Élections fédérales 2015

Après le débat, ils ont dit

« Nous avons fait ce qu’il fallait ce soir pour parler des vrais enjeux. Moi, je sais que la vaste majorité des Canadiens, y compris les Québécois, souhaitent un changement à Ottawa. On ne se reconnaît pas dans ce gouvernement. [Sur le niqab], je pense qu’on a fait le tour de la question ce soir. » 

— Thomas Mulcair

« M. Harper est venu ici au Québec pour nous parler de nos valeurs. Or, on sait que quand vient le moment de défendre les droits des femmes, le mariage gai et l’aide médicale à mourir, M. Harper n’est pas du tout aligné avec les valeurs québécoises. » 

— Justin Trudeau

«  [En cas de gouvernement minoritaire], après quatre ans de gouvernement majoritaire Harper, on a appris à connaître véritablement qui il était. Pas question d’accorder notre appui à Stephen Harper. Dans le cas de MM. Trudeau et Mulcair, pas de chèque en blanc. On verra ce qu’ils ont à offrir. » 

— Gilles Duceppe

Propos recueillis par Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

Élections fédérales 2015

Des chefs à l’attaque

OTTAWA — Conscients que le jour du scrutin approche, Stephen Harper, Thomas Mulcair, Justin Trudeau et Gilles Duceppe ont multiplié les attaques et les répliques incisives, hier soir, durant le dernier débat des chefs de ce long marathon électoral, dans l’espoir de consolider leurs appuis, et ce, alors que la lutte demeure serrée.

Les leaders ont croisé le fer sur l’économie et les finances publiques, la sécurité et la lutte contre le terrorisme ainsi que les politiques sociales et la gouvernance. Et comme ce fut le cas lors du précédent débat en français, la question du port du niqab a de nouveau donné lieu à des échanges enflammés.

Confronté à une baisse de ses appuis dans les sondages, le chef du NPD, Thomas Mulcair, a cherché à démontrer d’entrée de jeu que le chef libéral Justin Trudeau n’incarne pas le changement, soulignant que les libéraux ont souvent voté pour des mesures proposées par le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Il a notamment cité en guise d’exemple l’appui des libéraux à la Loi antiterroriste des conservateurs.

Le chef libéral avait lancé les hostilités en accusant M. Mulcair de vouloir équilibrer le budget fédéral à tout prix, comme Stephen Harper, alors que selon lui, l’économie aurait besoin d’une injection massive de fonds pour créer des emplois. 

« Vous ne pouvez pas investir dans les familles, vous ne pouvez pas investir dans les infrastructures. »

— Justin Trudeau, à l’endroit de Thomas Mulcair

« M. Trudeau, dans ma famille, on m’a toujours dit que les actions parlaient plus fort que les paroles, a rétorqué M. Mulcair. Vous parlez des budgets de M. Harper. Vous avez appuyé en votant pour plusieurs des budgets de M. Harper. Je n’ai jamais voté pour des budgets de M. Harper. Vous avez voté pour le projet de loi C-51, la plus grande attaque contre les droits et libertés depuis que les libéraux ont adopté la Loi sur les mesures de guerre de 1970. Vous l’avez appuyé sur Keystone. Vous avez les mêmes politiques au niveau économique, social et environnemental. Nous, on vote contre M. Harper. On veut le battre et le remplacer. »

HARPER SE DÉFEND

Le chef conservateur Stephen Harper a quant à lui défendu son bilan économique, accusant sans ménagement à la fois M. Mulcair et M. Trudeau de vouloir augmenter le fardeau fiscal des contribuables et de dépenser sans compter.

M. Harper s’est aussi défendu de s’en prendre à des fins politiques à une minorité en promettant d’adopter un projet de loi interdisant le port du niqab durant les cérémonies de prestation de serment de citoyenneté. Il a accusé le NPD et le Parti libéral d’être « déconnectés » de la majorité des Québécois et des Canadiens en refusant d’agir. « Toute l’opinion publique est en faveur de cette politique », a-t-il dit.

« M. Harper, je trouve que vous avez du cran de venir ici parler des valeurs québécoises et de la défense des droits des femmes. Vous avez plus d’hommes dans votre caucus qui sont antiavortement qu’il y a de femmes qui portent le niqab au Québec », a lancé M. Trudeau.

« M. Harper, vous jouez un jeu dangereux que je n’ai jamais vu dans ma vie. Je n’ai jamais pensé que je verrais un premier ministre du Canada jouer ce jeu-là. Vous avez un candidat qui a dit que les femmes musulmanes n’ont qu’à sacrer leur camp chez elles. […] C’est un reflet d’un mépris profond des valeurs canadiennes. Vous êtes en train d’utiliser comme cible, comme bouc émissaire une communauté pour faire de la politique sur son dos. C’est indigne d’un premier ministre canadien », a renchéri M. Mulcair.

DUCEPPE ATTAQUE HARPER

Le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe a aussi accusé M. Harper de ne pas avoir le courage d’exiger le vote à visage découvert pour le vote et pour l’octroi et l’obtention de services publics, comme le réclame l’Assemblée nationale. « Il avait quatre ans pour agir. Il ne l’a pas fait », a-t-il dit.

Durant le débat, M. Duceppe a mis au défi le chef conservateur de protéger intégralement le système de gestion de l’offre dans le cadre des négociations visant à conclure un Partenariat transpacifique. M. Harper a répété que durant toutes les négociations de libre-échange, il s’est évertué à protéger la gestion de l’offre.

M. Trudeau a dû défendre sa promesse de légaliser la marijuana. « C’est plus facile d’acheter de la marijuana que de la bière », a-t-il lancé, précisant que c’est le crime organisé qui profite le plus de la vente au noir de cette drogue.

Stephen Harper s’est montré lapidaire. « Les leaders doivent montrer l’exemple. M. Trudeau, vous vous êtes vanté d’avoir fumé de la marijuana. Ce n’est pas une position responsable », a-t-il dit.

La leader du Parti vert, Elizabeth May, n’avait pas été invitée à cette joute oratoire. Le débat d’hier soir était le cinquième de ce marathon électoral et l’un des plus attendus en raison de la volatilité de l’électorat, notamment au Québec. Les chefs reprennent la route aujourd’hui alors qu’il ne reste plus qu’environ deux semaines avant le jour du scrutin.

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