Chronique

Véronique Hivon et LA question

Je le dis sans ironie : la députée Véronique Hivon a une personnalité qui détonne dans la joute parlementaire hyper-partisane. On ne la sent jamais sur le bord d’échapper un juron, elle se tient loin du mépris de l’adversaire.

Cette personnalité, c’est celle que les Québécois ont découverte quand elle a porté le ballon de l’aide médicale à mourir – avec l’aide du libéral Geoffrey Kelley, plus effacé –, en venant même à l’incarner. Un dossier qui a magnifiquement transcendé la partisanerie et qui a incarné le meilleur du parlementarisme québécois. Une lueur brillante dans une galaxie de noirceur partisane.

Mme Hivon est dans la conciliation, plutôt que dans l’affrontement. Dans la brutalité du style, sur une échelle de 1 à Gaétan Barrette, elle est plus près de 1. Elle fait le pari que les Québécois ont soif de civilité : on verra si ça marche, les militants péquistes qui sont encore en lendemain de veille post-PKP décideront.

Pour les enjeux, pour les idées, Mme Hivon va faire comme les autres candidats et en donner le détail au fur et à mesure que la campagne évoluera.

Cependant, au-delà du style de la députée de Joliette et des idées qu’elle présentera, je crois qu’elle risque de frapper le mur du réel rapidement si elle gère la question du référendum comme elle l’a fait dans les premières heures du lancement de sa campagne.

Question des journalistes : « Y aura-t-il un référendum dans le premier mandat, si vous êtes éventuellement élue chef du PQ ? »

Réponse de Mme Hivon : « À chaque fois qu’on va me parler de référendum, je vais vous répondre en parlant de souveraineté. Je pense qu’il est temps que l’on parle du projet et non pas de la mécanique et de date. »

Le problème, avec cette réponse, c’est qu’elle ne répond pas à la question que le Parti libéral va immanquablement poser aux électeurs en 2018.

Et qu’il a posée en 2014. Et en 2012. Et en 2008. Et en 2007. Et en 2003. Et en 1998…

Depuis 1998, le PLQ fait de chaque élection une élection référendaire sur un troisième référendum. Les souverainistes peuvent être souverainement irrités par cette tactique qui détourne en effet l’agenda électoral des « vrais » enjeux. Mais le fait est que cette question « fonctionne » dans l’électorat.

Et depuis 1998, malgré des trésors de gymnastique stylistique et lexicale (« conditions gagnantes », « au moment opportun »), le PQ n’a jamais su trouver la formule qui pourrait casser le PLQ, comme dirait Brice de Nice, une riposte qui puisse dire aux Québécois à quoi s’en tenir, quant à un référendum – ou pas – dans le mandat.

Après la défaite du court gouvernement Marois, le premier à parler ouvertement de cette ambivalence a été Jean-François Lisée. Il m’avait même parlé d’un « tabou » dans le parti, là-dessus, à la veille de la course à la succession de Mme Marois, en septembre 2014. Sa suggestion, à l’époque : que le parti décide, un an avant une élection, si le PQ allait promettre – ou pas – un référendum lors de la campagne à venir.

Je cite Jean-François Lisée : « Le 7 avril dernier, les Québécois nous l’ont dit : ils ne veulent plus de cette ambivalence. La porte doit être ouverte ou elle doit être fermée. C’est un grand héritage du 7 avril dernier [jour de la défaite de Mme Marois] : la mort de la porte entrouverte. »

Sur la question de la mécanique référendaire, le PQ devra se faire une tête et trouver quoi dire non seulement aux libéraux, mais aussi aux Québécois. Et là-dessus, même la formidable personnalité de Mme Hivon, si elle est élue chef, peinera à contrer la lente glissade des appuis péquistes qui a commencé en 1998.

UN PEU DE GUTS

« Fort McMurray, le trou de cul du monde. »

Notez les guillemets. Ce n’est pas ma phrase.

Elle est plutôt de Jean-François Hotte, ex-travailleur dans la capitale canadienne du pétrole, blogueur de son état, qui a récemment lancé ce texte dans l’univers. Et il a utilisé un certain orifice humain pour le titre qui coiffe un billet écrit au bulldozer sur a) la culture de Fort McMurray et b) la culture pro-pétrole au Canada.

Son blogue jusque-là obscur a récolté, dit-il, 500 000 visites. Je n’en doute pas.

On peut s’attarder au titre et en critiquer la vulgarité. On peut. On peut s’attarder à la description d’une atmosphère mortifère. On peut s’interroger sur le timing du texte, alors que Fort McMurray est en ruine.

Mais le fond du message de Hotte, c’est sur la culture du pétrole. Les énergies intellectuelles, les allègements fiscaux, les politiques d’investissements qui sont déployés pour sortir du pétrole : est-ce une bonne chose ?

Hotte, et il est loin d’être le seul, pense que c’est une mauvaise chose pour la planète ET pour l’économie canadienne. Reconstruire Fort McMurray, sans se poser de questions, c’est justement aller dans le sens de plus de pétrole, pendant plus longtemps. Est-ce souhaitable ?

Je ne sais pas. Je suis dubitatif devant la faisabilité de larguer le pétrole pour passer au solaire et à l’éolien – je caricature – demain matin.

Mais ce que je constate, c’est que cette question-là n’est à peu près pas posée. En cela, ce jeune Hotte a eu du guts de la poser.

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