Grande entrevue

« Mes racines ont toujours été importantes »

PATRICE BERGERON

La vie de Patrice Bergeron a beaucoup changé, ces derniers mois.

Contrairement à l’an dernier, au match des Étoiles présenté à Columbus, le centre des Bruins pourrait être amené à changer des couches à l’hôtel, entre les diverses activités promotionnelles du match des Étoiles.

Bergeron et sa blonde Stéphanie ne sont plus seuls. Zack, né en septembre, les accompagne à Nashville ce week-end.

Au rythme où produit Patrice Bergeron cette saison, on devine qu’il parvient à trouver le sommeil, lui !

« Ça change une vie, confie-t-il à La Presse. C’est notre premier enfant et ça remet beaucoup de choses en perspective. Le hockey a toujours été au cœur de ma vie. »

« Avec un petit gars, je réalise qu’il y a plein de choses au-delà du sport. Son sourire me fait du bien. Je suis moins centré sur ma carrière. Quelque part, ça fait de moi un meilleur joueur parce que ça chasse une partie de la pression, du stress. »

— Patrice Bergeron

Cet athlète de 30 ans originaire de L’Ancienne-Lorette ne vivra pas trop de stress ce week-end à Nashville.

« C’est le fun que ça soit à Nashville. Il y a toujours beaucoup de musique country qui joue dans la rue principale. »

Le match risque cependant d’être un peu plus âprement disputé qu’à l’habitude. « J’aime la formule de cette année. L’idée de départ est de donner le meilleur spectacle possible, et à trois contre trois, tu n’as pas le choix, tu dois donner ton maximum sur la glace. Personne ne va vouloir relâcher sa couverture en défensive. Ça va être excitant pour les fans ! »

Les Bruins ont remporté un seul match à trois contre trois cette saison, contre trois défaites. « Il y a beaucoup de départs brusques. Tu ne peux pas trop forcer en échec avant parce que si le défenseur réussit sa passe, tu te retrouves en infériorité défensive. Sur le plan offensif, il faut créer beaucoup de permutations et rester en mouvement. »

REVENIR DE LOIN

Patrice Bergeron revient de loin. Il a raté presque un an, de la fin octobre 2007 à septembre 2008, à la suite d’une sévère commotion cérébrale doublée de blessures aux vertèbres. Plusieurs croyaient sa carrière menacée.

Il a depuis remporté la Coupe Stanley, deux médailles d’or olympique et le trophée Selke remis à l’attaquant défensif par excellence de la LNH trois fois.

« Je ne savais pas ce que l’avenir me réservait à ce moment-là. Ma priorité était de retrouver ma santé, et pas seulement par rapport au hockey. Après mon retour, ça m’a permis d’apprécier chaque moment, chaque seconde, chaque pratique. »

— Patrice Bergeron

Bergeron a effacé complètement ce triste épisode de sa mémoire lorsqu’il est sur la glace. « C’est vraiment derrière moi. J’ai fait beaucoup de traitements de rééducation et je suis passé à autre chose. »

A-t-il eu besoin de l’aide de psychologues ? « Je fais toujours des suivis psychologiques par rapport à mon sport, à mes performances, mais je n’en ai pas fait dans le but précis de faire disparaître cette blessure de ma mémoire. »

DE FAVORIS À NÉGLIGÉS

Les Bruins connaissent une bonne saison avec une fiche de 26-18-5. Leur place en séries est loin d’être assurée, mais certains leur prédisaient la cave du classement à la suite des départs de Milan Lucic et de Dougie Hamilton.

« La saison dernière a été décevante pour tout le monde sur les plans individuel et collectif. Tout le monde voulait revenir en force. Je l’ai senti rapidement auprès de mes coéquipiers. Nous sommes vraiment déterminés à obtenir de bons résultats et beaucoup de jeunes veulent s’améliorer et se faire un nom. »

Parmi ces jeunes, Bergeron en cite deux. « Ryan Spooner a fait un grand pas vers l’avant cette année, en supériorité numérique, entre autres, et il a amélioré son positionnement à cinq contre cinq. Il compense en quelque sorte notre centre de troisième trio Carl Soderberg, parti au Colorado. En défense, on ne connaissait pas beaucoup Colin Miller, qui a été obtenu dans l’échange de Milan Lucic. Il ajoute beaucoup de profondeur. »

L’absence de pression sert bien aussi les Bruins, observe notre homme. « On a souvent été favoris, ces dernières années.

Ça a changé, cette saison, et parfois, ça fait du bien de ne pas jouer le rôle de favori et de passer plutôt inaperçu. On s’en est quand même servis comme d’une bonne motivation… »

L’entraîneur Claude Julien est évidemment au cœur des succès de Bergeron et des Bruins. « Il a eu un impact sur plusieurs aspects de mon jeu, entre autres sur le plan défensif. Il m’a aussi fait réaliser qu’on doit mériter son temps d’utilisation. Certains entraîneurs ont leurs trios définis et ils n’en dérogent pas, mais avec Claude, il faut donner le maximum, durant les exercices ou les matchs.

« Et même sur le plan personnel, poursuit Bergeron, il m’a appris plusieurs choses. C’est mon entraîneur depuis maintenant neuf ans et il a su tirer le meilleur de moi-même. »

Bergeron est reconnu comme l’un des meilleurs attaquants défensifs de la Ligue, sinon le meilleur. D’où ses sélections régulières au sein de l’équipe canadienne. « Je tire beaucoup de fierté de mon jeu défensif. Je suis aussi heureux de bloquer un tir en infériorité numérique que de marquer un but en supériorité numérique. Je suis content d’être employé dans toutes les situations. »

« IL FAUT CROIRE EN SES RÊVES »

Le parcours de Patrice Bergeron, un choix de deuxième ronde, 45e au total, a pourtant été chaotique. « J’étais un joueur de petit gabarit, j’ai été retranché du Midget AAA à 15 ans et du Junior majeur à 16 ans. Mais j’ai toujours cru en mon rêve et j’y ai mis les efforts. Il faut croire en ses rêves. C’est quand même cliché parce qu’on l’entend souvent, mais pour moi, c’est ma persévérance et mon désir absolu d’atteindre mon objectif qui m’ont permis de percer. »

Après une vingtaine de minutes de conversation, nous soulignons la qualité de son français, sa vivacité d’esprit, sa capacité de formuler ses idées dans une langue riche et claire. Bref, le futur analyste de hockey de rêve pour une station de télé ou de radio après sa carrière. Il rit.

« Je ne sais pas. Mes racines ont toujours été importantes pour moi. Mes parents m’ont toujours rappelé d’être fier d’être Québécois, de notre langue. Comme j’ai voulu apprendre l’anglais comme il faut quand je suis arrivé à Boston. »

Bon match des étoiles, Patrice Bergeron.

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