Le projet architectural de Lumenpulse

La ligne claire de François-Xavier Souvay

L’aventure : le président du fabricant de luminaires Lumenpulse fait construire un nouveau siège social. La manière : une opinion éclairée sur le rôle de l’architecture.

Les sièges sociaux sont aux entreprises ce que les vêtements sont aux ados : aussi amples fussent-ils au départ, la croissance les rendra exigus.

Le président du fabricant de luminaires architecturaux Lumenpulse, François-Xavier Souvay, avait voulu que l’aménagement de son premier siège social, dans Pointe-Saint-Charles à Montréal, soit suffisamment « fluide » pour favoriser l’interaction entre ses employés.

« Il faut que ça ressemble à la culture, à la façon dont tu veux travailler et échanger avec les autres, expose-t-il. C’est ce qui va faciliter la dynamique entre les équipes, le flux de communication. »

Cette fluidité souffre maintenant de restriction. L’entreprise qui employait 70 personnes il y a une dizaine d’années en accueille maintenant 350 dans ses locaux montréalais.

À l’étroit

En 2015, François-Xavier Souvay voit donc l’avenir se profiler nettement, c’est-à-dire de plus en plus à l’étroit.

Il prend alors la décision de faire construire des locaux conçus pour les besoins de son entreprise.

Première question : à quel endroit ? « On partait de 80 000 pi2 et on avait des besoins de 150 000 pi2, avec la capacité de prendre de l’expansion. »

Il songe d’abord à demeurer dans l’île, dans l’ouest ou dans l’arrondissement de Saint-Laurent, par exemple. « L’accès par les transports en commun n’était pas très facile, et pas très utile pour nous en termes de logistique avec les transports. »

Il opte plutôt pour Longueuil, près du fleuve, dont il ne sera séparé que par la route 132.

Quel architecte ?

Il faut maintenant engager des architectes. Lesquels ? Les bureaux réputés ne manquent pas à Montréal. Par l’intermédiaire du Groupe Montoni, qui construira l’immeuble, il choisit la firme Lemay. Il est séduit par sa multidisciplinarité, explique-t-il, qui permettra à la même équipe d’attaquer simultanément la conception architecturale et le design intérieur.

Première rencontre

Prochaine étape : fixer la vision, préciser les besoins.

Avec le LemayLAB, la cellule de création de Lemay, « on a fait un exercice de branding architectural », décrit-il. « Avant même de commencer à tracer une ligne, il s’agit de parler de ce qu’est Lumenpulse, qui on est, comment on travaille ensemble. »

L’exercice s’étend sur plusieurs jours, durant lesquels François-Xavier Souvay fait visiter ses locaux, décrit son entreprise et présente ses employés. Surtout, il exprime sa perception de l’espace de travail.

« Je voulais avoir un milieu de vie qui était à l’image de ma philosophie pour Lumenpulse. C’est un milieu où il y a des échanges, où il y a des lieux communs qui permettent de passer du temps ensemble, où il y a un endroit pour l’apprentissage et le transfert de connaissances. »

— François-Xavier Souvay

Il tient aussi à ce que les architectes s’entretiennent sans lui avec son équipe administrative.

« Je leur ai dit : allez les rencontrer et demandez-leur comment ils fonctionnent. Pour écouter ce que les gens ont à dire et voir aussi s’il y a une corrélation avec ma vision. Je peux bien avoir une vision, mais peut-être que personne n’est aligné ! »

La (sobre) ligne directrice

Il assure n’avoir donné aux architectes aucune ligne directrice. Sauf peut-être celle-ci : « J’aime les lignes pures, fonctionnelles », leur a-t-il dit.

Il préfère l’élégance sobre et intemporelle de Ludwig Mies Van der Rohe aux courbes géniales et extravagantes de Frank O. Gehry.

Les luminaires épurés de son entreprise reflètent d’ailleurs cette philosophie. « Il faut faire attention parce que quand tu ajoutes une ligne sur un produit, tu élimines un client », disait-il à ses designers.

