TRANSPORTS

Les chauffeurs d’UberX devront acheter des « banques d’heures »

QUÉBEC — On est encore loin d’un projet de loi, mais le gouvernement Couillard a fait son lit dans le dossier d’UberX. Sans interdire la nouvelle plateforme, Québec compte forcer les chauffeurs à acheter des permis temporaires, des « banques d’heures » pour fonctionner légalement.

Le ministre des Transports, Jacques Daoust, a franchi l’étape du comité des priorités la semaine dernière, obtenant l’adhésion autour de cette formule. Philippe Couillard a jeté du lest – il était à l’origine plus sympathique aux attentes d’Uber, mais la formule retenue est plus proche de ce que souhaite l’industrie traditionnelle du taxi.

La solution retenue permettra le recours à toutes les plateformes informatiques, indique-t-on. Les chauffeurs d’Uber seront tenus d’avoir des assurances et des permis conformes au transport de personnes, c’était déjà connu. L’ingrédient nouveau est qu’ils devront payer un permis pour fonctionner, à la journée ou à la semaine. Sans interdire formellement Uber, les conditions posées pourraient toutefois dissuader la multinationale d’exercer ses activités au Québec.

Le gouvernement n’a pas établi encore qui délivrerait ces permis ; on n’a pas mis de côté l’idée d’une nouvelle structure pour gérer tout ça. Mais dans l’industrie du taxi, on sait que le Ministère est à cogiter à propos d’une mécanique pour racheter des permis existants. Selon l’industrie du taxi, l’idée de « blocs d’heures » permettant aux chauffeurs d’Uber de circuler risque d’être un cauchemar administratif. Comment s’assurer qu’un conducteur cesse ses activités au-delà des limites de l’autorisation qu’il a achetée ? Mais on sait aussi que le ministère de Jacques Daoust planche sur des amendes beaucoup plus élevées pour les contrevenants.

Actuellement, Montréal compte 3800 permis pour 10 600 chauffeurs. Plusieurs formules existent, mais bon nombre de chauffeurs paient 80 $ pour une période de 12 heures aux détenteurs de permis à Montréal. Pour avoir accès à l’aéroport Trudeau, la facture peut atteindre 1000 $ par semaine. Teo, l’entreprise d’Alexandre Taillefer, exploite ses véhicules en payant 300 $ par semaine, par auto, à des détenteurs de permis. Ailleurs au Québec, le nombre de courses est moins important, et les chauffeurs s’entendent souvent pour retourner un pourcentage de l’argent fait au compteur à celui qui fournit le permis.

Le gouvernement Couillard aurait bien aimé se débarrasser du problème – partout ailleurs au Canada, les villes gèrent leur industrie du taxi locale. Mais c’est Québec qui avait, dans les années 70, imposé un quota sur le nombre de permis de taxi, une limite qui est à la source de la flambée des prix dans un marché secondaire, qui n’existe pas ailleurs.

Avec le feu vert du comité des priorités, le ministre Daoust doit désormais préparer son projet de loi pour le comité de législation, puis pour l’approbation par l’ensemble du Conseil des ministres. En clair, plusieurs semaines s’écouleront avant qu’on puisse déposer formellement un projet de loi à l’Assemblée nationale. Le ministre Daoust visait à l’origine la fin du mois de mars, mais on parle désormais plus sérieusement de mai.

UN PROBLÈME « PLUS COMPLEXE » QUE PRÉVU

Hier, à l’Assemblée nationale, Martine Ouellet, dont la campagne électorale avait été organisée par les Métallos, a repris les arguments de l’industrie du taxi, organisée par le même syndicat.

Pour elle, Québec devrait immédiatement déclarer illégale l’activité d’Uber. « Après deux ministres, deux promesses, après deux ans de taxi illégal… et toujours pas de projet de loi. Pendant ce temps, Uber continue de bafouer les lois du Québec, le climat social se détériore, Uber fait de la concurrence déloyale, Uber viole les lois du Québec », a lancé la députée péquiste.

Selon le ministre Daoust, le problème d’Uber s’est révélé plus compliqué que prévu à l’issue de la commission parlementaire où tous les groupes ont été entendus. Québec a constaté un problème « plus complexe et qu’il fallait régler de façon plus large ». Le projet de loi sera déposé « dans les prochaines semaines et devrait régler le problème de façon définitive ».

La technologie d’Uber peut être « séduisante », « ça ne donne pas le droit, ça ne confère pas le droit à un organisme de ne pas respecter nos lois, et on va faire en sorte qu’il les respecte ». « Actuellement, avec les outils dont on dispose, on n’est pas capables de le faire respecter correctement. On le voit, il y a des saisies de véhicules, les véhicules sont retournés. C’est une situation qui est plus complexe, et il faut aller avec des moyens qui vont être plus forts. Parallèlement à ça, il faut respecter l’industrie du taxi actuelle et il faut que l’industrie du taxi actuelle se corrige. Elle aussi, elle a des choses à corriger », a conclu le ministre.

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