Anne-Marie Comeau

La détermination

19 ans

Coureuse, fondeuse, élève

Quatre participations aux Mondiaux juniors de ski de fond (18e en 2012), médaillée d’argent au 5000 m des championnats panaméricains juniors d’athlétisme.

Anne-Marie Comeau excelle en ski de fond et en course à pied. Deux sports complémentaires sur le plan physiologique, mais qui exigent un engagement presque total pour réussir au plus haut niveau. Amoureuse des deux disciplines, l’athlète de 19 ans n’est pas prête à en sacrifier une, ni à mettre ses études de côté. Son principal défi : garder son équilibre.

« Tu fais encore du ski ? » La question, posée sur le ton de la surprise, agace un peu Anne-Marie Comeau. Oui, elle fait encore du ski de fond. Et elle n’a pas l’intention d’arrêter.

Comme en ce matin ensoleillé de la semaine dernière à la Forêt Montmorency, au cœur de la réserve faunique des Laurentides. Bandeau blanc enfoncé jusqu’aux yeux, coupe-vent jaune fluo, la menue athlète de 19 ans enfile les tours sur la seule piste enneigée dans l’est de l’Amérique du Nord.

Elle fait sa petite affaire parmi une quarantaine de fondeurs venus préparer la prochaine saison. Alex Harvey est là avec ses coéquipiers du Centre national d’entraînement Pierre-Harvey (CNEPH). Comeau faisait partie du groupe d’élite jusqu’à la saison dernière. Au printemps, elle a pris un autre chemin. Celui de la course à pied.

Quatre jours plus tôt, Comeau était à Grand-Mère pour les championnats québécois de cross-country. Pour lui donner un défi, son entraîneur l’a inscrite dans l’épreuve senior plutôt que junior. Elle a fini première.

Cette victoire couronnait une saison remarquable pour la jeune coureuse de Saint-Ferréol-les-Neiges. Elle a d’abord réalisé un record provincial junior sur 5000 mètres avant de devenir championne canadienne de la catégorie. Au mois d’août, elle a gagné la médaille d’argent aux championnats panaméricains juniors d’Edmonton, sa première compétition internationale en athlétisme.

« C’est une athlète au talent et au potentiel exceptionnels », affirme Félix-Antoine Lapointe, entraîneur-chef du Rouge et Or de l’Université Laval, qui la côtoie depuis qu’elle a 14 ans.

Au printemps, Lapointe avait été surpris de la voir débarquer à un stage d’entraînement en altitude en Californie. Jusque-là, Comeau avait pratiqué l’athlétisme presque en dilettante, s’alignant dans des courses à gauche et à droite quand son entraînement d’entre-saison en ski de fond le lui permettait.

Ancienne patineuse de vitesse, joueuse de soccer, vététiste, adepte de ski alpin, Comeau s’est initiée au ski de fond en famille vers l’âge de 8 ou 9 ans au Mont-Sainte-Anne. « On a vraiment trippé », se souvient la native de Victoriaville.

Compétitive dans l’âme, elle a vite connu les podiums aux Jeux du Québec et du Canada. À 15 ans seulement, elle s’est qualifiée pour ses premiers Mondiaux juniors en Turquie.

« Faire les championnats juniors quand tu es d’âge juvénile, ça ne se voit pas. »

— Guy Métayer, premier entraîneur d’Anne-Marie Comeau

Comeau a pris le 18e rang du skiathlon, épreuve combinant les styles classique et libre. Dans le milieu, son nom était sur toutes les lèvres. Recrutée par le CNEPH, elle a pris part aux trois autres Mondiaux juniors, sans parvenir à améliorer son résultat de 2012. En février, elle a terminé 25e au Kazakhstan, enrhumée et fatiguée.

« Je n’ai même pas fini ma saison de ski parce que ça ne me tentait plus, raconte-t-elle. J’avais beaucoup d’études, beaucoup d’entraînement. Mentalement, je n’étais plus capable. Quand tu es épuisée mentalement, le physique ne suit plus. »

À son retour des championnats canadiens, où elle a disputé une seule course, elle s’est interrogée sur sa volonté de continuer le ski de fond. Après trois ans au CNEPH, ses entraîneurs lui demandaient un plus grand engagement. Cela signifiait faire une croix sur la course à pied. Elle était déchirée.

Le stage avec le Rouge et Or, dans les hauteurs de Mammoth Lakes, lui a permis de faire le point. « Ça m’a fait cheminer et j’ai réfléchi à mon affaire. J’ai trippé là-bas. En revenant, je voulais faire de la course à pied. Mais je ne voulais pas arrêter le ski complètement… »

La solution : se retirer du CNEPH et renouer avec Guy Métayer à Skibec, club regroupant la jeune élite de la région de Québec. Ce pas de côté lui a permis de disputer une première véritable saison de piste. Les succès ont été instantanés, et elle s’est éclatée.

Avec le recul, Anne-Marie a compris qu’elle s’en mettait trop sur les épaules. En plus du sport, elle a la même soif de performance à l’école. L’élève en science de la nature au cégep de Limoilou veut aller à l’université dans un domaine relié à la santé, peut-être en pharmacie. Elle garde un œil serré sur sa cote R.

« Je faisais mon entraînement, j’étudiais le vendredi soir, je me couchais et le samedi, je refaisais entraînement et études, explique-t-elle. Je faisais juste ça. Je ne voyais personne, à part à l’école et mes coéquipiers du centre. J’ai réalisé qu’il fallait que je prenne le temps et que je puisse profiter de la vie aussi. »

Comme Alex Harvey avant elle, Anne-Marie Comeau est à un carrefour. Après deux Mondiaux juniors en vélo de montagne, son célèbre concitoyen de Saint-Ferréol avait décidé de se consacrer au ski de fond à temps plein.

Pour l’heure, elle se trouve trop jeune pour trancher entre ses deux passions. La talentueuse athlète sait cependant une chose : « J’aime aller au bout de mes limites. »

CE QU'ON DIT D'ANNE-MARIE COMEAU

« On la voyait débarquer à l’entraînement au printemps, après sa saison de ski de fond, et elle était toujours dominante chez les filles malgré son jeune âge. On pouvait voir tout de suite que c’était un grand talent, mais au futur incertain en athlétisme à cause de son implication en ski de fond. Elle a commencé à passer plus de temps sur la piste avec le groupe cette année, et c’est vraiment là que nous avons pu voir tout son potentiel. Non seulement elle a énormément de talent, mais elle a une très bonne éthique de travail et beaucoup de cœur, soit la combinaison gagnante pour exceller en course à pied. »

– Charles Philibert-Thiboutot, membre du Rouge et Or de l’Université Laval et demi-finaliste au 1500 m aux derniers Mondiaux de Pékin

UNE INSPIRATION 

« Elle m’a toujours inspirée parce qu’elle a réussi à aller aux Jeux olympiques en faisant des études en pharmacie. Quand je la voyais en course, elle était toujours souriante et donnait son 100 %. Même si ça allait mal, elle n’abandonnait pas. »

– Marie-Hélène Prémont, ex-championne de vélo de montagne

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