« Ni à vendre ni à acheter »
Oui, absolument. Mais après sa diffusion, les producteurs ont préféré le retirer de la circulation parce que nous n’étions pas certains d’avoir entièrement les droits de tous ces extraits. Nous avions le soutien de Warner France, mais auprès de Warner Monde, il ne fallait surtout pas rien dire et il nous était alors impossible de faire une diffusion publique du film. C’est à ce moment-là que des techniciens et employés de Canal+ ont commencé à en faire des copies pour leur usage personnel. Et des gens qui l’avaient enregistré lors de son passage à Canal+ ont fait de même. Ce qui fait que La classe américaine a eu une espèce de vie souterraine pendant des années, comme un film qu’on se passe sous le manteau.
Pendant longtemps, je ne le considérais même pas comme mon premier film, parce que je n’ai pas tourné moi-même une seule des images. Mais aujourd’hui, je l’inclus volontiers dans ma filmographie.
L’arrivée du Net, et surtout de la haute vitesse, a fait en sorte que des extraits du film se sont retrouvés sur le web. Un type nous a d’ailleurs contactés pour obtenir la liste de tous les extraits contenus dans le film, et nous n’étions même pas en mesure de le faire. Il les a répertoriés un par un, et il a remastérisé le film entièrement. Cette version, que tout le monde regarde aujourd’hui, est l’œuvre d’un fan. Nous, on ne l’a pas retouché depuis 1993 !
« C’est un film complètement débile, dont on me parle régulièrement encore aujourd’hui. Il a un côté un peu punk, dans le sens où on a pris les plus grandes vedettes américaines, symboles du pouvoir culturel, et on leur a fait dire n’importe quoi. »
— Michel Hazanavicius
Je crois qu’il est aussi dû à la façon dont ce film s’est fait connaître. Voilà un des rares objets culturels qui n’est ni à vendre ni à acheter, dont l’existence est complètement en dehors du monde de la marchandise. Jamais un relationniste ou un publicitaire n’a été embauché pour en faire la promotion. On l’a fait, il est parti dans la nature. Il a sa vie propre.
Il vient des mouvements des lèvres de Burt Lancaster. On a vraiment l’impression qu’il dit ce nom en prononçant bien chaque syllabe. J’avais un copain qui s’appelait ainsi au collège. Je trouvais aussi marrant le décalage : John Wayne qui porte le nom d’un juif séfarade !
Dans mon enfance, j’ai vu les westerns et les films de James Bond en version française. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’un plaidoyer, cela dit. C’est juste fait pour faire marrer, après tout. J’éprouve cependant un véritable amour pour ces voix françaises, faites par des acteurs issus du théâtre des années 50, avec leur phrasé très particulier. D’ailleurs, les westerns que je montre à mon fils sont en version française, au grand désespoir de Bérénice [Bejo, sa conjointe]. En fait, j’ai découvert à 12 ans que les cow-boys ne parlaient pas français. Ce fut un choc !
La classe américaine (Le grand détournement) est présenté ce soir à 20 h 30 au Bar Le Ritz PDB.
Lisez notre interview avec Michel Hazanavicius vendredi dans La Presse+.