Baisse marquée des naissances en 2017 au Québec

Le Québec a enregistré une baisse marquée des naissances en 2017, le nombre de bébés ayant chuté de 3 % en un an, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Le déclin que l’on observe depuis cinq ans pourrait s’expliquer par les compressions dans les programmes sociaux comme les services de garde, avance un sociologue qui s’intéresse au phénomène.

Nouveau déclin

Après un lent déclin durant les années 90, le nombre de naissances avait recommencé à augmenter au début des années 2000. Mais après un plafond atteint au tournant des années 2010, un nouveau déclin se fait sentir depuis. Ainsi, le Québec a enregistré l’an dernier 83 900 naissances, soit 2500 de moins que l’année précédente. « C’est la baisse la plus marquée depuis 2012 », observe Chantal Girard, démographe à l’ISQ. L’indice synthétique de fécondité, qui mesure le nombre moyen d’enfants que les femmes sont susceptibles d’avoir durant leur vie, a continué de reculer pour s’établir à 1,54. L’ISQ note toutefois que le taux n’est pas aussi faible que celui observé durant les années 80 et au début des années 2000, alors qu’il était inférieur à 1,5 enfant par femme.

Nombre de naissances au Québec

2008 87 865

2009 88 891

2010 88 436

2011 88 618

2012 88 933

2013 88 867

2014 88 037

2015 86 800

2016 86 400

2017 83 900

Source : Institut de la statistique du Québec

Baisse chez les femmes de 30 ans et plus

Un nouveau phénomène vient brouiller les cartes des naissances. Depuis plusieurs années, les démographes observent une baisse des grossesses chez les femmes de moins de 30 ans, mais celle-ci était compensée par une hausse chez les femmes plus âgées. « Longtemps, les démographes ont cru à un changement de calendrier, à un report des naissances », indique Richard Marcoux, directeur de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone à l’Université Laval. « Mais depuis deux ans, on n’a plus la hausse chez les plus de 30 ans, constate Chantal Girard. C’est comme si le phénomène de report, de compensation ne joue plus. »

Nombre de naissance par tranche d’âge des mères

>Année: 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

>Moins de 30 ans 44 185 43 286 42 468 41 358 40 221 38 977 38 717 37 583

>30 ans et plus 44 251 45 332 46 465 47 509 47 816 47 823 47 681 46 315

Écart entre désirs familiaux et réalité

Si les Québécois ont de moins en moins d’enfants, ce n’est pas parce qu’ils n’en veulent pas, avance le sociologue Richard Marcoux, qui observe un écart croissant entre les désirs familiaux et la réalité. « Quand on sonde les Québécois, les gens disent vouloir en moyenne 2,1 enfants, mais ils en ont moins [1,54 en 2017]. Il y a un décalage entre les aspirations et la réalité. Mon hypothèse, c’est que les conditions ne sont pas réunies pour les parents », évalue le sociologue. Celui-ci note que les recherches menées notamment en Europe du Nord montrent du doigt les problèmes de conciliation famille-travail pour expliquer la baisse de natalité.

Effet des compressions ?

Or, si le réseau des garderies à 5 $ a contribué au début des années 2000 à relancer les naissances, les compressions des dernières années pourraient y avoir mis un frein, analyse Richard Marcoux. « Les interventions ont été moins généreuses ces dernières années pour les familles. Il y a eu des coupures dans les programmes sociaux, augmentation des coûts pour placer les enfants, alors les services de garde sont devenus moins attrayants. En investissant moins dans les services de garde de qualité, on se trouve à ajouter des obstacles qui vont reporter les projets de naissance. » Et comme les gens tardent de plus en plus à avoir des enfants, les Québécois finissent par avoir moins d’enfants que souhaité.

Les grossesses adolescentes à un creux historique

Les données démontrent aussi que les grossesses chez les femmes de moins de 20 ans sont de plus en plus rares. Le nombre de ces naissances a pratiquement été réduit de moitié depuis 2010, passant de 2400 à 1280 l’an dernier. On recense ainsi 6 naissances par tranche de 1000 femmes chez les 15 à 19 ans. « Ça fait plusieurs années que ça baisse. Le niveau enregistré en 2017 serait le plus faible jamais enregistré au Québec. On est dans des niveaux historiquement faibles », constate la démographe Chantal Girard.

Le tiers des enfants issus de l’immigration

La part des naissances issues de l’immigration continue quant à elle à augmenter. Tout près du tiers des bébés de 2017 ont au moins un parent né à l’étranger. Ce chiffre est en rapide progression, ayant doublé au cours des 25 dernières années. « Le Québec accueille de plus en plus de personnes de l’étranger, alors c’est sûr que ça contribue à la transformation du tissu. Mais les études montrent que les immigrants adoptent les mêmes comportements que les natifs après quelques années parce que comme tout le monde, ils ont les mêmes problèmes à trouver des services de garde, par exemple », dit Richard Marcoux.

Part des enfants issus de l’immigration (en pourcentage)

Année : 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

>Deux parents nés au Canada 86,6 86,4 84,9 81,9 78,5 75,1 72,8 72,0 71,0 70,3 69,8 69,5 69,0 67,9

>Au moins un parent né à l’étranger 12,6 13,4 14,6 15,7 21,4 24,5 26,9 27,7 28,7 29,5 30,0 30,2 30,7 31,9

>Deux parents nés à l’étranger 7,3 7,2 8,2 8,8 12,8 15,8 17,4 18,2 18,8 19,2 19,6 19,7 20,0 21,2

Montréal et Québec se reproduisent peu

C’est à Montréal que l’on retrouve le plus faible indice de fécondité au Québec, soit à peine 1,4 enfant par femme. La métropole est toutefois suivie de près par la région de Québec, où le taux est de 1,45 enfant par femme. À l’inverse, c’est dans le Nord-du-Québec que le taux de fécondité est le plus élevé, à 2,6 enfants par femme. Ce taux est toutefois nettement moins élevé qu’il y a 10 ans, alors qu’il était de 2,92. « La tendance générale est à la baisse partout depuis plusieurs années », note Chantal Girard.

Les naissances en chiffres

42 900 garçons

41 000 filles

Ce ratio de 105 garçons pour 100 filles observé en 2017 est stable depuis plusieurs années.

29

Âge moyen des femmes ayant un premier enfant, soit quatre ans de plus qu’en 1975.

63 %

Part des enfants issus de parents non mariés

Le rang des enfants lors de leur naissance

43 % Premier-né

36 % Deuxième enfant

21 % Troisième ou plus

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