Chronique

Le steak électoral du PQ

Je tiens Paul St-Pierre Plamondon pour une bonne tête. Le genre de personne qu’on souhaite voir s’impliquer en politique, qu’importe le parti. Il pourrait gentiment se la couler douce dans un cabinet d’avocats.

En lieu et place, PSPP prépare l’élection de 2018 où il compte se faire élire député du Parti québécois (PQ), après avoir tenté d’en devenir le chef. C’est plus de trouble et c’est moins payant que d’être associé dans un cabinet d’avocats montréalais. Ça mérite deux ou trois morceaux de robot.

Voilà pour les fleurs.

Mais, vous l’aurez deviné, j’ai un petit pot pour lui.

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M. St-Pierre Plamondon a fait une sortie ce week-end à l’émission de Michel Desautels sur la « prévisibilité » des chroniqueurs québécois quant à la dérive du Parti québécois : « Le narratif du bateau qui coule n’est soutenu par aucun fait », a-t-il intrépidement affirmé.

Aucun fait ? OK, j’y reviens bientôt…

Sur sa page Facebook, Paul St-Pierre Plamondon a poursuivi sur sa lancée, énumérant plusieurs arguments qui, selon lui, torpillent la métaphore du bateau péquiste qui coule (j’utilise ici le verbe « torpiller » à dessein, pardonnez la facétie) : financement, nouveaux membres, candidats potentiels, intérêt dans les médias…

« Le seul fait véridique, écrit M. St-Pierre Plamondon, c’est que nous sommes bas dans les sondages. »

C’est vrai : les plus récents sondages donnent une poignée de sièges au PQ. Ce n’est pas la première fois.

Mais c’est également faux, car il y a un autre « fait » qui accrédite la thèse du Parti québécois en tant que bateau qui – au minimum – prend l’eau. Je parle bien sûr des résultats électoraux des sept dernières élections générales.

1994 : 44,75 % des électeurs ont voté pour le PQ.

1998 : le pourcentage baisse à 42,8 % – rien de catastrophique.

2003 : 33,24 %

2007 : 28,35 %

2008, remontée dans la défaite : 35,17 %

2012, baisse dans la victoire (minoritaire) : 31,95 %

2014 : 25,38 %

Alors M. St-Pierre Plamondon peut bougonner sur les chroniqueurs qui écrivent pour plaire à « une clientèle qui veut entendre ce discours » sur le naufrage du PQ…

Reste que parlant de clientèle, celle du PQ a quand même chuté de 19 % si on compare les élections de 1994 et de 2014. C’est un fait qui a la tête dure.

Je vais le dire comme ça sort : le Parti québécois a les militants les plus dévoués de tout le paysage politique québécois. C’est mon opinion de journaliste qui touche à la politique de près ou de loin depuis 1997 et mon opinion de journaliste qui fait de la chronique depuis 2003, dans deux quotidiens.

Ça tombe sous le sens : pour militer en faveur de cette idée radicale, celle de faire du Québec un pays, il faut forcément avoir le goût de pédaler avec le vent dans la face. Ça explique la ferveur des péquistes.

Mais malgré ce dévouement des militants, le steak électoral du Parti québécois est constamment grugé depuis 20 ans, exception faite d’une hausse de sept points lors de l’élection de 2008.

Pourquoi ce steak électoral péquiste est-il constamment grugé ?

La Coalition avenir Québec (CAQ) – dirigée par un ancien péquiste ! – le gruge. Québec solidaire aussi. Pendant ce temps, le steak électoral du Parti libéral du Québec, lui, reste de la même taille : petite chute de 2,88 % entre 1994 et 2014.

Il y a aussi que l’appétit des Québécois pour la souveraineté n’est pas ce qu’il a déjà été. La souveraineté est la raison d’exister du PQ : ça le force à faire toutes sortes de contorsions identitaires, existentielles et électorales en attendant – en espérant – que les Québécois retrouvent cet appétit.

Ceci expliquant cela, il y a dans l’électorat une masse critique de Québécois qui adoraient le caribou péquiste qui ont décidé d’aller essayer le jarret d’agneau de la CAQ ou le tartare de tofu de QS…

Si cela n’est pas un fait, je ne sais pas ce que c’est.

C’est pourquoi l’histoire la plus urgente de l’élection provinciale de 2018, à mon sens, est moins le choix d’un nouveau gouvernement que cette lutte à la mort entre le PQ et la CAQ : le steak électoral non libéral n’est pas assez gros pour nourrir deux partis majeurs à long terme.

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Donc, c’est formidable d’avoir trois fois plus de militants (100 000) que le PLQ (30 000, un creux historique), mais le fait est que dans cinq des sept dernières élections générales, le Parti libéral du Québec (PLQ) s’est maintenu au-delà de la barre des 40 % dans le pourcentage du vote.

Le PLQ se maintient autour de 40 % malgré tout ce qui a plombé et plombe encore ce parti. Pensons aux apparatchiks libéraux arrêtés par la police, sans oublier cette usure du pouvoir difficile à cacher…

Et le PLQ se maintient aussi dans le sondage Mainstreet publié hier : il est deuxième (31 %), une poussière derrière la CAQ (32 %). Loin des 40 % et plus, mais en position enviable.

Et le PLQ se maintient malgré des centaines de chroniques de dizaines de chroniqueurs qui ont planté ce parti, dans tous les journaux, depuis une décennie. Souvent les mêmes qui parlent des déboires du PQ.

Si ça ne se transforme pas en gains électoraux, compter sur les militants les plus nombreux et les plus passionnés comme c’est le cas du PQ, c’est comme le Canadien qui se vante d’avoir les meilleurs partisans du monde : ça ne garantit en rien de trouver le chemin des victoires. Parlez-en à Geoff Molson.

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