Un style de jeu moins efficace que celui des Sénateurs

La série Ottawa-Montréal nous permet d’observer deux clubs au style franchement différent. Alors que les Sénateurs mettent l’accent sur les passes courtes et le transport de la rondelle, le Canadien axe plutôt son jeu autour des longues passes, du placement et de la poursuite de la rondelle.

Ces différences de style sont particulièrement apparentes dans la façon qu’ont les deux clubs d’organiser les transitions d’une zone à l’autre. Pour mieux comprendre ces transitions, j’ai, depuis le début de la série, noté chaque sortie de zone défensive, soit en contrôle de la rondelle, soit par le truchement d’un dégagement (par la bande, au moyen d’un lob ou encore après une passe manquée). De même, chaque fois qu’un club a réussi à s’établir en zone offensive, j’ai noté s’il était arrivé à ses fins en contrôlant le disque ou encore en le récupérant à la faveur d’une séquence d’échec avant.

Les résultats sont éloquents : les joueurs du CH utilisent beaucoup plus souvent les dégagements pour sortir de leur zone et un peu plus souvent les récupérations comme moyen d’établir une présence en zone offensive.

Ces données deviennent vraiment intéressantes lorsqu’on les organise en séquences. Lorsqu’une équipe sort de sa zone en contrôlant le disque plutôt qu’en le dégageant, quel est l’impact de cette décision ?

Si on schématise, quatre résultats sont possibles après une sortie de zone défensive : 

• L’équipe réussit à s’établir en zone offensive.

• Sans réussir à s’établir en zone adverse, l’équipe contraint l’adversaire à sortir le disque de sa zone.

• Un revirement en zone neutre est créé, l’adversaire retourne le disque en zone défensive sans parvenir à le contrôler et une nouvelle sortie de zone est effectuée.

• L’adversaire réussit à s’établir en zone défensive.

Lorsqu’une équipe contrôle le disque en sortant de sa zone, le premier scénario se réalise deux fois sur trois. Lorsqu’elle opte plutôt pour un dégagement, la rondelle revient dans sa zone une fois sur deux. Comme on peut le constater dans les tableaux ci-dessous, les résultats sont pratiquement identiques pour le Canadien et les Sénateurs.

Les résultats ci-dessus ne portent que sur cinq matchs et concernent uniquement le jeu à forces égales. On doit donc les prendre avec un grain de sel. N’empêche, on ne peut que souligner à quel point le style de jeu pratiqué par le CH n’est pas aussi efficace que celui des Sénateurs. Chaque dégagement manqué ayant 50 % de chances de ramener le disque en zone défensive, on parie très gros sur la capacité des défenseurs à enlever le disque à l’adversaire, encore et encore.

Mais il y a plus. On ne parle ici que des sorties de zone effectuées. Or, à consigner ces informations match après match, on en vient à remarquer que les hommes de Michel Therrien, à force de chercher la longue passe ou encore le ricochet par la baie vitrée, échouent souvent à même sortir la rondelle de leur zone, créant encore plus de revirements.

Les Sénateurs n’ont pas réussi à exploiter systématiquement cette faille dans le jeu montréalais, ce qui risque fort de leur coûter la série. On va m’accuser de jouer les Cassandre alors même que le CH a de fortes chances d’éliminer Ottawa dès ce soir, et il est compréhensible qu’on ne veuille pas changer de style à ce stade-ci de l’année. Mais on doit s’interroger sur la capacité de l’équipe à faire plus d’une ronde ou deux en misant systématiquement sur une tactique ouvrant ainsi le flanc aux contre-attaques rapides.