Crise des opioïdes

Purdue Pharma se déclare en faillite pour solder les litiges

Le groupe pharmaceutique américain Purdue Pharma, devenu l’ennemi numéro un dans la crise des opioïdes aux États-Unis, s’est déclaré en faillite et a proposé de se réorganiser en un trust dont ses propriétaires, la famille Sackler, seraient écartés, espérant ainsi solder l’avalanche de litiges dont il fait l’objet.

Le plan déposé par Purdue auprès du tribunal fédéral des faillites de New York prévoit de transformer la société, fabricant de l’OxyContin – un des grands médicaments antidouleur de la famille des opioïdes – « en un trust ou une autre entité », dont l’activité et les revenus serviraient à lutter contre la crise des opioïdes et à dédommager ses victimes.

Il prévoit que la riche famille Sackler, propriétaire de Purdue, en abandonne tout contrôle, et donne « au moins 3 milliards » de dollars de ses propres fonds aux victimes.

Selon les documents enregistrés au tribunal, le montage permettrait de dégager quelque 10 milliards pour gérer cette crise, qui a fait plus de 200 000 morts par surdose aux États-Unis en près de 20 ans.

Ce montage correspond à ce que Purdue Pharma a proposé ces derniers jours dans le cadre d’un projet d’accord visant à mettre fin à quelque 2300 plaintes contre lui, émanant de la quasi-totalité des États américains et d’innombrables collectivités locales.

États récalcitrants

Or, si les procureurs généraux de 24 États américains se sont dits prêts à accepter ce montage, de nombreux autres l’ont rejeté, comme les puissants États de New York, du Massachusetts, du Connecticut (où se trouve le siège de Purdue) et de la Californie.

Ils estiment les 3 milliards proposés par les Sackler – seule somme tangible dans le projet d’accord, les 7 autres milliards reposant sur des projections de revenus futurs – très insuffisants.

L’État de New York, en particulier, accuse les Sackler, connus pour leur soutien financier aux grands musées du monde, de dissimuler l’étendue de leur fortune, évaluée à 13 milliards par le magazine Forbes, et d’avoir notamment transféré au moins 1 milliard en Suisse.

« Personne ne sera surpris que la déclaration de faillite de Purdue survienne 48 heures après que nous avons exposé ces transferts de 1 milliard de dollars. »

—  Letitia James, procureure générale de l’État de New York

« Mon bureau ne se laissera pas dissuader de poursuivre la famille Sackler », a-t-elle ajouté.

En déposant ce montage devant le tribunal des faillites, Purdue semble vouloir forcer la main à ces États récalcitrants.

La société espère que « les parties qui ne soutiennent pas le projet d’accord actuellement […] continueront à négocier de façon productive et finiront par reconnaître sa valeur », écrivent ainsi ses avocats dans les documents déposés au tribunal.

2 millions par semaine

« Nous sommes à un carrefour », a plaidé hier le président de Purdue, Steve Miller, sur la chaîne CNBC. « La seule autre option [en dehors du montage proposé] est de dépenser toutes nos ressources en batailles judiciaires, au lieu de les donner à ceux qui ont souffert » de la crise des opioïdes.

Purdue dépenserait actuellement quelque 2 millions par semaine en frais d’avocats, selon les documents déposés au tribunal des faillites.

Selon Carl Tobias, professeur de droit à l’Université de Richmond, en Virginie, en déposant ce montage en vertu du « chapitre 11 » de la loi sur les faillites américaine, Purdue « soulève plus de questions qu’il n’en résout ».

Vu le rejet du montage par plusieurs États, il n’y a notamment « aucune garantie » que cet enregistrement auprès du tribunal des faillites mettra fin aux attaques en justice contre Purdue, avance-t-il.

Purdue fait partie de 17 sociétés pharmaceutiques – des laboratoires, mais aussi des distributeurs et de grands réseaux de pharmacies comme Walgreens et CVS – attaquées dans un dossier judiciaire tentaculaire, qui doit déboucher fin octobre sur le premier procès fédéral des opioïdes dans l’Ohio.

Purdue est accusé d’avoir été le premier laboratoire à pousser le corps médical à surprescrire l’OxyContin, aux effets addictifs notoires, à partir des années 90, alors que ces puissants médicaments étaient jusque-là réservés au traitement des maladies graves.

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