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Alors que le départ de la députée Catherine Fournier continue de faire des vagues, le PQ annonce qu’une profonde remise en question du parti aura lieu à l’automne.

Politique

Le PQ remet tout en question, sauf l’indépendance

Québec — Afin de proposer un projet plus « clair » et « cohérent » aux électeurs, le Parti québécois tiendra l’automne prochain un congrès extraordinaire où tout ce qu’il a défendu au cours des dernières années sera remis en question, hormis l’indépendance. Même son nom pourrait changer.

Cinq mois après la défaite cinglante du 1er octobre, 24 heures après le départ fracassant de la députée Catherine Fournier, la direction du PQ a publié hier un plan d’action qui appelle à une révision en profondeur de son offre politique et de son fonctionnement interne.

« C’est un plan pour un nouveau Parti québécois », a résumé en entrevue la présidente de la formation politique, Gabrielle Lemieux.

La stratégie est le fruit d’une série de consultations menées après les élections. Elle vise à remettre l’indépendance au cœur de l’action du PQ, et à rassembler les Québécois autour d’un « discours décomplexé, constructif et moderne sur la liberté et la fierté québécoises ».

nom et logo sur la table

La démarche doit déboucher sur une « déclaration de principes » courte et précise. Toutes les autres positions défendues par le parti – laïcité, environnement, économie, santé, éducation, etc. – seront remises en question. La direction se montre même ouverte à un changement de nom et de logo, si tel est le souhait des membres.

Selon Mme Lemieux, cette remise en question répond à une dure leçon que le parti a tirée du dernier scrutin.

« Si on veut mieux définir qui on est, c’est qu’on conçoit [...] que ce n’était pas clair et que ce n’était pas forcément perçu comme étant parfaitement cohérent, a convenu Mme Lemieux. Et ça, on doit travailler là-dessus et ça doit faire partie de la courbe d’apprentissage au Parti québécois qui va être très à pic, mais qui est nécessaire. »

« Évidemment, le PQ a une longue histoire, notre histoire est riche de réalisations qu’on a faites pour le Québec, mais ça fait aussi en sorte que les gens peuvent percevoir des contradictions ou des incohérences dans notre message. Et ça, on l’intègre tout à fait à notre réflexion. »

— Gabrielle Lemieux, présidente du Parti québécois

Le plan doit être approuvé par le conseil national du PQ, qui se tiendra à Trois-Rivières dans 10 jours. S’il est approuvé, le congrès aura lieu en novembre.

Dans le passé, après une défaite électorale, le parti a toujours attendu l’élection d’un chef avant de tenir un congrès. La stratégie visait à lui donner une plus grande marge de manœuvre. La direction du parti a choisi de rompre avec cette pratique, indique Mme Lemieux.

Ce choix démontre l’ampleur de la réflexion qui s’amorce à l’interne, a-t-elle indiqué.

« Dans la démarche qui s’entame, il va y avoir des discussions sur tout, a dit Mme Lemieux. Et quand je dis tout, ça veut dire tout. Il n’y en aura pas de tabou, cette année. »

Dévoilement retardé

Le plan d’action devait être rendu public lundi. Mais les instances du PQ en ont retardé la publication de 24 heures en raison du départ surprise de Catherine Fournier.

La députée – la seule élue sous la bannière du PQ dans la grande région de Montréal – jouait un rôle important au sein du parti. Jusqu’à lundi, elle était l’un des trois députés qui siégeaient au conseil exécutif national du PQ. À ce titre, elle a participé à l’élaboration du plan publié hier.

Mme Lemieux a toutefois minimisé son rôle dans l’opération.

« Elle a peu, voire pas du tout contribué à ce plan-ci ou même à commenter ce plan-ci », a-t-elle indiqué.

En annonçant son départ, lundi, Catherine Fournier a montré du doigt les querelles intestines et les « trop nombreux changements de cap » du PQ, qu’elle a qualifié de « perdant ». Elle a dit vouloir donner une nouvelle impulsion au mouvement indépendantiste.

Départ de Catherine Fournier

Concert d’objections, et quelques appuis

Le départ fracassant de Catherine Fournier du Parti québécois (PQ) consterne plusieurs ex-députés péquistes et ténors souverainistes. Or, cette réprobation n’est pas unanime. Tour d’horizon.

Paul St-Pierre Plamondon

ex-candidat à la direction du Parti québécois

« [Catherine Fournier] constate l’effet de la prophétie autoréalisante de la mort du PQ et du résultat des dernières élections. [Elle en vient] à la conclusion que pour faire avancer le mouvement indépendantiste vers l’atteinte de son objectif, une démarche non partisane et non teintée du passif de l’historique du PQ serait préférable. […] Elle a probablement raison dans les circonstances actuelles.

« Sur [mon rapport] Osez repenser le PQ, Catherine Fournier affirme que la démarche de renouvellement aura été un échec. Elle n’a pas tort. Catherine a été très impliquée dans [cette] démarche […]. Elle a vu les nombreux sabotages de la démarche à l’interne [et] les multiples efforts des instances du parti pour [la] faire dérailler.

« Catherine Fournier est une femme lucide et je partage plusieurs des constats qu’elle pose. » 

Gilles Duceppe

ancien chef du Bloc québécois

« Je ne partage pas l’opinion de Catherine Fournier. Il y a un avenir au Parti québécois. Ce n’est pas le premier parti à vivre [un creux]. Je l’ai vu à Ottawa où les conservateurs n’avaient plus que deux députés à une époque.

« C’est bien beau de dire qu’il faut un mouvement citoyen pour la souveraineté, mais il faut aussi un parti capable de gagner une élection afin de déclencher un référendum.

