Monsieur l'inspecteur

Prévenir les dangers de la pyrite

Au plancher du garage, la dalle est fissurée et carrément soulevée par endroit. Au sous-sol, le plancher de béton affiche plusieurs fissures qui se rejoignent. Tous les symptômes de la présence de pyrite, aussi appelée l'or des fous. Un phénomène qui peur causer bien des maux de tête aux propriétaires.

En 1997-1998, la pyrite était le nouveau phénomène d’horreur en habitation. Dans leurs maisons construites 10 à 15 ans plus tôt, des résidants de la Rive-Sud et de certains quartiers de l’ouest et de l’est de l’île de Montréal voyaient apparaître des fissures sur la dalle de béton de leur sous-sol. Dans certains cas, le plancher se soulevait. Au garage, on avait l’impression de se garer sur un champ de mines.

Aujourd’hui, propriétaires, courtiers immobiliers et inspecteurs ont appris à vivre avec la pyrite. On sait que dans un sous-sol de plus de 30 ans, elle a probablement fait les dommages qu’elle avait à faire. Malgré son nom à consonance toxique, elle n’est pas dangereuse pour la santé, à moins que les fissures qu’elle provoque ne laissent entrer tellement d’humidité que des moisissures se forment sur les murs et plafonds.

Certains propriétaires vivent bien avec un plancher imparfait et quelque peu imprévisible au sous-sol. Mais au moment de vendre leur propriété, sa valeur sera réduite et moins d’acheteurs se présenteront.

« Sur la Rive-Sud, c’est automatique. On suggère au client vendeur de faire un test de pyrite, même si la maison a 50 ans et qu’on ne voit pas de dommages. Pour 350 $, le vendeur aura l’esprit tranquille. »

— Anne-Marjolaine Hébert, courtière sous la bannière L’Expert Immobilier

Il est de plus en plus rare que les fissures convergentes causées par la pyrite soient découvertes lors de l’inspection préachat. Ce n’est que dans les transactions sans agent que l’inspecteur recommandera un test de qualité du remblai.

La pyrite est un sulfate de fer contenu dans la pierre qui a servi de remblais sous la dalle de béton. En s’oxydant sous l’effet de l’humidité, la pyrite forme des cristaux de gypse qui font augmenter le volume du remblai. La poussée fait fissurer la dalle de béton et peut aller jusqu’à la soulever.

Le phénomène s’exprime de façon plus dramatique au garage attenant à la maison, explique Guy Forest, le fondateur de l’entreprise Multitest, qui s’appelait autrefois Pyritest. Souvent, il y a eu excavation complète sous le garage, pour aller couler les fondations de la maison. Si le trou de 180 cm de profondeur a été complètement rempli de remblais de mauvaise qualité, l’effet de la pyrite est multiplié. « C’est comme un boule de pâte mise au four, illustre Guy Forest. Elle prend de l’expansion de partout. »

Sous le garage, la pyrite pousse vers le haut, mais aussi vers les côtés. Les poussées latérales peuvent endommager les fondations de la maison. On peut faire démolir une dalle dans un garage et remplacer son remblai pour moins de 10 000 $. La même opération au sous-sol sera beaucoup plus chère : la surface est plus grande, l’accès avec les équipements d’excavation est plus difficile et il faudra démolir et reconstruire les cloisons existantes.

INDICE DE GONFLEMENT

C’est essentiellement la qualité du remblai qui pose problème. Certains types de pierre, comme les schistes argileux, réagissent plus fortement à l’oxydation du sulfate de fer. Les tests standardisés déterminent le type de pierre et son Indice pétrographique de potentiel de gonflement (IPPG).

À un IPPG de 10 et moins, la possibilité de dommages à la dalle est faible. À 10 et plus, on entre dans une « zone grise », dit Guy Forest. Dans les sous-sols, on sait par contre que seule la dalle sera touchée, sans effet sur la structure de la maison. Et si celle-ci a 30 ans ou plus, on peut supposer que l’effet de la pyrite s’est exprimé et que les dommages ne s’accentueront pas. Pour en avoir le cœur net, on peut commander une analyse chimique du remblai, qui nous dira si la pyrite a terminé sa réaction à l’humidité.

Quand elle vend une maison dont le test de pyrite est positif, la courtière Anne-Marjolaine Hébert informe les clients potentiels dès le premier appel. « Certains courtiers préfèrent le révéler lors de la visite, mais pour ma part, j’aurais l’impression d’avoir tendu un guet-apens. Il vaut mieux être transparent dès le départ. »

MAISONS RÉCENTES

De nos jours, les carrières offrent de la pierre certifiée « DB » pour usage comme remblais. Tout acheteur d’une maison construite depuis l’an 2000 devrait exiger qu’on lui remette le bon de livraison du remblai, communément appelé « certificat DB ».

Malgré l’ampleur des problèmes causés par la pyrite, aucune municipalité ni autorité provinciale ou fédérale n’a rendu obligatoire l’usage de remblais certifié DB, déplore Michel Forest. « L’usage demeure sur une base volontaire, dit-il. Malheureusement, on voit encore des entrepreneurs qui mettent une part de remblai non certifié, pour économiser un ou deux dollars la tonne. »

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