Des millions en revenus
1. Peter Sergakis
225 appareils
Revenus : 4 millions
Peter Sergakis est le roi incontesté des appareils de loterie vidéo au Québec, démontre une compilation des grands détenteurs de licences réalisée par La Presse. Sergakis possède 54 licences réparties dans 23 bars, ce qui lui permet de récolter environ 4 millions de dollars par an.
Un certain nombre de licences détenues par M. Sergakis sont orphelines, c’est-à-dire qu’elles ne correspondent à aucun appareil. Au total, le tenancier gère donc un parc de 225 appareils de loterie vidéo.
« Les gens ont besoin de divertissement, plaide-t-il. Mais c’est faux de dire que les machines sont plus rentables dans les quartiers pauvres. Ça prend de l’argent pour jouer. Les vidéopokers sont plus performants quand ils sont près d’un secteur de personnes âgées parce que c’est du monde qui a du temps. »
Les tenanciers de bars récoltent 22 % en commission sur les sommes que rapportent leurs ALV. Des documents internes de Loto-Québec, obtenus par La Presse, établissent à 17 402 $ les revenus moyens que peut engranger un tenancier pour chacun de ses appareils de loterie vidéo. Une licence – qui équivaut généralement à cinq appareils – rapporte donc autour de 85 000 $ annuellement à un tenancier.
Dans le cas de M. Sergakis, une décision de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) qui date de 2009, où on faisait précisément état des revenus de ses appareils pour six bars pour l’année 2006, laisse entrevoir que les revenus tirés des ALV étaient bien plus importants. En moyenne, dans ces six bars, chaque ALV rapportait 28 000 $ chaque année.
Si on reporte ces chiffres sur les appareils qu’il a actuellement, on en arriverait à un profit annuel qui dépasserait les 6 millions de dollars par an. Cependant, les revenus provenant des appareils ont diminué depuis cette époque, indique M. Sergakis.
De plus, les dépenses sont importantes pour les tenanciers : M. Sergakis doit employer 45 personnes par jour pour se conformer aux normes de la Régie des alcools, des courses et des jeux, ce qui représente une masse salariale de près de 2,7 millions.
2. François Picard/ Charles Béliveau
205 appareils
Revenus : 3,5 millions
En deuxième place dans ce palmarès, on retrouve l’homme d’affaires de Sherbrooke François Picard, qui agit en général de concert avec son partenaire Charles Béliveau. À eux deux, les hommes d’affaires de l’Estrie détiennent 41 licences, soit environ 205 appareils dans 17 établissements, tous situés en Estrie ou dans la région de Québec.
Quel revenu les deux hommes tirent-ils de ces appareils ? Toujours dans la même décision de la RACJ, on précisait les sommes exactes que François Picard avait retirées en 2006 des ALV qui se retrouvent dans 5 de ses bars. Moyenne de revenu annuel par appareil : 20 000 $.
Les 205 appareils détenus par MM. Picard et Béliveau pourraient donc rapporter jusqu’à 4,7 millions à leurs détenteurs. Si on se fie à la moyenne établie par Loto-Québec, les revenus seraient plutôt de 3,5 millions.
« Il faut rappeler qu’il s’agit uniquement de revenus et que vous omettez les dépenses engendrées par l’exploitation de chacun des établissements, nous a fait valoir M. Picard par courriel. De plus, ce sont des chiffres de 2009. On ne peut prétendre que la situation est identique en 2016. »
Charles Béliveau agit comme investisseur dans 13 des 18 bars que possède M. Picard. « J’ai vendu mes parts dans le manufacturier et j’ai investi là-dedans pour gagner ma vie », indique M. Béliveau, joint chez lui. Il ajoute que les banques sont parfois très réticentes à financer un bar. « C’est une entreprise comme une autre, même si certains ne l’aiment pas. »
3. Fiducie Colombe et partenaires
125 appareils
Revenus : 2,1 millions
La Fiducie Colombe vient en troisième place dans ce palmarès. Cette fiducie privée, par l’entremise d’un groupe nommé « Holding A » et plusieurs partenaires, est actionnaire dans 7 bars qui détiennent un total de 25 licences.
La fiducie est notamment propriétaire de deux des établissements possédant le plus de licences au Québec, soit le Royal Palace de Laval et le Jilly’s. À eux seuls, ces deux bars détiennent 14 licences. Le Royal Palace est situé à Pont-Viau, l’un des endroits où l’on retrouve la plus forte concentration d’ALV par habitant de tout le Québec, a démontré notre enquête.
La Fiducie Colombe possède ses 25 licences par l’entremise d’un enchevêtrement complexe de sociétés à numéro. Et qui sont les propriétaires de la Fiducie Colombe ? Impossible de le savoir. La propriétaire de la résidence liée à la fiducie n’en a jamais entendu parler et le locataire de l’endroit, qui gère également deux des bars liés à la fiducie, dit ne pas connaître le nom des propriétaires (voir autre onglet).
Revenus totaux estimés des 125 appareils détenus par la fiducie : 2,1 millions.
4. Groupe Sportscène et partenaires
125 appareils
Revenus : 2,1 millions
Le Groupe Sportscène, propriétaire ou copropriétaire d’une vingtaine de restaurants La Cage aux sports, se trouve ex æquo en troisième place. Le groupe et ses partenaires détiennent eux aussi 25 licences dans 22 restaurants, pour des revenus estimés de 2,1 millions. Toutefois, les ALV ne représentent que 1 % des revenus de la chaîne de restaurants, précise la porte-parole de l’entreprise, Claire Couturier.
