Chronique

Rémi Garde et le retour de l’espoir

J’ai assisté à plusieurs conférences de presse de Joey Saputo depuis l’entrée de l’Impact en Major League Soccer (MLS). Je l’ai aussi interviewé en privé. Mais je ne me souviens pas de l’avoir vu aussi heureux qu’hier, lorsqu’il a annoncé la nomination de Rémi Garde. Ses yeux brillaient quand il a énuméré les qualités de son nouvel homme de confiance : humilité, vision, enthousiasme, honnêteté et accessibilité.

Quand on connaît Joey Saputo, on sait qu’il parle avec son cœur, dans les bonnes périodes comme dans les mauvaises. La langue de bois ne fait pas partie de sa personnalité. Ses bons mots à l’endroit de Garde sont le signe d’un véritable respect. Il a d’ailleurs expliqué que les choses avaient vite cliqué entre eux.

Tout cela est prometteur pour l’Impact. Mais l’historique de l’organisation avec ses entraîneurs impose une question délicate : cette complicité résistera-t-elle à l’usure du temps ? Garde a signé un contrat de trois ans. Mais est-on prêt à parier sur ses chances de le terminer ?

La réaction initiale est de répondre « non ». Après tout, l’impatience est une caractéristique de l’Impact. Et l’entraîneur est toujours le premier visé quand les choses vont mal, comme Mauro Biello l’a appris à ses dépens le mois dernier.

Mais cette fois-ci, l’histoire sera peut-être différente. Le nouveau coach débarque à Montréal auréolé d’un curriculum vitæ enviable. Son autorité naturelle ne fait aucun doute. Joey Saputo et ses adjoints devront lui laisser les coudées franches.

Sous la gouverne de Garde, on imagine mal un Nick De Santis surgir dans le vestiaire de l’équipe pour demander des comptes aux joueurs, comme ce fut le cas à la fin de la dernière saison.

Les dirigeants de l’Impact sont des passionnés de soccer, un sport qu’ils connaissent à fond. Mais sur le plan sportif, le palmarès de Garde pèse très lourd. Ils devront s’en souvenir – et montrer de la retenue – quand, après trois revers d’affilée, ils s’imagineront avoir toutes les solutions pour stopper cette glissade.

Garde, qui manie habilement l’humour, ne semble pas du type nerveux. Quand on lui demande si l’instabilité au poste d’entraîneur de l’Impact l’effraie, sa réponse tombe d’un trait : « Ça ne me fait pas peur. Ce sont les risques du métier. […] Je donnerai le maximum, je vais m’imprégner le plus vite possible de tout ce qui est important pour moi, je suis très motivé. »

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Avec sa chemise bleue à col ouvert et une épinglette de l’Impact à la boutonnière de son veston, Garde semblait déjà à son aise en répondant aux questions des journalistes.

Derrière ce look relax, on devine cependant une volonté de fer. Pour le comprendre, il a suffi de l’entendre parler des « convictions » qui animent sa philosophie de jeu et de cette nécessité de travailler dur entre les matchs : « L’entraînement n’est pas là pour divertir les joueurs ni l’entraîneur. On est là pour progresser... »

Garde a accepté l’offre de l’Impact après avoir été pressenti par des clubs européens et des formations de MLS. Qu’un candidat de son calibre choisisse Montréal illustre la notoriété grandissante de l’équipe.

« Le passage de Didier Drogba a été un projecteur sur le club en France et en Europe, explique-t-il. Le fait qu’un immense joueur comme lui vienne ici, et qu’il réussisse, ça voulait dire qu’il y avait des bases pour qu’il puisse exercer sa passion à son niveau. »

L’Impact a toujours rêvé que Drogba, après son séjour à Montréal, devienne son ambassadeur. Le raisonnement était simple : puisqu’il a enfilé le maillot bleu-blanc-noir, d’autres joueurs de renom pourraient l’imiter. L’aventure québécoise de Drogba ne s’est pas terminée dans la cordialité absolue avec ses patrons. Mais il a augmenté la légitimité de l’organisation. Et c’est finalement dans la recherche d’un coach que cet atout a bien servi Joey Saputo. L’effet Drogba fonctionne toujours.

Le salaire de Garde n’a pas été dévoilé, mais il devient clairement l’entraîneur-chef le mieux payé de l’histoire de l’Impact.

Cela s’inscrit dans le plan de Joey Saputo, pour qui l’embauche d’un coach reconnu internationalement est le prolongement logique de l’évolution du club.

« Depuis que nous sommes en MLS, on a investi dans les infrastructures : le stade et le centre d’entraînement, dit-il. On a aussi investi dans les joueurs, comme le démontre le nouveau contrat d’Ignacio Piatti. Mais il y avait un élément manquant : investir dans un coach et ses adjoints. C’est ainsi qu’on atteindra un niveau supérieur. »

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Garde connaît peu le Québec, même s’il a entendu plein de bonnes choses à propos de sa nouvelle terre d’accueil. Il qualifie de « réconfort » le fait de s’établir dans une ville francophone. S’il comprend et parle l’anglais, il s’exprime avec beaucoup moins de fluidité dans cette langue.

Cela dit, Garde sait très bien qu’il sera jugé sur ses résultats. Les attentes de son nouveau patron sont élevées. La participation de l’Impact aux séries éliminatoires de 2018 s’annonce un seuil minimal à atteindre.

Si Garde transforme l’Impact en puissance du circuit, on pourra dire que son arrivée à Montréal aura été la deuxième en importance dans l’histoire de l’équipe après celle de Drogba. Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, l’entraîneur français incarne l’espoir. Avouons qu’après une saison décevante, c’est déjà pas mal.

Joey Saputo avait promis l’embauche d’un entraîneur expérimenté et prestigieux et qui, idéalement, s’exprimerait en français. Il a tenu parole sur toute la ligne. Garde, lui, est heureux d’être à Montréal et se dit enthousiaste face à son nouveau défi. Pour l’instant, le ciel est sans nuage. Mais au pays de l’Impact, les orages éclatent souvent.

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