« En politique, il faut être cohérent, même quand on ne pense plus être la saveur du jour. Si on devient incohérent, on ne sera jamais la saveur du jour. »

Nicole Léger

ministre de la Famille sous le gouvernement Marois

« Catherine a toujours été une femme dynamique et je pense que son dynamisme lui permet de poser des gestes comme elle a fait lundi. Je suis toutefois en désaccord avec son choix.

« Ce n’est pas parce que la population a choisi un autre parti lors de la dernière campagne électorale qu’ils ont pour autant tassé le Parti québécois. Il faut de la patience, de la concertation et des discussions. Oui, ça peut paraître long pour ceux qui sont pressés de faire l’indépendance, mais il y a beaucoup de conjonctures et on doit s’adapter avec la mouvance du monde.

« Je salue son côté pressé, mais je suis en désaccord avec son choix de déserter. On ne quitte pas un bateau lorsqu’il est instable. »

Louise Harel

élue pour la première fois députée du Parti québécois en 1981

« Elle va trouver qu’elle est bien seule comme députée indépendante. C’est déconcertant, surtout qu’elle participait à toutes les instances qui préparaient le prochain conseil national. Je trouve ça déconcertant qu’elle lance la serviette maintenant.

« Qu’est-ce qu’elle a comme objectif ? Un leader politique, quand il a l’occasion de faire un coup d’éclat, c’est qu’il a un message. Mais quel est son message ? Qu’elle va devenir une députée indépendante ? Tout ça est prématuré.

« Est-ce que c’est possible d’avoir un parti qui rassemble des gens de tous les horizons et qu’ils cheminent vers la souveraineté ? Le fondement du PQ a été cette espèce d’arc-en-ciel. Je ne suis pas encore convaincue que les Québécois en veuillent, ou qu’on soit à une époque où il est encore possible d’avoir cette coalition arc-en-ciel en politique. »

François Gendron

élu pour la première fois député péquiste en 1976

« Ça m’ébranle et ça me déçoit toujours. Elle a dit beaucoup de choses qui sont très contradictoires, selon moi. Elle dit qu’il faut que tous les souverainistes embarquent dans le même bateau, je suis d’accord là-dessus, mais elle décide de quitter le bateau ! Ça m’atteint profondément.

« Pour faire progresser une cause, ce n’est pas compliqué : il faut additionner et non soustraire. Il y a beaucoup de place pour les Catherine Fournier de ce monde qui pensent qu’il faut refaire la formation, repenser les bases. Bienvenue, Catherine, c’est précisément ce qui va se passer. »

Pierre Céré

ancien candidat à la direction du Parti québécois

« Catherine Fournier prend acte que le Parti québécois est verrouillé, qu’il est enfermé sur lui-même et qu’il court vers un mur. Ce n’est pas quelqu’un qui a fait ça sur un coup de tête. Elle a beaucoup réfléchi.

« C’est très courageux de sa part d’exprimer publiquement ce qu’on est nombreux à penser. Elle prend acte que ce parti-là ne fonctionne pas et que le renouvellement ne viendra pas de l’intérieur, mais de l’extérieur.

« C’est un parti qui est englué dans [une] vision identitaire, ethnique et passéiste. […] Ces courants ont pris beaucoup de place au sein du PQ. C’est assez clair. Il y a un monde aussi, à l’intérieur de ce parti, qui verrouille toute possibilité de véritable changement. »

Dave Turcotte

ancien député péquiste et membre de longue date de l’exécutif national du PQ

« Je ne suis pas d’accord avec cela. Le Parti québécois est un grand parti, il y a beaucoup de militants, beaucoup de membres.

« Je crois qu’il y a eu un contexte à la dernière élection qu’il n’y aura plus : un parti qui n’a jamais formé le gouvernement, qui a juste à dire “nous sommes la nouveauté, nous sommes le changement et vous pouvez nous faire confiance”. Ça n’arrivera pas : la CAQ va gouverner pendant un mandat et Québec solidaire ne pourra pas dire qu’il est un parti nouveau.

« Jusqu’à preuve du contraire, le Parti québécois demeure actuellement le seul parti politique crédible au Québec pour faire l’indépendance du Québec. Et dans tous les sondages, il y a encore 30 %, 35 % ou 40 % des gens qui sont favorables à l’indépendance du Québec. »

Guy Chevrette

élu pour la première fois député du Parti québécois en 1976

« Je ne comprends pas du tout sa décision. Ou elle se fait la porte-parole de quelqu’un qui ne veut pas s’identifier, ou c’est une démarche contraire au gros bon sens. Ça ressemble étrangement à des départs que j’ai déjà connus. »

Réjean Hébert

ministre de la Santé sous le gouvernement Marois

« La division de la gauche favorise l’élection de partis de droite ou de centre droit. Ça me préoccupe beaucoup plus que la souveraineté, qui n’est selon moi plus vraiment un enjeu au Québec.

« Pour les nouvelles générations, l’appui à la souveraineté est en diminution constante. Les jeunes sont mondialistes et les enjeux qui les touchent dépassent cette notion de souveraineté que l’on avait il y a 20, 30 ou 40 ans.

« Je ne comprends pas non plus le choix de Catherine Fournier. Elle a été élue sous la bannière du Parti québécois et elle quitte son parti quelques mois plus tard. Il faudrait qu’elle comprenne que lorsqu’on est élu, il n’y a que 5 % du vote qui s’explique par le candidat lui-même, alors que 95 % de nos électeurs votent d’abord pour le parti. Je pense qu’il y a un bris d’engagement. »

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