Il faut également noter que le groupe Sportscène se déleste progressivement de ses appareils, ajoute-t-elle. « Afin qu’un établissement puisse détenir une licence d’ALV, il faut respecter des règles assez précises de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Notre nouvel aménagement arrive difficilement à respecter ces règles. Depuis notre virage stratégique amorcé il y a deux ans, où la priorité est donnée à l’offre alimentaire, nous privilégions de maximiser l’espace en salle à manger. »
5. Qi Chen et associés
120 appareils
Revenus : 2 millions
L’homme d’affaires d’origine chinoise Qi Chen, qui forme un petit groupe d’investisseurs aux côtés de sa conjointe, Duo Zhou, de son associée Ai Zhen Li et du mari de celle-ci, Ruo Shuo Chen, détient au total 24 licences, donc 120 appareils, dans 17 bars, ce qui rapporte au groupe autour de 2 millions par an. Comme nous l’évoquions dans un article précédent, plusieurs de ces bars ont été, ou sont toujours, fortement criminalisés, ce qui n’est pas du tout le cas pour les autres grands détenteurs de licences.
6. Restaurants Normandin
105 appareils
Revenus : 1,8 million
Au sixième rang, une autre chaîne de restaurants, soit les Normandin, majoritairement situés dans la région de Québec.
Le groupe détient 21 licences dans ses restaurants qui comportent des bars sportifs. Selon la moyenne évoquée par Loto-Québec, les revenus de ces 105 appareils seraient de 1,8 million pour le groupe. Cependant, Jean Julien, porte-parole des Restaurants Normandin, assure que les revenus tirés des ALV se situent sous le million de dollars pour la chaîne de restaurants. « Donc, on est en dessous de la moyenne que calcule Loto-Québec, je vous le confirme », a-t-il indiqué.
7. Benoît et Julie Lapointe – Atlas amusement
75 appareils
Revenus : 1,3 million
La famille Lapointe, propriétaire de sept centres d’amusement Atlas situés à Montréal et dans les environs, vient en septième place avec 15 licences. Les 75 appareils rapportent une somme qui dépasse 1,3 million, précise l’un des actionnaires d’Atlas Amusement, Benoît Lapointe.
« Je vais vous répondre clairement. Il y a des bars plus performants, d’autres moins performants au Québec. Nos établissements sont bien tenus, on a de l’achalandage. Nos moyennes sont plus élevées que le chiffre que vous mentionnez », dit-il.
L’une des salles d’amusement de la famille Lapointe se trouve dans le boulevard Newman, à LaSalle. Il s’agit d’un secteur où on retrouve une très forte concentration d’ALV, avec 17 licences réparties sur un très court tronçon du boulevard. Le secteur a été désigné comme un secteur sensible par la Direction de la santé publique de Montréal.
« Dans nos établissements, il y a beaucoup de joueurs pour qui c’est un loisir, plaide M. Lapointe. Les ALV sont une bonne partie de nos revenus, c’est certain. Mais la situation est beaucoup plus saine depuis que Loto-Québec a pris le contrôle. Elle a nettoyé l’industrie au complet. »
8. Groupe Bouclé
55 appareils
Revenus : 935 000 $
Le groupe Bouclé, dont les familles Bougie et Clément sont actionnaires, possède 11 licences dans 6 bars et arrive en huitième place dans notre palmarès. C’est le père de Pierre Bougie qui a démarré le groupe en investissant dans une salle de bingo il y a quatre décennies. Aujourd’hui, le groupe est devenu une entreprise qui s’est notamment lancée dans le réseau Kinzo de Loto-Québec.
Pour M. Bougie, l’un des actionnaires du groupe, le revenu que nous calculons pour les ALV détenus par le groupe – de 935 000 $ – est trop élevé. « Il n’y a pas un bar qui fonctionne pareil. On en a qui fonctionnent bien, d’autres, moins bien. Personne ne perd d’argent avec les loteries vidéo, mais il faut garder un employé de bar pour cinq machines. Ça coûte cher de personnel », fait-il valoir.
9. André Blais, Jean-Marc Lavoie, Sylvain Tremblay – Dooly’s Charlesbourg et Henri IV
50 appareils
Revenus : 850 000 $
10. Gilles Perron, Patrick Guay, Stéphane Boutin – Dooly’s Beauport, Lévis, Neufchâtel, Saint-Hyacinthe
50 appareils
Revenus : 850 000 $
En neuvième et dixième places, on retrouve les propriétaires de centres d’amusement Dooly’s. André Blais, Jean-Marc Lavoie et Sylvain Tremblay détiennent 10 licences – donc environ 50 appareils – dans 2 centres d’amusement Dooly’s, soit ceux de Charlesbourg et du boulevard Henri IV. Gilles Perron, Patrick Guay et Patrick Boutin possèdent eux aussi 10 licences dans les Dooly’s de Neufchâtel, Beauport, Lévis et Saint-Hyacinthe.
Les revenus tirés des ALV ne représentent que 5 à 10 % du chiffre d’affaires des centres Dooly’s, indique André Blais. La moyenne de 17 000 $ par an par ALV ne correspond pas à la réalité des Dooly’s, précise-t-il. « Si j’avais juste des appareils, je ne pourrais pas vivre de cela. »
Globalement, le groupe Dooly’s est l’un des très grands détenteurs de licences au Québec, avec 52 licences, donc environ 260 appareils. Cependant, chaque établissement est franchisé. Les revenus des ALV reviennent donc directement à chacun des franchisés et ne peuvent être calculés globalement.