CHRONIQUE : ÉDUCATION

Le beau virage

Pas de chance. Pour une fois que le gouvernement Couillard prenait une initiative intéressante – la réussite scolaire pour tous –, elle a été en quelque sorte enterrée par le débat interne des libéraux sur le problème mineur d'Uber et la solution simpliste échafaudée par le ministre Daoust.

Ce projet sur la réussite scolaire est porté par le nouveau ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, qui a apparemment réussi à convaincre le premier ministre qu’il lui fallait lancer un plan novateur et inspirant d’ici la fin de son mandat, sous peine de passer pour le gouvernement le plus indolent de l’histoire du Québec.

Il n’y a pas deux semaines, le premier ministre rejetait péremptoirement l’idée de généraliser la prématernelle sous prétexte que cela coûterait trop cher.

Il a changé d’idée à la vitesse de l’éclair, et donné carte blanche au ministre Proulx, puisque ce dernier affirme avec assurance qu’il sera en poste d’ici aux prochaines élections.

Cela sera un changement pour le mieux, après l’incompétent Yves Bolduc et le distrait François Blais – des nominations qui ont prouvé le peu d’intérêt que M. Couillard portait aux questions d’éducation. Le simple fait d’avoir donné à son confrère en médecine, le Dr Bolduc, le portefeuille de l’Éducation comme prix de consolation pour avoir été écarté de la Santé en disait assez long.

Tout comme la ministre Dominique Anglade, M. Proulx est un ancien caquiste, et son projet est en partie inspiré des récentes suggestions de la CAQ. Il faudrait être de bien mauvaise foi pour reprocher au gouvernement Couillard de s’inspirer des bonnes idées de l’opposition. Puisque le Parti québécois s’entête à s’enfoncer dans la marginalité en courtisant Québec solidaire (7,6 % du vote populaire en 2014) et Option nationale (0,7 % des électeurs !), le PLQ a tout intérêt à occuper le terrain en s’enrichissant à même le personnel politique et les idées de la CAQ, ce tiers parti qui parle souvent le langage du bon sens.

Le ministre Proulx a fort opportunément envoyé au rancart le projet d’abolir les commissions scolaires – une autre réforme de structures peut-être cohérente sur papier mais contestée sur le terrain, notamment chez les anglophones, et qui n’aurait engendré que de vaines querelles.

Dans la même optique, il devrait en toute logique renoncer à l’idée d’imposer aux enseignants un ordre professionnel dont ils ne ressentent pas la nécessité. Pourquoi braquer les enseignants au moment où le gouvernement a besoin de toute leur collaboration pour mener des réformes visant à lutter contre le décrochage scolaire et à combler l’écart malsain (de l’ordre de 10 %) entre le taux de diplomation des Canadiens français et celui des anglophones (incluant les immigrants) ?

Faut-il généraliser les prématernelles ? Prolonger la fréquentation scolaire jusqu’à 18 ans ? Ce sont là des moyens dont on doit discuter.

L’important, c’est que, sous la houlette d’un jeune ministre résolu, le gouvernement donne enfin priorité à l’éducation.

M. Couillard, à en juger par son discours au conseil général de son parti, semble avoir pris conscience de l’importance primordiale de l’éducation dans le développement d’une société. Mais pourquoi avoir tant tardé ? La réduction du déficit n’est pas un projet, ce n’est que de la mécanique comptable. La première moitié du mandat libéral s’est passée sans qu’aucun projet digne de ce nom n’en émane, à l’exception de la méga-centralisation opérée par le ministre Barrette, dont les résultats sont pour l’instant nébuleux.

On ne sait toujours pas pourquoi M. Couillard a tant voulu être premier ministre. Quel projet avait-il en tête ? Le pouvoir, oui, mais pourquoi ?

À part un engouement aussi subit qu’éphémère pour l’écologie, au retour de la COP21 de Paris, on ne lui connaît aucune passion, aucune volonté de changer des choses.

Il laisse aller ses ministres, en morigène ou en destitue quelques-uns, et tolère l’intolérable, comme ce projet de loi 59, une entreprise ignoble, qui ferait des fonctionnaires politiquement corrects de la Commission des droits de la personne les arbitres de la liberté d’expression au Québec. Le mieux que l’on puisse espérer est que le PL 59 meure dans l’indignité durant les vacances d’été et ne réapparaisse plus jamais au feuilleton.

Le ministre Proulx vient de donner un sens, une raison d’être, à un gouvernement qui fonctionnait sur le pilote automatique. Souhaitons-lui la meilleure des chances.

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