Élections provinciales Opinion

Vous ne pouvez plus contourner les Premières Nations

Madame, Monsieur, la formation politique que vous dirigez souhaite former le prochain gouvernement de la province de Québec.

Je tiens à être très clair : la relation politique de gouvernement à gouvernement entre les Premières Nations et la province de Québec est totalement à revoir. Si vous êtes élu à la tête du Québec, vous devrez accepter de relever ce défi avec nous dès le début de votre mandat. En effet, dans les 100 jours suivant sa formation, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) convoquera le prochain gouvernement provincial à une rencontre formelle avec son Assemblée de chefs.

Le but de ma lettre, alors que la campagne électorale est bien amorcée, est de vous indiquer quels sont les engagements concrets attendus du prochain gouvernement provincial et de la prochaine Assemblée nationale.

Pour les Premières Nations, qui habitent depuis toujours ce territoire jamais cédé et qui est au cœur de notre identité, nos revendications ne sont pas nouvelles. Nous les mettons de l’avant depuis toujours, peut-être trop discrètement, peut-être trop poliment. Jusqu’à maintenant, il a été trop facile pour les gouvernements qui se sont succédé à Québec de faire la sourde oreille ou de regarder ailleurs.

Au nom des Premières Nations, dans nos communautés comme en milieu urbain, au nom de nos jeunes qui ont des projets d’avenir, mais qui sont trop souvent exclus du développement, au nom des femmes et des aînés qui vivent dans l’insécurité, au nom de nos citoyens plus vulnérables, l’APNQL a l’obligation de ne plus se contenter de réponses évasives et d’exiger de vous des engagements concrets.

Le gouvernement de la province de Québec ne peut plus se cacher derrière le gouvernement fédéral pour échapper à ses obligations envers les Premières Nations. Une véritable réconciliation ne pourra se faire sans l’implication concrète des provinces et sans la reconnaissance de nos titres et droits ancestraux et issus de traités, particulièrement en matière d’accès au territoire et aux ressources.

Dès le début de votre mandat, les chefs de l’APNQL vous inviteront à discuter d’exigences fondamentales dont, entre autres : 

Le droit à la sécurité pour la population des Premières Nations

Que la sécurité publique devienne une priorité et que les services policiers des Premières Nations soient reconnus comme un service essentiel et soient soutenus à la hauteur des besoins spécifiques des Premières Nations. Nous insisterons particulièrement sur ces principes dans le contexte de la légalisation du cannabis. Nous nous attendons à un engagement qui permettra aux communautés qui en font la demande de créer leur propre service de police, plutôt que de devoir recourir aux services de la Sûreté du Québec.

Un cadre permettant le respect intégral de nos titres et droits ancestraux et issus de traités

À court terme, les Premières Nations veulent que l’Assemblée nationale adopte un projet de loi qui inscrive la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) en tant que guide de toutes les mesures gouvernementales provinciales touchant les Premières Nations. L’APNQL attend du prochain gouvernement qu’il invite les Premières Nations à contribuer à la rédaction du projet de loi.

La réconciliation avec les Premières Nations exige des actions

Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation requièrent la responsabilité de tous les gouvernements. Votre parti politique doit répondre aux appels de la Commission de vérité et réconciliation. Le gouvernement du Québec doit exercer un rôle de premier plan pour assurer les conditions gagnantes pour une coexistence harmonieuse entre les membres des Premières Nations et la société québécoise. Ce seul chantier demande un courage politique trop souvent absent. Ce ne sera pas facile, parce qu’il faudra oser parler de discrimination et de racisme. Il faudra identifier ensemble des solutions.

Le développement d’une économie par et pour les Premières Nations

L’APNQL exigera un engagement ferme et concret de votre formation politique envers la participation significative des Premières Nations au développement de leur économie, du territoire et des précieuses ressources qu’il recèle, en déterminant des conditions de partenariat appropriées.

La mise à niveau nécessaire sur les plans social et économique pour nos nations ne sera assurée qu’avec la pleine et entière participation de celles-ci.

L’APNQL n’a pas la prétention de se substituer aux processus bilatéraux existants entre le gouvernement québécois et certaines Premières Nations, mais croit fondamentalement que les conditions avancées par le Québec sont insuffisantes.

Les services aux Premières Nations respectueux de leurs cultures et de leur mode de vie

En tant que formation politique qui aspire à former le gouvernement, votre parti devra s’engager à donner toute l’attention nécessaire au rapport que produira la commission Viens, que le gouvernement actuel s’est finalement décidé à mettre sur pied après des mois d’efforts constants de la part de nos organisations représentatives. La Commission doit déposer un rapport à la fin de ses travaux et on peut espérer qu’il contienne des propositions concrètes pour améliorer les relations entre les autochtones et les institutions québécoises. Il ne faudra surtout pas fermer les yeux sur les événements qui sont à l’origine des travaux de la Commission. Les services policiers chargés d’assurer la sécurité incluant celle de nos membres sont en cause. Nous prendrons tous les moyens nécessaires pour que ce droit fondamental à la sécurité leur soit garanti.

Vos réponses à ces attentes légitimes pourraient constituer une base suffisante pour une nouvelle relation politique qui reconnaîtra et respectera la responsabilité de nos gouvernements envers leurs membres, où qu’ils soient.

Les Premières Nations sont en attente d’engagements clairs leur permettant enfin de réaliser leurs aspirations. Dans la paix et l’amitié.

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