ÉDITORIAL ALEXANDRE SIROIS

Manon Massé, fée des dents

Le concept de « luxe » varie grandement dans la société québécoise. Pour certains, ça peut vouloir dire s’acheter la voiture de ses rêves. Pour d’autres, s’offrir un repas au restaurant. Pour d’autres encore, ça prendra plutôt la forme d’une… visite chez le dentiste.

Quelques reportages diffusés ces dernières années ont démontré à quel point une telle visite est considérée comme un privilège par une partie de la population. Des experts et des citoyens désenchantés en font régulièrement la preuve. Et les statistiques sont accablantes.

On sait par exemple que : 

 – Plus d’un Québécois sur quatre (c’est-à-dire 27 %) se prive de soins dentaires pour des motifs économiques.

 – La proportion de Québécois qui disent ne pas avoir visité le dentiste depuis trois ans ou plus est de 24 %, soit nettement plus élevée qu’ailleurs au Canada, où elle est de 14 %.

 – Il y a chez les 45 ans et plus, au Québec, deux fois plus de personnes édentées – aucune dent naturelle – que dans le reste du Canada.*

Dans un contexte de croissance économique soutenue et d’excédents budgétaires, il apparaît normal que le prochain gouvernement tente de redresser la barre.

C’est d’ailleurs ce que pense Québec solidaire, qui en a fait une des propositions majeures de sa campagne. « Aller chez le dentiste ne sera plus un luxe », a récemment promis Manon Massé.

Si la plupart des chefs de parti semblent se transformer en père Noël depuis le début de cette campagne, Mme Massé, elle, pourrait presque être qualifiée de fée des dents.

Son parti a fait ses devoirs. Il n’y a pas, ici, d’effet de toge ou de poudre aux yeux.

Son « assurance dentaire universelle » aurait un impact positif véritable sur la santé dentaire des Québécois et, par conséquent, sur la santé tout court.

Actuellement, seuls les enfants de moins de 10 ans et les prestataires de l’aide sociale ont droit gratuitement à certains services dentaires, notamment un examen annuel, les obturations et les extractions.

Ce que Québec solidaire propose, c’est d’offrir tous les services dentaires gratuitement aux jeunes de moins de 18 ans et aux prestataires de l’aide sociale. Mais le parti ne se contenterait pas d’élargir l’accès aux enfants plus âgés. Il bonifierait les services offerts sans frais pour y ajouter les soins préventifs (comme le nettoyage et l’application de scellant dentaire). Ça rend sa proposition d’autant plus pertinente et ses impacts éventuels sur la santé publique plus tangibles.

Pour les adultes, les traitements préventifs seraient remboursés à 80 % et les actes médicaux dits curatifs seraient remboursés à 60 %. Ajoutez à ça le souhait de permettre au plus vite aux hygiénistes dentaires de pratiquer sans supervision d’un dentiste, et vous obtenez un plan bien ficelé dont le seul véritable handicap est le coût. Il est évalué à 950 millions de dollars.

Québec solidaire n’est pas le seul parti à se préoccuper de santé dentaire. Les libéraux ont pour leur part promis d’élargir l’accès du régime actuel aux jeunes jusqu’à 16 ans et aux personnes âgées ayant droit au supplément de revenu garanti.

Mais tout ce qui relève de la prévention demeurerait payant.

On n’envisage pas non plus d’offrir gratuitement les soins dentaires médicalement requis à ceux qui n’ont pas les moyens de les payer. Bref, leur proposition est louable, mais peut certainement être améliorée.

Québec solidaire ne formera pas le prochain gouvernement. Ça ne veut toutefois pas dire que ses idées en matière de santé dentaire doivent être jugées bancales ou négligeables. Elles auraient tout avantage à être examinées avec soin et recyclées, à tout le moins en partie, par la formation politique qui prendra le pouvoir.

* Ces données ont été compilées à partir de diverses études par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques.

Ce qu’ils ont dit

« Aller chez le dentiste coûte trop cher ! Ce n’est pas normal que la grosseur de notre portefeuille détermine si on a une bouche en santé ou non. C’est tellement vrai qu’un Québécois sur quatre n’est pas capable de se payer le dentiste. Pourtant, une mauvaise santé buccale peut entraîner des maladies graves et aller chez le dentiste est aussi important que d’aller chez le médecin. Il est grand temps que les soins dentaires soient couverts par le système public pour tout le monde. Une meilleure répartition des dépenses dentaires dans toute la population signifie moins de grosses surprises pour les familles. »

— Manon Massé, Québec solidaire

« Faciliter la vie des Québécois, c’est concilier la nécessité d’entretenir leur santé buccodentaire tout en soulageant les familles et les aînés des pressions financières qui y sont associées. Cette proposition fait en sorte d’encourager la population à consulter [son] dentiste pour mieux prévenir et mieux traiter les problèmes buccaux. Pour y arriver, nous doublerons le budget dédié aux soins dentaires. C’est une autre solution concrète, réaliste et réalisable que nous mettrons en place. »

— Philippe Couillard, Parti libéral du Québec

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