Opinion

La Catalogne deviendra-t-elle indépendante le 1er octobre ?

Le Parlement de la Catalogne a adopté, le mercredi 6 septembre, une loi qui valide la tenue d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne le 1er octobre 2017. 72 députés ont voté pour ; 60 se sont prononcés contre et 3 se sont abstenus. La question qui sera posée aux électeurs est : « Souhaitez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous forme de République ? »

Notons que cette loi défie la Constitution espagnole de 1977 qui interdit tout référendum d’autodétermination aux 17 régions autonomes du pays.

Selon Christian Hoarau, professeur titulaire de chaire du CNAM (Paris) cité dans Le Devoir du 9 septembre 2017, « trois des dispositions de cette loi reflètent la détermination des indépendantistes de s’affranchir de la légalité espagnole : (1) le caractère contraignant du résultat du référendum. Si le Oui l’emporte, quel que soit le taux de participation, l’indépendance sera proclamée ; (2) la création d’un régime juridique exceptionnel destiné à garantir la tenue de ce référendum ; (3) la protection juridique de ceux qui organisent cette consultation ». Une loi sur « la transition juridique », sorte de mini Constitution de la future république catalane indépendante, a également été adoptée avec une faible majorité.

Dès le lendemain, le gouvernement de Madrid a soumis tous ces textes de loi à la Cour constitutionnelle, qui les a suspendus pour cinq mois renouvelables, jusqu’à une décision définitive. La Cour a aussi menacé de sanctions pénales les maires, les membres du gouvernement, les hauts fonctionnaires, les policiers et les employés des médias catalans qui participeraient à cette consultation.

L’Espagne fait face à la plus grave crise politique de son histoire depuis le retour à la démocratie en 1978. Le gouvernement du Partido Popular, appuyé par le Partido socialista obrero espanol (PSOE), Ciudadanos, Podemos et une large partie de l’opinion publique espagnole, est résolu à empêcher la tenue de ce référendum, alors que la coalition des partis indépendantistes catalans, qui regroupe notamment la Candidatura d’Unitat Popular (CUP) et Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), est déterminée à aller de l’avant.

Heureusement, le conflit demeure sur le terrain juridique.

Et il serait surprenant qu’il dégénère en un affrontement violent, en raison de l’opposition de l’Union européenne (UE) et de la volonté du PSOE, dont l’appui est essentiel à la survie du gouvernement minoritaire du Partido Popular, d’éviter à tout prix un tel scénario.

Pourquoi ce référendum ?

Le mouvement nationaliste catalan existe depuis des siècles. Mais depuis le milieu des années 2000, il s’est radicalisé tout en ralliant un nombre de plus en plus important de citoyens. La principale cause de cette évolution est le traitement fiscal inéquitable de la Catalogne, région la plus riche d’Espagne depuis le XIXe siècle : elle contribue à 18 % du PIB espagnol, génère 21 % des recettes fiscales du pays, mais ne reçoit que 11 % des investissements publics de l’État central.

Le déficit fiscal de la Catalogne est estimé à 16 milliards d’euros (environ 23 milliards de dollars canadiens). En outre, si le Pays basque et la Navarre ont été autorisés à percevoir eux-mêmes l’impôt, cette dévolution de pouvoir a été refusée à la Catalogne. Lorsque celle-ci a tenté d’obtenir un nouveau statut d’autonomie et un nouveau régime fiscal en 2006 et 2010, elle s’est heurtée au refus du gouvernement de Madrid. Enfin, la crise financière de 2011 a aggravé le déficit fiscal de la Catalogne.

Il est aussi fort possible que les élites indépendantistes catalanes veuillent profiter du fait que le gouvernement minoritaire du Partido Popular ne peut se maintient au pouvoir qu’avec l’appui du PSOE, qui est favorable à la négociation d’une nouvelle entente entre les deux ordres de gouvernement.

Les indépendantistes gagneront-ils leur pari ?

Si ce référendum a lieu, ce qui demeure encore incertain, ses résultats sont difficiles à prévoir.

Les sondages d’opinion démontrent que 70 % des Catalans souhaitent la tenue de ce référendum, mais la répartition entre les tenants du Oui (environ 40 %) et les partisans du Non (approximativement 43 %) demeure très serrée.

Tout dépendra de la participation des partisans du Non – qui, pour la plupart, ne sont pas des Catalans de souche, la Catalogne étant une terre d’immigration pour un très grand nombre d’Espagnols des autres régions du pays depuis le XIXe siècle. La majorité d’entre eux ne s’étaient pas présentés aux urnes lors de la consultation non référendaire de 2014.

Quelle est la position de l’UE ?

La propagande des élites économiques et politiques souverainistes catalanes soutient qu’une Catalogne indépendante pourrait demeurer membre de l’UE, avec laquelle la Catalogne a de très importantes relations économiques et commerciales. Or, la Commission européenne, lors du référendum sur l’indépendance de l’Écosse en 2014, a précisé que tout État régional d’un État membre qui ferait sécession devra se soumettre au même processus d’adhésion que n’importe quel autre État. Cela signifie qu’il devra obtenir l’appui unanime des 28 ou 27 États membres (après le Brexit). Or, il est à peu près certain que l’Espagne opposerait son veto.

On le constate, il est impossible de répondre à la question de cet article, car trop d’incertitudes pèsent sur l’évolution de la crise politique espagnole : le référendum du 1er octobre aura-t-il lieu ? Si oui, quels seront ses résultats ? Si les indépendantistes l’emportent, Madrid acceptera-t-elle la déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne ?

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