COVID-19

« L’Alberta donne plus de libertés au virus »

La levée des règles sanitaires dans l’ouest du pays inquiète les experts

La levée prochaine de plusieurs règles sanitaires annoncée mercredi en Alberta préoccupe vivement la communauté médicale et scientifique. Décrite comme un « pari risqué », la décision de la Santé publique de ne plus exiger l’isolement des cas positifs à la COVID-19 dès la mi-août suscite l’inquiétude.

« C’est assez prématuré d’agir si rapidement. Je comprends qu’ils n’ont pas de hausse marquée des hospitalisations, mais j’aurais donné un peu de temps au nouvel élan d’infections avant de laisser tomber les mesures qui ont justement permis de mieux contrôler la transmission », explique le virologue Benoit Barbeau, de l’UQAM.

Donner trop d’oxygène au virus, estime Benoit Barbeau, augmente les risques que « le retour en force de la propagation soit plus sévère dans quelques semaines ». « L’Alberta donne ainsi plus de libertés au virus de muter et de trouver de nouvelles avenues. Ce n’est pas surprenant de voir ça, car cette province a toujours fait bande à part dans ses approches de prévention », affirme l’expert.

Mercredi, l’hygiéniste en chef de l’Alberta, la Dre Deena Hinshaw, a annoncé que la province comptait retirer la plupart des restrictions sanitaires liées au dépistage et à l’isolement. Le tout se fera en deux phases.

D’abord, dès le 29 juillet, la quarantaine a cessé d’être obligatoire pour les contacts étroits, tandis que les tests de dépistage chez les asymptomatiques n’étaient plus recommandés. En outre, les résidants ne sont plus joints par la Santé publique s’ils ont été en contact avec un cas positif. Puis, dès le 16 août, le port du masque ne sera plus requis dans la plupart des espaces intérieurs, à l’exception de certains établissements de santé assurant des soins de courte durée ou des soins continus. La province mettra du même coup fin à l’isolement obligatoire des personnes déclarées positives à la COVID-19.

« Ce que nous savons en regardant autour du monde, c’est que la COVID-19 ne sera pas éliminée. Nous devrons vivre avec ce virus pendant des années, et donc, ce que nous devons décider lorsque nous examinons les impacts des interventions de santé publique […], c’est comment nous utilisons nos ressources pour apporter le plus d’avantages au plus grand nombre », a soutenu la Dre Hinshaw à ce sujet.

Les réactions dans la province n’ont pas tardé. « En n’exigeant pas que les gens s’isolent une fois qu’ils ont été déclarés positifs à la COVID, l’approche de l’Alberta en matière de santé publique est un choix politique pour ignorer la science et le bon sens », a notamment affirmé le chercheur Ahmed Ali, sur Twitter.

« Ça va être un échec politique massif. »

— Le chercheur Ahmed Ali

Mais l’Alberta n’est pas la seule province à avoir assoupli ses mesures au Canada ; depuis le 11 juillet, il n’est plus nécessaire de s’isoler après avoir reçu un diagnostic positif en Saskatchewan. Le premier ministre Scott Moe a indiqué jeudi que « ça ne voulait pas dire que les gens ne pouvaient plus s’isoler », en disant « remettre la responsabilité aux individus ».

Pas assez « armés »

Selon l’épidémiologiste Nimâ Machouf, il est simplement « trop tôt » pour lever autant de restrictions en Alberta, où 75,6 % des résidants de 12 ans et plus ont reçu au moins une dose, tandis que 64,3 % en ont reçu deux. À titre comparatif, le Québec a déjà atteint la barre des 83 % pour la première dose à ce chapitre.

« Je suis très consciente qu’on ne peut pas vivre de la manière dont on le fait actuellement pour toujours. Il faudra un jour être capables de vivre avec le virus. Le problème, c’est qu’on n’est pas encore assez armés contre le virus. Les taux de vaccination sont trop faibles pour se permettre un allégement aussi marqué », fait valoir Mme Machouf.