Huit propositions

Une fois ce portrait tracé, la question est de savoir « comment on peut refléter tout ça dans un espace, dans un bâtiment et aussi dans une architecture ». Car il y a des différences entre les trois notions, comme celles qui distinguent un mot, une phrase, et le sens de celle-ci.

C’est là le travail des architectes.

Lemay présente à Lumenpulse une série de huit propositions de thèmes architecturaux, chacune identifiée par un nom.

L’une d’elles séduit immédiatement le président. Il ne la retiendra pas. Trop chère. 

« On a pris notre préférée qu’on pouvait se payer, puis on l’a rendue encore plus attrayante. »

— François-Xavier Souvay

Cette proposition s’appelle Lightbox. Elle met en évidence, comme une boîte lumineuse, une longue plaque ceinturée de verre. Son nom prend toute sa signification à la nuit tombée, quand les luminaires des bureaux la font briller.

La façade en équilibre

Depuis la route 132, la façade de l’édifice se présentera comme une longue bande vitrée, telle une plaque de cristal en équilibre sur un tertre gazonné.

Cette plaque est déposée sur l’usine, long parallélépipède qui s’étire discrètement sur l’arrière.

« On voulait sentir que c’était comme un quai, comme si on était sur l’eau, exprime M. Souvay. Quand tu es dans les bureaux, tu ne vois pratiquement pas la 132. Tu vois surtout le fleuve. »

Le prisme

« Pour nous, il est fondamental d’éduquer les gens sur l’importance de la lumière et comment bien l’utiliser, énonce M. Souvay. Alors, au centre du bâtiment, on a créé une espèce de prisme. »

Cet espace triangulaire accueille le Centre d’expérience, où cette éducation est prodiguée.

Ce prisme était si fondamental qu’il est venu s’encastrer à la rencontre des bureaux et de l’usine – il le décrit comme s’il était mû d’une volonté propre.

À la manière d’un coin, il fait l’assemblage à force de l’usine et de l’aide administrative, dont la façade semble se contracter sous l’effort.

« C’est vraiment le principe de réfraction d’un prisme, qui t’amène vers le centre », décrit-il dans un vocabulaire volontairement inspiré de l’optique. « De n’importe où dans le bâtiment, tu converges vers le centre d’expérience et de savoir. »

Et le budget ?

« J’étais dans toutes les rencontres, assure Jean-François Souvay. Pour dresser la vision du projet, j’ai été impliqué du début jusqu’à la fin. J’ai arrêté d’être impliqué à partir du moment où le concept a été arrêté et qu’on a été en développement. »

La construction a été entreprise en novembre dernier. 

Lumenpulse ne sera pas le propriétaire, mais plutôt le locataire unique et permanent de l’édifice. « Je ne voulais pas utiliser nos capitaux pour être propriétaire immobilier, explique le président. Je voulais les utiliser pour faire de la recherche et développement et faire grandir l’entreprise. »

Il n’est pas perdant pour autant. Alors que la superficie utile passe de 80 000 à 150 000 pi2, son coût n’augmente que de 15 %.

Cet œil-là

L’inclusion du « prisme de la connaissance » demeure sa plus grande fierté.

« Je pense que la seule façon d’évoluer, c’est dans le partage du savoir, dit-il. C’est un des thèmes les plus importants dans tout ce que je fais. »

« Je vais toujours voir le bâtiment avec cet œil-là. Je sais qu’en plein centre, qui décline la forme du bâtiment, il y a un objectif de transfert de connaissances. »

Par curiosité, à quoi ressemblait la proposition qui l’avait d’abord séduit ?

« Je ne m’en rappelle plus ! »

Un entrepreneur regarde toujours en avant.

Lumenpulse en un flash

Fondation : 2006

Fondateur : François-Xavier Souvay

Produits : luminaires architecturaux

Employés : environ 350 à Montréal

Dans le monde : près de 700

Superficie du nouveau complexe : 150 000 pi2

Conception : Lemay

Coût des travaux : 15 millions

Date de finalisation du projet : été 2017

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