Chronique

Des étudiants à la rescousse des régimes de retraite

Du sang neuf. Des idées originales. Et si c’était des étudiants qui avaient la réponse aux problèmes quasi insolubles des régimes de retraite ? Des problèmes comme ceux de Vandalia, un État fictif du Midwest américain inventé dans le cadre de la deuxième édition du McGill International Portfolio Challenge (MIPC).

Le régime de retraite public de Vandalia est en piètre état. La caisse contient 29 milliards de dollars, alors que la valeur de toutes les rentes promises aux employés s’élève à 37 milliards, ce qui correspond à un ratio de solvabilité de 78 %.

Le déficit de 8 milliards est devenu un sujet de controverse dans cette région de la « Rust Belt » que les jeunes ont quittée, ces dernières années, à cause du déclin industriel du fer et des mines.

Qui va payer pour les boomers qui arrivent en grand nombre à la retraite ? Cette question lancinante se pose de manière très réelle pour un grand nombre de régimes de retraite publics aux États-Unis.

Imaginez : dans certains États, comme le New Jersey, l’Illinois et le Kentucky, le ratio de solvabilité est inférieur à 40 %. Vu à l’envers, c’est comme s’il y avait un trou de 60 % dans le régime.

Et ces chiffres épouvantables sous-estiment le problème, car les régimes de retraite aux États-Unis tablent sur des hypothèses de rendement déraisonnables de 7-8 % par an, alors qu’un taux de 3-4 % serait plus réaliste, selon l’organisateur du concours Sébastien Betermier, professeur de finance à la faculté de gestion McGill Desautels.

Pour atteindre des rendements aussi élevés, les fonds de pension sont forcés de prendre beaucoup de risques, ce qui les rend très vulnérables à un repli des marchés. Mais s’ils veulent devenir plus prudents, il faudra cotiser davantage, ce qui est difficile à digérer.

« Si on fait un ajustement trop vite, on peut mettre les villes en faillite. Si on monte les impôts, les élus vont perdre leur poste dans les deux années qui suivent », prédit M. Betermier.

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Bref, la solution n’est pas facile à trouver, car toutes les parties prenantes ont des intérêts divergents.

Mais une équipe d’étudiants de l’Université de Calgary a concocté une formule de compromis qui lui a valu le premier prix du concours MIPC remis la fin de semaine dernière à Montréal. Un groupe de l’Université Laval s’est classé bon deuxième.

En tout, 90 équipes des quatre coins du monde avaient envoyé leur proposition. Vingt-cinq ont été retenues pour venir présenter leur idée devant une trentaine de juges issus de l’industrie.

L’exercice a le mérite d’apporter des perspectives variées, car les étudiants viennent d’une foule de pays qui ont leur propre système de retraite. Parmi les finalistes se trouvaient des équipes de Singapour, d’Espagne, d’Inde, de Thaïlande…

« Ça permet aussi de sensibiliser la jeune génération au problème qui en est un de long terme », dit M. Betermier.

L’équipe gagnante a remporté la palme grâce à une solution où chacun y met un peu du sien. Les lauréats ont suggéré de revoir la répartition d’actif du fonds en ajoutant davantage de placements privés et en utilisant l’effet de levier pour augmenter les rendements.

L’effet de levier consiste à emprunter pour surinvestir. Pour que la stratégie fonctionne de manière optimale, les étudiants ont conseillé que l’État garantisse l’émission de dettes afin de réduire les taux d’intérêt. De la sorte, le gouvernement met la main à la pâte sans avoir à hausser les impôts.

Pour que les participants du régime de retraite apportent aussi leur contribution, l’équipe gagnante a recommandé de diminuer légèrement la générosité des rentes, mais seulement pour les nouveaux employés. Ainsi, aucune promesse ne serait rompue.

Cette formule a séduit les juges, car elle permet de faire passer la pilule relativement en douceur.

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Au Canada, la situation n’est pas parfaite non plus. Les bons vieux régimes à prestations déterminées fondent comme neige au soleil. L’augmentation de l’espérance de vie et la baisse des taux d’intérêt les ont rendus si coûteux que les employeurs ne veulent plus les parrainer.

Ce thème était d’ailleurs le défi de la première édition du concours qui posait le problème sous tous les angles : « celui du patron qui n’a pas envie de remettre trop d’argent pour renflouer la caisse, celui des retraités qui n’ont pas envie de finir comme ceux de Sears en se rendant compte que leur caisse de retraite est en faillite, celui du gérant, de l’actuaire, du régulateur… », énumère M. Betermier.

Ici encore, chacun a ses propres intérêts.

« Les régimes de retraite peuvent survivre en appliquant des méthodes de gestion de risque plus originales », affirme Kiril Gatev, lauréat de l’an dernier avec une équipe de HEC Montréal.

Sa stratégie quantitative fondée sur des produits dérivés n’a pas été adoptée par de véritables caisses de retraite, souvent plus frileuses. « Mais on est convaincu que ça fonctionnerait », assure M. Gatev.

Néanmoins, le concours a donné des résultats inespérés pour le jeune homme de 27 ans. Avant même qu’il termine sa maîtrise, l’un des juges lui a offert un emploi d’analyste quantitatif chez Gestion d’actifs CIBC.

Une belle carrière en perspective… avant la retraite.

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