Petite enfance

L’expulsion est rarement la solution

Une garderie qui renvoie un enfant au comportement difficile lui rend rarement service. Au contraire, disent les spécialistes, on risque d’aggraver son problème. Dans certains cas, un changement de milieu de garde peut toutefois s’avérer pertinent, voire profitable.

Fondatrice du réseau Nanny secours, un regroupement de coachs familiaux, Hélène Fagnan parle avec émotion des cas de renvoi ou de menaces d’expulsion dont elle a eu vent au cours de sa carrière. « Mettre un enfant dehors, ça ne règle pas le problème, ça le déplace ! dit-elle d’emblée. Ça peut même contribuer à l’augmenter puisqu’un enfant déraciné doit créer de nouveaux liens affectifs ailleurs. »

« En général, l’expulsion n’est pas souhaitée, croit aussi la psychoéducatrice Amélie Meeschaert. On impose un nouveau changement à un enfant qui a déjà de la difficulté à s’adapter. »

Les centres de la petite enfance (CPE) expulsent rarement un enfant, souligne Hélène Fagnan. Les éducatrices, diplômées, ont accès à plusieurs ressources, internes externes, grâce à une entente avec les CLSC.

Les cas de renvoi semblent plus fréquents dans les garderies en milieu familial.

Les responsables de service de garde en milieu familial (RSG), qui travaillent souvent seules avec les enfants, n’ont pas toujours le réflexe de demander du soutien à leur bureau coordonnateur, souligne Hélène Fagnan, qui a elle-même été conseillère pédagogique pour des garderies en milieu familial. Moins elles ont d’expérience et de connaissances, plus elles deviennent démunies rapidement – et épuisées – lorsqu’un enfant n’écoute pas.

« Ça devient plus facile pour les responsables de service de garde de dire que c’est la faute de l’enfant et qu’elles vont le mettre dehors. C’est malheureux parce que, en faisant ça, elles n’apprennent pas leur métier. »

— Hélène Fagnan, coach familiale

Hélène Fagnan parle en connaissance de cause : éducatrice en petite enfance de formation, elle a travaillé pendant 10 ans en CPE. Au début de sa carrière, se souvient-elle, il lui est arrivé de pleurer à la fin d'une journée, persuadée qu’un enfant de 4 ans allait « avoir sa peau ».

« Ça s’apprend, comme n’importe quoi, mais il faut vouloir l’apprendre », dit-elle. Il est parfaitement normal, dit-elle, qu’un enfant refuse de suivre les consignes, teste les adultes ou morde, mais il existe plusieurs façons d'en venir à bout.

Les RSG et les éducatrices trouvent souvent elles-mêmes les interventions qui fonctionneront, souligne Amélie Meeschaert. Mais lorsque les difficultés sont plus marquées, elles n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour y remédier. « C’est là où un soutien extérieur peut vraiment être bénéfique », dit Amélie Meeschaert.

PARFOIS PERTINENT

Les intervenants de garderie à qui Amélie Meeschaert a parlé étaient tous mal à l’aise avec l’idée d’expulser un enfant. Lorsqu’ils abordent la question avec les parents, dit Mme Meeschaert, ce n’est pas nécessairement pour les menacer, mais parce qu’il s’agit à leurs yeux de la seule solution réaliste pour assurer le bien-être du groupe, de l’éducatrice et de l’enfant lui-même. « Souvent, les parents ne veulent pas perdre leur place, et c’est là qu’ils décident de collaborer », note Amélie Meeschaert.

Elle reconnaît toutefois que certains milieux (ou même certaines éducatrices) peuvent ne pas convenir à certains enfants. « Sans que ce soit nécessairement la solution, un changement de milieu permet parfois de recommencer à zéro, sur de nouvelles bases, en axant sur le positif », dit-elle.

Tant que le parent collabore bien, il y a des solutions, croit pour sa part Hélène Fagnan. Par contre, dit-elle, si le parent est réfractaire et si la responsable ou l’éducatrice a mis beaucoup d’énergie, qu’elle est allée chercher de l’aide extérieure, qu’elle a essayé plusieurs interventions pendant plusieurs mois, tout cela en vain, le renvoi d’un enfant peut être pertinent.

« Ce n’est pas non plus à la RSG de tomber en épuisement professionnel pour ça », conclut-elle.

DIFFICULTÉS D’ADAPTATION

Les difficultés en garderie – crises, agressivité, difficulté à participer aux activités, etc. – surviennent souvent lorsqu’un enfant intègre un milieu de garde ou change de local, d’éducatrice ou simplement de routine, note la psychoéducatrice Amélie Meeschaert. « Les enfants s’adaptent à leur façon, avec leur tempérament et leurs habiletés, dit-elle. Quand ils ont de la difficulté à s’adapter, ils trouvent une façon de le faire… qui ne sera pas nécessairement la meilleure. » Par exemple, un enfant unique habitué d’être le centre d’intérêt à la maison pourrait se mettre à défier les règles pour obtenir l’attention de son éducatrice. Le plan d’intervention pour lui venir en aide pourrait par exemple, dans ce cas, lui accorder deux ou trois minutes par jour de temps exclusif avec son éducatrice afin de répondre à son besoin. « Quand on connaît les besoins de l’enfant et ce que le milieu offre, on est capable de changer certaines composantes de l’environnement pour offrir quelque chose de nouveau à l’enfant. En s’adaptant à ces nouvelles composantes, l’enfant peut modifier ses comportements. »

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