Société

L’ADN de la motivation

Février. La motivation qui animait les gens au début de l’année pour leurs résolutions commence à vaciller. Mais qu’est-ce au juste que la motivation ? Qu’est-ce qui nous donne de l’énergie et nous inspire au bureau, à l’école, dans le sport ou dans un loisir ?

Qu’est-ce que la motivation ? 

La formulation diffère légèrement selon les spécialistes, mais en gros, la motivation est un processus qui déclenche une conduite. « C’est comme si le cerveau mettait en branle l’énergie nécessaire pour réaliser une action », explique la Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, à la fois psychologue et neuropsychologue.

La motivation peut être mue par des facteurs externes ou internes. Ces derniers facteurs peuvent être des besoins physiologiques, comme manger et boire, ou des besoins psychologiques.

Robert Vallerand, professeur au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), parle ainsi de trois besoins fondamentaux : la compétence, l’autonomie et la connexion sociale avec les autres. « Les gens veulent se sentir compétents dans une activité qu’ils ont eux-mêmes choisie, affirme-t-il. Si en plus ça va bien avec les gens qui sont là, les trois besoins sont nourris. »

Est-ce que certaines personnes se motivent plus facilement que d’autres ?

Les chercheurs ont voulu répondre à cette question, notamment par l’entremise d’une étude sur 13 000 jumeaux d’âge scolaire de six pays différents.

« Nous avons réalisé une enquête pour essayer de déterminer si les gènes jouaient un certain rôle dans la motivation, indique Frédéric Guay, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et directeur de la Chaire de recherche du Canada en motivation, persévérance et réussite scolaires. Notre enquête nous amène à dire oui, il y a un certain rôle des gènes. Mais ça ne veut pas dire que l’environnement ne jouera pas un rôle également. »

Le contexte demeure important lorsqu’il est question de motivation, tout comme la nature des tâches.

Christine Grou note qu’il existe un syndrome amotivationnel. On parle de personnes amorphes, apathiques. Ça peut être attribuable à des accidents, mais aussi à des maladies, des dépressions majeures. « On a l’impression que la personne manque de volonté, mais c’est en dehors du champ d’autodétermination de la personne, c’est en dehors de sa responsabilité », affirme-t-elle.

Qu’est-ce qui nourrit la motivation ?

La motivation s’épanouit particulièrement dans les relations interpersonnelles. Les professeurs, les employés, les entraîneurs ont un grand rôle à jouer.

« Ce qui nourrit la motivation, c’est quand on est dans le soutien et l’écoute, quand on essaie de comprendre. Qu’on parle d’athlètes, d’élèves, d’employés, on n’essaie pas d’imposer notre point de vue, on essaie de l’expliquer. »

— Frédéric Guay

Pour sa part, Robert Vallerand insiste sur l’importance de ne pas brimer les besoins fondamentaux des gens. « Il faut créer des contextes pour qu’ils se sentent compétents, qu’ils se sentent autonomes dans ce qu’ils font, qu’ils connectent avec les autres. » Il conseille aux gens de se fixer des défis réalistes, d’essayer d’orienter leur travail ou leurs études en fonction de leurs centres d’intérêt (dans la mesure du possible).

Christine Grou insiste également sur l’importance d’être à l’écoute de ses besoins : besoin de gratification, besoin de se réaliser dans quelque chose, besoin d’être entouré par les gens qu’on aime. Il faut suivre ses intérêts, ses valeurs. « On sera toujours plus motivé à réaliser quelque chose qu’on valorise. »

Qu’est-ce qui tue la motivation ?

Le manque de soutien social, l’absence d’outils pour passer à l’action, tout ça peut anéantir la motivation, affirme Christine Grou.

De son côté, Robert Vallerand, de l’UQAM, insiste sur l’importance de respecter l’autonomie des gens. Il donne l’exemple de parents qui demandent sans cesse à leur enfant s’il s’est exercé à son instrument de musique. « On oriente ainsi la motivation vers l’obligation : je pratique parce que mes parents me mettent de la pression. »

Le jeune risque donc de se lasser au lieu de persévérer. Il est préférable de le laisser choisir lui-même les moments où il doit répéter.

Au travail, un patron pressurisant, qui contrôle, qui regarde au-dessus de l’épaule des employés va brimer leur besoin d’autonomie. En donnant une rétroaction constamment négative, il va brimer leur besoin de compétence. « Si en plus l’ambiance sociale au travail est terrible au point où il y a des conflits interpersonnels, il n’y aura aucun besoin qui sera comblé, poursuit M. Vallerand. Les employés vont sombrer dans l’absence de motivation. Bien souvent, s’ils le peuvent, les gens vont sortir de cet environnement. »

Pour sa part, Frédéric Guay cible un grand tueur de motivation : la récompense. Celle-ci peut amener quelqu’un à modifier son comportement. « Mais dès que la récompense n’est plus là, ça ne fonctionne plus, affirme M. Guay. Il n’y a pas de persévérance. »

Est-ce que le cannabis atténue la motivation ?

Selon la littérature scientifique, la consommation excessive de cannabis pourrait présenter un risque pour la motivation.

« Dans le cerveau, nous avons des neurotransmetteurs, qui sont des messagers chimiques, explique Christine Grou. Parmi eux, la dopamine est responsable du plaisir. Comme tous les neurotransmetteurs, elle a une clé pour ouvrir certains récepteurs et les satisfaire. Les drogues, comme le cannabis, n’ont pas qu’une clé, elles ont un véritable passe-partout, elles vont dans tous ces récepteurs-là. Quand les récepteurs sont satisfaits de façon artificielle, le moteur du cerveau, qui nous fait rechercher les bienfaits, n’a plus besoin de se mettre en branle. »

Robert Vallerand rappelle qu’il faut prendre en considération l’intensité de la consommation de cannabis, mais aussi la raison de cette consommation. « Est-ce de l’évitement ? Est-ce pour geler les émotions ? se demande-t-il. Si quelqu’un consomme pour éviter de faire face à la musique, c’est sûr qu’il y aura un impact sur la motivation parce qu’en réalité, c’est pour cela qu’il fume. »

Frédéric Guay note de son côté qu’il faut aussi vérifier si ce sont des gens déjà amotivés qui consomment davantage. « Il y a des questions intéressantes, souligne-t-il. Avec la légalisation, il sera possible de se pencher là-dessus. »

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