André Pratte

Une contribution exceptionnelle

André Pratte prend sa retraite après une brillante carrière de plus de trente ans à La Presse. J’aimerais le féliciter de sa nomination au Sénat et souhaite également le remercier sincèrement pour sa contribution exceptionnelle à La Presse au fil des ans.

Depuis 1986, André a laissé une marque indélébile dans notre paysage médiatique à titre de journaliste, puis chroniqueur, éditorialiste en chef, vice-président à l’éditorial et éditorialiste émérite. Doté d’une capacité d’analyse exceptionnelle, d’une grande rigueur et d’une éthique irréprochable, cet homme brillant a témoigné et offert sa perspective sur les grands enjeux et débats qui ont animé notre monde au cours des trente dernières années. Il a, à travers ses écrits, grandement contribué au développement et à l’évolution de notre société.

Je le remercie pour ces belles années parmi nous et je lui souhaite le meilleur succès pour l’avenir.

Guy Crevier

Président et éditeur

La Presse

Nomination au Sénat

Une occasion historique

Le qualificatif est galvaudé, mais on a raison de l’employer ici : le Sénat vit un moment historique. Grâce aux changements apportés par le premier ministre, les sénateurs ont une occasion unique de redorer le blason de l’institution qui, quoi qu’en disent plusieurs, joue un rôle essentiel au sein du système politique canadien. Cette occasion, ils doivent – pardon, NOUS devons – absolument la saisir.

Il est tragique que la crédibilité du Sénat soit amochée au point qu’une formation politique ayant de bonnes chances de prendre le pouvoir ait cru bon inscrire l’abolition de la Chambre haute dans sa plateforme électorale. Pourtant, comme l’a rappelé la Cour suprême il y a deux ans, « le Sénat est une des institutions politiques fondamentales du Canada » et « se situe au cœur des ententes ayant donné naissance à la fédération canadienne ».

Évidemment, l’affaire Duffy et la controverse des dépenses injustifiées ont fait un tort considérable à la réputation du Sénat. Ces affaires ne doivent pas faire oublier que la plupart des sénateurs, ceux dont la population n’entend jamais parler, font consciencieusement leur travail. Mais le fait est qu’un laisser-aller inacceptable s’était installé ; la colère populaire est parfaitement compréhensible.

Heureusement, le Sénat de demain ne sera pas comme celui d’hier. Les futurs sénateurs ne seront pas choisis par le seul premier ministre, mais par un comité de sages qui proposera une liste de noms parmi lesquels le premier ministre pourra faire son choix. C’est ainsi qu’ont été sélectionnés les sept nouveaux sénateurs dont la nomination a été annoncée hier par le premier ministre, parmi lesquels l’auteur de ces lignes.

Surtout, tous les nouveaux sénateurs seront indépendants, c’est-à-dire qu’ils ne seront pas soumis à une discipline de parti.

Par conséquent, la composition partisane du Sénat ne sera plus une simple copie de celle de la Chambre des communes. La Chambre haute sera donc mieux en mesure de porter sur les projets de loi un « second regard réfléchi » (sober second thought), le rôle que souhaitaient lui voir jouer les Pères de la Confédération.

À une époque où on se plaint du pouvoir excessif de la majorité gouvernementale aux Communes, qui s’est notamment manifesté par l’adoption de projets de loi « mammouths », un Sénat plus indépendant fera un meilleur chien de garde des intérêts des différentes régions du pays et des droits fondamentaux des Canadiens, notamment ceux des minorités.

UNE DYNAMIQUE TRANSFORMÉE

D’ici la fin de l’année, 17 autres postes de sénateur devront être comblés. C’est donc dire que, en comptant les sénateurs qui viennent d’être nommés et ceux qui siègent déjà comme indépendants, plus du tiers des membres de la seconde chambre seront des indépendants. La dynamique du Sénat s’en trouvera complètement transformée. C’est à se demander s’il ne faudra pas réécrire le règlement, celui-ci ayant été conçu pour un système partisan.

Ayant accepté l’offre du premier ministre Trudeau de siéger au Sénat, je mets un terme à une carrière de journaliste qui aura duré 37 ans, dont 30 à La Presse. J’ai passé 14 de ces années comme éditorialiste en chef, le plus bel emploi dont un journaliste puisse rêver. Je tiens à remercier le président et éditeur de La Presse, Guy Crevier, de m’avoir offert cette extraordinaire tribune, une décision qui, en 2001, témoignait d’une audace certaine.

J’aimerais aussi vous remercier, chers lecteurs de La Presse. Au fil des années, d’accord ou pas, un grand nombre d’entre vous ont pris la peine d’échanger avec moi, de corriger mes erreurs, de partager vos expériences, de faire des suggestions. Cela m’a permis, je crois, de devenir un meilleur journaliste. Sans votre passion pour l’information, votre fidélité et votre vigilance, je n’aurais jamais reçu cet appel, lundi dernier : « Bonjour André, c’est le premier ministre… »

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