BUDGET LEITÃO

En culture, le vent tourne

Prenez n’importe quel budget du Québec depuis une décennie. Pour trouver les bonnes nouvelles en culture, il faut une loupe et de la patience. Il y en a eu, bien sûr. Mais au-delà de ces annonces isolées, une grande tendance se dégageait : la culture occupait une part de plus en plus petite dans le total annuel des budgets.

Les dépenses en culture augmentaient un petit peu. Mais beaucoup moins que celles des autres ministères. Quand venait le temps de répartir les sommes, la culture était parmi les dernières à être invitées à table.

Cela change avec le dernier budget Leitão. Le budget de la culture a augmenté plus que les autres – il a bondi de 11 %. Il s’agit de la plus grande hausse depuis près de deux décennies pour ce ministère.

L’accueil du milieu culturel a été positif, mais prudent. Cela se comprend. Le budget a chiffré les enveloppes, sans préciser exactement où ira l’argent.

Ces détails viendront dans la nouvelle politique culturelle, attendue dans les prochaines semaines. D’ici là, les représentants de la musique, de l’édition, du théâtre et des autres disciplines restent sur leurs gardes. Ils ont la méfiance du cocu.

Mais soyons justes. Dans ces pages, on a dénoncé les coupes paramétriques à BaNQ, les compressions pour le crédit d’impôt en cinéma et télévision et plusieurs autres preuves de l’indifférence pour la culture. Enfin, le vent commence à tourner.

Des sceptiques pourraient répliquer : vraiment, plus d’argent pour les pachas du petit écran ?

Le public connaît surtout les vedettes, le 1 % de l’art, qui se porte en effet très bien. Mais ce succès cache un phénomène inquiétant : la précarisation des artistes. Leur nombre d’heures travaillées diminue. Ils sont aujourd’hui plus nombreux à être travailleurs autonomes ou avec un statut temporaire. Et ils sont aussi plus nombreux à cumuler les boulots pour arrondir leurs fins de mois – presque trois fois plus qu’en 1990, et deux fois plus que le reste de la population. En art, la classe moyenne s’érode.

Pour le gouvernement Couillard, les soutenir constitue aussi une nécessité politique. Les libéraux sont les moins enclins à protéger le français, et sous leur règne, la francisation demeure un échec. Ils sont aussi attaqués pour leur laïcité ouverte.

Il ne reste aux libéraux qu’une carte pour défendre l’identité québécoise : promouvoir sa culture. Elle ne figure pas au cœur des débats, car elle ne polarise pas. Mais cela n’en diminue pas l’importance.

On insiste, il est encore tôt pour applaudir. Il reste à voir le détail de la politique culturelle.

En 1992, la dernière version a créé les institutions qui défendent notre culture, comme la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) et le Conseil des arts et lettres (CALQ). Après la construction, l’heure est en partie à la protection. La culture se mondialise et se dématérialise, ce qui crée des occasions et surtout des menaces. Nos artistes sont submergés dans l’offre mondiale, et leur travail est moins rémunéré – parfois même offert gratuitement pour la musique. La nouvelle génération de petits Québécois doit être exposée à notre culture à l’école, pour qu’elle ne devienne pas une parmi tant d’autres.

C’est à cela que doit veiller la ministre de la Culture, Marie Montpetit. Il est trop tôt pour dire si elle réussira. Mais à tout le moins, pour la première fois, elle commence à avoir un peu de moyens pour ses ambitions.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.