Politique

18 mois avec le gouvernement Marois

Un collaborateur de l’ex-première ministre revient sur le court règne péquiste dans un ouvrage publié aujourd’hui

QUÉBEC — Pauline Marois n’avait pas l’intention de tenir un référendum si elle avait remporté les élections il y a deux ans. Elle pensait balayer cet enjeu délicat avec un livre blanc sur l’avenir du Québec. Elle croyait pouvoir s’en tenir à une déclaration vague sur ses intentions. Mais elle n’avait pas tout prévu.

L’éphémère première ministre a été prise de court quand la question référendaire s’est présentée à l’envers : pourrait-elle s’engager à ne pas tenir de référendum dans un prochain mandat ? Certainement pas ! Son mutisme à ce sujet aura plombé définitivement sa campagne. « On était décidé à ne pas s’engager à tenir un référendum. Mais s’engager à ne pas en faire, Mme Marois n’était pas prête à aller jusque-là, dire le contraire de ce qu’elle pensait à cause des sondages », se souvient Dominique Lebel. Au Parti québécois (PQ), beaucoup pensaient qu’elle aurait dû profiter de l’occasion pour se dégager de cette hypothèque.

Pendant 18 mois, Dominique Lebel a travaillé à proximité de Pauline Marois, comme chef de cabinet adjoint. Dans un ouvrage qui arrive aujourd’hui en librairie, il brosse un tableau, souvent impressionniste, de la vie dans les arcanes du pouvoir. Les élus sont souvent condamnés à improviser, tout n’est pas réglé comme du papier à musique, illustre l’apparatchik dans son ouvrage, Dans l’intimité du pouvoir, de plus de 400 pages, présentées sous forme d’un journal quotidien.

Souvent, le chroniqueur évite d’accabler en l’identifiant un ministre fautif. Mais il est précis sur les grands constats : Pauline Marois était convaincue de l’emporter quand elle a déclenché les élections au printemps 2014. Surtout, elle n’avait pas même une seconde envisagé une défaite dans sa circonscription de Charlevoix. Lebel tend la photo accablante d’une femme brisée, perturbée, quand elle reçoit les résultats définitifs le jour du vote. Même si près de la moitié du Conseil des ministres voulait déclencher des élections dès l’automne 2013, Mme Marois et sa chef de cabinet Nicole Stafford jugeaient qu’il fallait avancer quelques réformes avant le rendez-vous des urnes.

« Elle était convaincue de gagner, les sondages étaient favorables, M. Couillard n’était pas installé véritablement à la tête du PLQ et la CAQ éprouvait des problèmes. Elle a déclenché parce qu’elle pensait gagner, c’est aussi simple que ça », se souvient Lebel.

LES DIFFÉRENTES PERSONNALITÉS

Des passages émouvants : Pauline Marois n’aimait pas le style de gestion de Marie Malavoy à l’Éducation et annonce en privé à sa vieille amie qu’elle ne sera pas ministre quand le gouvernement Marois sera réélu ; « elle est revenue la larme à l’œil ». D’autres font sourire : Jean-François Lisée est très conscient de son talent, il a mis du temps à devenir ministre plutôt que conseiller. Surtout, « il cherche toujours l’effet de surprise », il sème dans ses points de presse des annonces inattendues. Québec aurait pris le relais de l’ACDI laissée pour compte par Ottawa, ou la résidence du délégué du Québec à Londres aurait été vendue pour compenser les coupes au Ministère. Autant d’annonces tirées de son chapeau. Martine Ouellet est une dynamo, elle n’arrête jamais, mais elle est difficile à vivre ; l’ex-ministre des Ressources naturelles a fait sauter simultanément son chef de cabinet et son sous-ministre.

Bernard Drainville aime les caméras. Le ministre, frénétique, mitraille ses interlocuteurs d’idées et a servi sans faiblir dans le délicat dossier de la Charte des valeurs. Alexandre Cloutier a beau dire qu’il était opposé à la Charte, il n’en a pas soufflé mot avant les élections, confie Lebel dans une entrevue avec La Presse, hier. En revanche, les réticences de Jean-François Lisée étaient bien connues, à l’intérieur comme à l’extérieur du gouvernement. Ce que révèle Lebel, c’est la détermination de Pauline Marois dans ce dossier de la Charte de la laïcité. « C’était prévu depuis longtemps dans le programme du PQ », rappelle-t-il.

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