Entrevue avec le statisticien Nicolas Chabot

Vivre des chiffres

En 1994, quand il travaillait pour le journal Le Sportif, « à 100 $ par semaine », Nicolas Chabot ne pouvait pas se douter où pouvait l’amener sa passion pour les chiffres.

Le voici aujourd’hui comme une des références en matière de statistiques sportives au Canada. Parmi ses différents contrats, l’homme de 44 ans agit comme statisticien pour la société de cartes sportives Topps.

Première question qui se pose : comment devient-on statisticien pour une des plus grandes sociétés dans le domaine ? Même Chabot lui-même l’ignore !

« Au début d’internet, la compagnie pour laquelle je travaille [The Sports Forecaster, une division de XML Team Solutions LLC] fournissait tous les médias canadiens en statistiques », raconte Chabot, en entrevue téléphonique.

« Ensuite, on a même commencé à fournir des journaux américains, comme le Pittsburgh Post-Gazette et le Houston Chronicle. Ma théorie, c’est que Topps a approché un de nos clients, qui a ensuite donné notre référence. »

— Nicolas Chabot

Peu importe la façon, le résultat est que depuis 2002, c’est lui qui voit aux statistiques sur les cartes de la société Topps, qui détient une entente d’exclusivité avec le baseball majeur.

« Ils produisent environ 12 000 cartes par année, et chaque carte a plusieurs versions, selon le look qu’on veut donner. Je reçois parfois des courriels en pleine nuit, le week-end, en panique, ils sont chez l’imprimeur. "Nick, peux-tu nous dépanner ?" »

Des exemples de situations de crise ? « Par exemple, si Patrick Kane était en couverture des paquets de cartes cet été, raconte-t-il, en référence à l’enquête dont fait l’objet l’attaquant des Blackhawks de Chicago. Ce type de situation arrive plus souvent au football ou au basketball. Parfois aussi, les contrats entre nous et les joueurs sont annulés au dernier moment, parfois par la ligue. »

À L’HEURE DES STATISTIQUES AVANCÉES

Comme Upper Deck détient l’exclusivité des cartes de la Ligue nationale, Chabot ne touche plus aux cartes de hockey depuis le lock-out de 2004-2005.

Chez Topps, le baseball majeur est une vache à lait. Et les statistiques avancées du sport font désormais partie des cartes. Fini, le temps où il fallait se contenter des informations de base d’un Todd Stottlemyre. Les victoires, les défaites, la moyenne de points mérités et les retraits au bâton ont de la compagnie. « Le WAR [win above remplacement] est très fort maintenant », explique-t-il.

« Ça a changé beaucoup. Maintenant, ils ont des cartes de statistiques analytiques et c’est parfois compliqué à lire. Les gens veulent ça, ils aiment ça. Il y a même une application, Topps BUNT. Tu peux collectionner des cartes sur ton téléphone, tu participes à des pools, tu changes tes joueurs pendant les matchs. »

« On est loin de travailler en Excel comme quand j’ai commencé ! »

— Nicolas Chabot

Il y a aussi les demandes statistiques un peu plus loufoques. Car les sociétés de cartes ne donnent pas seulement dans les sports traditionnels. Chez Topps, par exemple, on produit des cartes des lutteurs professionnels de la WWE. Et bien plus !

« On a sorti une carte pour le champion du concours de hot-dogs ! On avait aussi la série Heritage, avec les anciens présidents des États-Unis. Je devais sortir leur date de naissance, mais aussi trouver combien de lancers protocolaires ils avaient effectués. C’était le fun comme recherche !

« Lors d’un anniversaire de la séquence de 56 matchs de Joe DiMaggio, on m’avait demandé de trouver chaque coup sûr, le lanceur, le compte. Mais c’était avant les sites d’aujourd’hui comme Baseball Reference ou Retro Sheet. J’ai dû fouiller dans les livres ! »

LA SUITE

Par son travail chez XML, Nicolas Chabot travaille aussi comme statisticien pour The Hockey News, en plus d’être rédacteur en chef pour le magazine The Sports Forecaster.

« J’ai toujours été un grand amateur de hockey. Quand j’ai appris à lire l’anglais, la première revue que j’ai lue, c’était The Hockey News. Les statistiques étaient inimaginables. Je disais à mon père : "Un jour, mon nom sera dans le Hockey News." »

Il a eu la chance de travailler dans l’entourage des Expos pendant deux ans, en 1999 et en 2000. Son rôle : marquer le match et souligner les moments forts, qui servaient ensuite à d’autres fins, par exemple la production des émissions This Week in Baseball.

Maintenant, il souhaite travailler pour une équipe sportive, idéalement celle qui a pignon sur rue sur l’avenue des Canadiens…

« J’ai approché le Canadien, mais c’est un milieu très fermé et les équipes préfèrent faire appel à de grosses compagnies établies. »

— Nicolas Chabot

« Mais avec l’explosion des statistiques avancées, je vois ça comme une autre carrière. Au début, on faisait du recopiage de guides médias, car il n’y avait pas de base de données puissante comme aujourd’hui.

« Travailler pour une équipe, dans un rôle analytique, serait un autre rêve pour moi. »

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