Des millions de Chinois confinés dans leurs villes
Le gouvernement chinois a entrepris jeudi de confiner près de 20 millions de personnes dans leurs villes respectives dans l’espoir de freiner la propagation d’un nouveau virus qui touche aujourd’hui de vastes pans du pays.
Les vols et les trains en partance de Wuhan, considéré comme l’épicentre de la crise, ont été suspendus en matinée et des contrôles routiers ont été mis en place pour restreindre les mouvements de ses 11 millions de résidants.
Des mesures similaires ont été annoncées pour cinq autres villes de la province du Hubei alors que le nombre de cas d’infection rapportés à l’échelle du pays continuait d’augmenter. Vendredi matin, heure locale, le bilan s’élevait à 830 cas et 25 morts.
Le Viêtnam et Singapour ont annoncé jeudi avoir détecté un premier cas sur leur territoire, s’ajoutant à une liste qui compte une demi-douzaine de pays où quelques personnes ont été touchées.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé à Genève jeudi qu’il était encore « trop tôt » pour déclarer que la propagation du virus représentait une « urgence de santé publique de portée internationale ».
Ses dirigeants ont indiqué que le nombre limité de cas à l’extérieur de la Chine, ainsi que les efforts mis en œuvre pour freiner la propagation du virus dans le pays, expliquaient cette réserve.
« Ne vous y trompez pas : il y a bel et bien une urgence en Chine, mais il ne s’agit pas encore d’une urgence sanitaire globale. Ça pourrait très bien le devenir », a prévenu le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Il a prévenu que beaucoup d’informations demeuraient incertaines relativement au virus, notamment la facilité avec laquelle il peut se propager et ses effets précis sur la santé.
Jusqu’à maintenant, la majorité des personnes tuées par le virus souffraient de problèmes médicaux préexistants qui avaient pu affaiblir leur système immunitaire. Nombre d’individus contaminés ne présentent apparemment que des symptômes mineurs.
Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), a indiqué hier que le fait que nombre de personnes contaminées présentent peu de symptômes complique la tâche des autorités sanitaires chinoises.
Ces personnes sont beaucoup moins susceptibles de se présenter en milieu hospitalier, où elles seraient placées en isolement, et risquent de transmettre le virus sans le savoir.
La proximité de la fête du Nouvel An chinois, une période durant laquelle des centaines de millions de personnes se déplacent dans le pays, ajoute aux risques de contamination en multipliant les contacts potentiels.
La décision des autorités de mettre des villes comme Wuhan de facto en quarantaine témoigne de la volonté du gouvernement de prendre des « mesures exceptionnelles » à un moment clé de la crise, souligne le Dr De Serres.
« Si on veut empêcher le virus de se propager largement et de devenir une maladie avec laquelle on va devoir vivre pendant des décennies, c’est maintenant qu’il faut agir », souligne le spécialiste.
Les larges pouvoirs du gouvernement communiste lui permettent de mettre des villes de facto sous quarantaine, mais un tel scénario serait difficilement imaginable dans un pays démocratique, souligne-t-il.
« Disons que si on essayait de faire ça à New York, ce serait plus compliqué. »
— Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste de l’Institut national de santé publique du Québec
En plus de restreindre les déplacements dans plusieurs villes, Pékin a annoncé l’annulation de plusieurs rassemblements d’envergure prévus pour le Nouvel An et la fermeture de la Cité interdite, où convergent normalement nombre de visiteurs de Pékin.
L’OMS a refusé jeudi de se prononcer sur la pertinence des restrictions imposées à Wuhan et dans les villes voisines, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus se bornant à dire qu’il espérait que les mesures retenues s’avéreraient « efficaces » et de « courte durée ».
D’autres spécialistes ont affirmé que les restrictions sur les déplacements arrivaient potentiellement trop tard puisqu’un grand nombre de résidants de Wuhan ont quitté la ville depuis que le virus a été signalé formellement fin décembre.
La logistique risque aussi de s’avérer complexe puisque plusieurs médias chinois relevaient jeudi les risques de pénurie de médicaments et de nourriture ainsi que l’incapacité des hôpitaux locaux à faire face à l’afflux de patients inquiets.
Pékin a répété pendant des semaines que la contamination s’était faite d’animal à humain dans un marché de fruits de mer de Wuhan et ne pouvait se faire entre humains, avant de reconnaître lundi que le second scénario était « avéré ».
Des pays étrangers, dont le Canada, ont subséquemment mis en place des mesures de contrôle aux aéroports pour détecter des voyageurs malades en provenance de la ville.
La Dre Tamara Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, a réitéré jeudi que le risque pour la population demeurait « faible » et qu’aucun cas d’infection par le nouveau virus n’avait été recensé au pays.
— Avec l’Agence France-Presse