De l’avis de l’épidémiologiste, il faut d’abord « profiter de l’été où la transmission est plus faible pour écraser la courbe de la COVID-19 ». « Pendant l’été, une centaine de cas, surtout quand plus de la moitié de la population est vaccinée, ça reste préoccupant. Et avec les nouveaux variants, on sait qu’il faut plutôt viser 85 % de la population vaccinée à deux doses. Bref, cette ouverture arrive trop tôt », insiste-t-elle.

La professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva abonde dans le même sens. « Dans un contexte où on n’a pas de données probantes sur le variant Delta, il vaut mieux appliquer le principe de précaution et continuer de porter le masque », estime-t-elle.

« Aux États-Unis, les CDC [avaient levé la recommandation de porter le masque dans les espaces clos]. Ils sont revenus en arrière en recommandant finalement le port du masque. Je crains que, de la même manière, l’Alberta ne revienne en arrière. »

— Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

L’Alberta recense actuellement trois fois plus de cas quotidiens que le Québec. La province de l’Ouest connaît une forte hausse depuis une semaine. On y recense quotidiennement en moyenne 30 nouveaux cas par million d’habitants, contre 12 pour le Québec. Le nombre des décès est également plus élevé en Alberta qu’au Québec.

La Saskatchewan, elle, affiche actuellement un taux de 37 nouveaux cas par million d’habitants, soit près de quatre fois celui du Québec. Depuis une semaine, le nombre des cas a augmenté de 24 % au Québec, alors qu’en Alberta, c’est une hausse de 145 %, et en Saskatchewan, de 50 %.

Dans les Maritimes, le Nouveau-Brunswick s’apprête à abolir pratiquement toutes ses restrictions sanitaires liées à la pandémie dès ce vendredi soir. Mais là aussi, des experts préviennent que la province doit s’attendre à affronter une nouvelle vague d’infections à l’automne en raison de la présence du variant Delta.

— Avec Pierre-André Normandin, La Presse

Tendance à la hausse au Québec

La tendance à la hausse de la COVID-19 s’est poursuivie jeudi au Québec. Les 138 nouveaux cas rapportés ont porté la moyenne quotidienne calculée sur sept jours à 106. La tendance est ainsi en hausse de 24 % sur une semaine. Aucun décès ne s’étant ajouté au bilan, la moyenne est passée à un mort tous les trois jours.

On signale une hospitalisation de plus dans le réseau de santé. Pour l’heure, 62 patients demeurent donc hospitalisés en lien avec le virus, dont 20 aux soins intensifs (+ 1).

À ce jour, 6,2 millions de Québécois ont reçu au moins une dose de vaccin, soit 72,7 % de la population. Du nombre, 4,7 millions en ont reçu deux, soit 55 % des Québécois. Si on tient uniquement compte des gens admissibles à la vaccination, la proportion grimpe à 83,8 % pour les premières doses et à 65,1 % pour les deuxièmes.

Fait à noter, le rythme de la campagne de vaccination ralentit peu à peu. Le Québec administre maintenant en moyenne 77 000 doses par jour, contre 89 000 la semaine dernière. Au cours des quatre dernières semaines, 64 % des nouveaux cas concernaient des personnes qui n’avaient pas été vaccinées, et 31 %, des gens qui avaient eu une seule dose. Ainsi, bien qu’ils représentent plus de la moitié de la population, les gens pleinement vaccinés n’ont enregistré que 5 % des nouveaux cas.

Plus de 1,2 million d’inscrits à la loto-vaccin

La popularité de la loterie vaccinale au Québec continue de prendre de l’ampleur. Selon des données dévoilées jeudi matin par le ministère de la Santé et des Services sociaux, plus de 1 million de personnes vaccinées étaient inscrites au concours « Gagner à être vacciné ». Dans une mise à jour publiée sur Twitter des données épidémiologiques ainsi que des données sur l’évolution de la campagne de vaccination, Santé Québec a révélé que 1 207 161 personnes étaient inscrites au concours à ce moment. Le premier tirage est prévu le 6 août. Pour participer, il suffit de s’inscrire en ligne après avoir reçu sa preuve vaccinale.

— La Presse Canadienne

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