, pas très dynamiques à la sortie d’une crise, et la consommation des ménages (financée à coup d’endettement). Efficace ? Certainement pas. Le PLQ a dû, à plus d’une reprise, revoir à la baisse ses prévisions de croissance les premières années de son mandat.

L’austérité, en plus d’avoir des répercussions négatives sur les personnes qui avaient le plus besoin d’aide, s’est avérée injustifiée et inefficace. En revanche, si l’objectif était de réformer l’État en augmentant la participation du privé dans la santé, l’éducation ou encore les services de garde, on peut dire : « Mission accomplie ! » À terme, les économies générées sont marginales, mais c’est derrière des portes closes que se prennent maintenant les choix collectifs.

Fondé en 2000, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) est un organisme à but non lucratif, indépendant et progressiste. L’Institut produit des recherches sur les grands enjeux de l’heure (partenariats public-privé, fiscalité, éducation, santé, environnement, etc.) et diffuse un contre-discours aux perspectives que défendent les élites économiques.

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