À peine a-t-on commencé à magasiner sur notre téléphone cellulaire qu’il faut déjà se préparer psychologiquement à utiliser une nouvelle technologie dont la vitesse d’adoption sera exponentielle, prévoient les experts : le magasinage vocal. Parce que c’est rapide et que personne n’aime taper des mots dans un moteur de recherche.
« La voix sera la grande force perturbatrice de la vente au détail de la prochaine décennie », a déclaré Michael Haswell, directeur du développement commercial mondial chez Google, lors d’une conférence sur les achats vocaux au récent congrès Shoptalk à Las Vegas.
Selon lui, la voix est « prête pour le vrai magasinage ». Pour le moment, les commandes vocales servent essentiellement à recommander des biens, à se réapprovisionner en savon à lessive et en ketchup.
« Mais bientôt, on pourra demander à son assistant vocal : “Où puis-je acheter ceci ?” Il pourra nous aider à trouver les vêtements parfaits pour une occasion, en fonction de la date, de la température, de notre couleur préférée et du style d’habillement convenable pour l’événement en question. »
— Michael Haswell, directeur du développement commercial mondial chez Google
« La voix, c’est une nouvelle génération de commerce », a renchéri Larry Bohn, directeur général de General Catalyst, un fonds possédant des actions de Snapchat, Airbnb et Kayak, entre autres.
Ce n’est surtout pas le président et fondateur de Voysis qui va les contredire. En entrevue avec La Presse, Peter Cahill a confié être « absolument » en accord avec la prédiction du représentant de Google, avec qui il partageait la scène. Mais il y a un mais… même si son entreprise travaille depuis des années sur une technologie de reconnaissance vocale à l’intention des détaillants.
Les limites de Google et d’Amazon
L’entrepreneur dublinois de 35 ans ne croit pas que les assistants vocaux de Google et d’Amazon sont les appareils parfaits pour faire des emplettes, à l’exception de l’épicerie et des articles ménagers.
« Ces appareils ont des limites, fait valoir Peter Cahill. La première, c’est qu’ils n’ont pas d’écran. La plupart des gens n’achèteront pas quelque chose qu’ils ne voient pas. Ensuite, ces appareils ne sont pas portatifs. Et ils sont faits par Google et Amazon. Donc, avec celui de Google, tu te prives de toute l’offre d’Amazon. »
Puisque « tout le monde a déjà un téléphone » dans les mains, c’est là que se trouve l’avenir du commerce vocal, croit-il plutôt.
« Tout le monde va préférer l’option rapide »
Voilà pourquoi son équipe de 33 scientifiques, linguistes et ingénieurs, répartis entre Dublin et Boston, travaille depuis quatre ans sur une technologie de reconnaissance vocale qui peut être intégrée aux sites web et aux applications des détaillants et qui utilise les filtres déjà en place.
« Voysis est l’entreprise la plus avancée au monde en ce qui a trait à la voix au service de la vente au détail », affirme Peter Cahill, précisant que quelques détaillants américains font actuellement « des tests à l’interne ».
Pour faire une recherche, le consommateur n’a qu’à appuyer sur l’icône en forme de petit micro. Il peut alors demander à voir toutes les robes noires de taille 8 à moins de 200 $.
« La voix, c’est beaucoup plus vite. Ça prend deux secondes, plutôt que dix si on tape les mots. Tout le monde va préférer l’option rapide. »
— Peter Cahill, président et fondateur de Voysis
De plus, la technologie – contrairement à celles d’Amazon et de Google – permet aux détaillants d’attirer les consommateurs sur leur site, ce qui est important pour « l’interaction », croit Peter Cahill. Ceux-ci paient « quelques centièmes de cents à chaque utilisation ». Le tarif est « très bas » pour que les détaillants encouragent les recherches avec le petit micro.
Capter l’attention en trois secondes
Peter Cahill rappelle que les internautes ne sont pas patients. S’ils n’ont pas trouvé ce qu’ils cherchent après trois secondes, ils vont voir ailleurs. D’où l’importance pour les détaillants d’avoir un site efficace et intuitif. « Pas moins de 70 % de l’achalandage provient des téléphones, mais les ventes ne sont pas au rendez-vous. C’est la preuve que l’expérience est mauvaise. »
« Personne ne pouvait prévoir à quel point le mobile prendrait rapidement de l’ampleur dans la vente au détail. Ce sera encore plus vite avec la voix », a souligné Larry Bohn, du fonds General Catalyst, au public dans la salle.
« On a enfin atteint un point où la technologie s’adapte au monde des humains. Et non pas l’inverse » a conclu le représentant de Google, Michael Haswell.
Une autre entreprise à surveiller
En Australie, YourAnswer a conçu une technologie qui s’apparente à celle de Voysis, mais qui insiste sur le fait qu’elle n’est « pas un moteur de recherche ». « Allez au-delà de l’intelligence artificielle et utilisez notre véritable intelligence », peut-on lire sur le site web de l’entreprise qui avait un stand à Shoptalk, mais qui a refusé de nous parler officiellement, étant donné que « des demandes de brevet sont à l’étude ». Selon la vidéo qui roulait en boucle sur un écran, YourAnswer permet de trouver ce qu’on recherche en appuyant sur un micro en plus de présenter les résultats de la recherche « à la manière d’un défilé de mode », c’est-à-dire à la queue-leu-leu dans un ovale. La technologie fonctionne pour les vêtements, les chaussures, les montres et les bijoux, tant sur les ordinateurs que sur les tablettes et les téléphones. « Vous pouvez parler comme si vous vous adressiez à un vendeur bien informé », assure-t-on.