Chronique

L’investissement Robuchon, un an plus tard

Parmi les nombreux bilans que l’on peut faire de 2017, celui-ci s’impose : Sœur Angèle génère plus de couverture à l’étranger que Joël Robuchon en tant que chef montréalais.

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Jean-Francois Dumas, président d’Influence Communication, la boîte d’analyse des contenus média, qui est allé voir si on parlait de Robuchon comme chef d’ici, partout là-bas.

« Quand on fait le palmarès de chefs qui œuvrent au Québec, son nom n’apparaît pas », dit Dumas. Si Robuchon a été mentionné comme chef présent à Montréal, ce fut marginal.

Est-ce à dire que le fameux rayonnement à l’étranger qu’on espérait tant pour le Casino de Montréal, une des raisons justifiant des investissements massifs pour ouvrir ce restaurant à l’île Notre-Dame, n’a pas porté ses fruits ?

Pas du tout, rétorque le Casino.

Cet investissement en valait la peine.

OK.

Seul hic : il faut les croire sur parole.

Parce que, un an après l’ouverture du restaurant, le Casino ne veut toujours pas dire combien a coûté la venue de l’Atelier de Joël Robuchon à Montréal.

Et comment peut-on dire si un projet est rentable, si on ne dit pas combien il a coûté ? Les meilleurs revenus du monde n’expriment rien s’ils ne sont pas comparés aux coûts qu’ils ont nécessité, n’est-ce pas ?

Qu’en dit le Casino ?

D’abord, le directeur général du Casino de Montréal, Marc Laporte, tient à dire que le chiffre de 11 millions qui a largement circulé l’an dernier comme étant le coût de la venue de l’Atelier de Joël Robuchon, AJR, dans la métropole n’est pas le bon. « C’est beaucoup moins », dit-il.

Mais en entrevue à l’AJR, par un vendredi après-midi de décembre, devant des caramels et du nougat maison, la discussion des chiffres s’arrêtera pas mal là.

Apparemment, ce sont notamment des questions de « confidentialité contractuelle » qui obligent cette opacité.

Cela dit, « nous sommes vraiment contents de comment ç’a été », poursuit M. Laporte.

En tout, l’offre de restaurants du Casino a connu une hausse de 25 % dans la dernière année.

Encore là, n’est-ce pas tout simplement parce que l’offre de grand luxe, qui n’était plus présente depuis la fermeture de Nuances, est réapparue ?

La réponse sera, encore là, peu précise. C’est apparemment l’offre de restaurants au complet qui importe pour le Casino, pas la performance spécifique des différents comptoirs et restaurants.

À la place, M. Laporte préfère parler de l’excellence de la table, ce que peu de gens remettent en question. Les taux de satisfaction sont élevés sur le site de réservation OpenTable, dit-il, la clientèle dit à 90 % que c’est « excellent » et 94 % affirment qu’ils reviendront.

Le Casino a aussi sondé ses clients lui-même et a trouvé ceci : 89 % des clients de l’AJR disent qu’ils n’étaient pas des habitués du Casino au départ, 68 % de la clientèle est venue à l’Atelier attirée par la renommée du chef et 46 % affirment qu’ils ont bénéficié d’autres services à l’intérieur du Casino. Parmi ces clients qui sont allés ailleurs dans l’enceinte, 91 % ont joué et 40 % sont allés à un bar. Cela, affirme M. Laporte, signifie que 1,6 million de dollars en revenus ont été générés par l’Atelier, mais à l’extérieur de l’Atelier, dans le Casino.

Donc on parle de 1,6 million de dollars nouveaux.

Mais combien est-ce que le Casino a investi pour aller chercher cet argent ?

Ah ! ça, comme on le disait plus tôt, on ne le sait juste pas.

L’autre chiffre que M. Laporte tient à citer, c’est que 15 % de la clientèle de l’AJR vient de l’extérieur du Québec, proportion qui est de 11 % pour l’ensemble de la fréquentation du Casino de Montréal.

Donc, les visiteurs sont plus présents à l’Atelier.

D’où viennent-ils ? Surtout des États-Unis et de l’Ontario.

Mais l’impact de l’Atelier, ce n’est pas juste un ensemble de chiffres de revenus, m’explique-t-on.

C’est aussi le rayonnement des produits et de l’expertise gastronomique québécoise à l’intérieur du réseau des Ateliers… Le cochon de Gaspor que M. Robuchon a adoré, les ris de veau de Napierveau, la crème de la laiterie Chalifoux, mentionne le chef exécutif Éric Gonzales. « Au nouvel Atelier à New York, ils se sont fait dire : “Demande à Éric où il prend sa crème à Montréal.” »

Parce que c’est vraiment lui qui pilote le restaurant. M. Robuchon lui-même n’est jamais revenu dans notre métropole depuis le lancement. Le Casino, m’a confirmé M. Laporte, n’a pas d’entente avec le grand étoilé français l’obligeant à être présent un nombre précis de fois chaque année. Il envoie plutôt des équipes pour s’assurer que la qualité associée à la marque est maintenue.

« On a eu la visite de ses collaborateurs, et tout se passe bien », dit M. Gonzales.

Et oui, « si c’était à refaire, on le referait », dit M. Laporte. Et ce, malgré toutes les critiques émises à l’endroit du Casino, autant pour son choix d’un chef étranger pour un restaurant public d’une telle envergure, avec de tels budgets, que pour son manque de transparence.

« On est en ligne, dit-il, avec nos objectifs commerciaux. »

Le croit-on ?

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