Lecture

La testostérone littéraire

S’intéresser aux goûts des garçons pour les faire tomber amoureux de la lecture : voilà le défi des enseignants et des bibliothécaires qui font le ménage des vieilles méthodes pédagogiques. Au programme : soirées de testostérone littéraire, création de jeux de société et cercles de lecture dans une équipe de hockey !

Quand il est question d’idées originales pour favoriser la lecture chez les garçons, un nom revient sans cesse : Olivier Hamel. Bibliothécaire à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, il est souvent perçu comme un ovni par les profs qui ne le connaissent pas. Mais quand ils constatent l’effet de ses activités chez les jeunes, surtout chez les garçons, ils ne veulent plus s’en passer !

Se décrivant comme un biblioanimateur, Olivier Hamel construit des activités en fonction de ce qui l’allume. Et comme ses passions ressemblent encore à celles des garçons, de la maternelle au secondaire, il capte leur attention aisément !

Le cinéma s’invite en classe

Le bibliothécaire se déguise régulièrement en Spider-Man ou en personnage de Star Wars pour créer un sentiment de familiarité et une complicité avec les élèves. « Pendant une heure, je prétends être Obi Wan Kenobi, je dis que j’ai laissé mon sabre laser au secrétariat, parce que c’est trop dangereux, et que mon vaisseau est sur le toit de l’école. Et ils y croient ! »

Son but : quitter le cadre pédagogique classique et faire rêver les élèves. « Je veux leur rappeler que la lecture peut être amusante et les transporter ailleurs. »

Les garçons répondent particulièrement bien à sa démarche, eux qui adorent les bandes dessinées, les mangas, les romans d’action et d’aventures. « Malheureusement, ces ouvrages sont souvent absents des bibliothèques scolaires, dit-il. Soit parce qu’ils ont une connotation populaire qu’on dénigre, soit parce que les gens qui achètent les livres n’ont pas ces intérêts. Mais moi, je veux les remettre de l’avant, au lieu d’imposer aux enfants de grands classiques qui ne les captivent plus. »

Soirée entre hommes

Olivier Hamel a aussi pensé offrir aux gars des modèles de lecteurs. Il y a six ans, il a organisé la première soirée de « testostérone littéraire » en invitant des garçons avec leur père ou leur grand-père à l’école du Bout-de-l’Isle. « À 18 h, la directrice m’a remis les clés de l’école, toutes les filles ont quitté les lieux et je suis resté sur place avec des enseignants masculins et les participants pendant deux heures et demie », raconte-t-il.

Il souhaitait que les hommes réinvestissent l’espace scolaire, où l’on retrouve une majorité d’enseignantes, de directrices et de mamans impliquées. « C’est important d’avoir un mentor masculin pour développer le goût de la lecture. Et pendant la soirée, les pères ont adoré l’esprit de communauté entre gars. »

Après une séance de suggestions littéraires, le bibliothécaire invitait pères et fils à choisir un lieu dans l’école pour lire ensemble. « Les jeunes faisaient découvrir des livres aux pères et ceux-ci partageaient le livre préféré de leur jeunesse avec leurs enfants. C’était magique. »

Quand Pikachu aide les jeunes à lire

La magie de la lecture passe même par les Pokémon, selon le bibliothécaire. « Les cartes Pokémon sont souvent bannies des écoles, mais je ne comprends pas pourquoi. C’est l’un des trucs les plus populaires chez les élèves. J’ai décidé de travailler à partir de ça. »

Très motivé, il se rend en classe pour présenter l’univers des Pokémon, les personnages et leurs rôles. Peu après, il sort le jeu de cartes pour défier les élèves… et leurs enseignants. « Chaque fois, les profs sont épatés de voir les élèves fournir des efforts de réflexion pour bien comprendre les spécificités de chaque carte. À travers le jeu, on les fait lire, réfléchir, comprendre et appliquer des résolutions de problèmes. »

Convaincu des vertus du jeu, il a conçu une activité de création de jeux de société à partir de romans. À défaut d’imposer un examen de lecture aux élèves, il les invite à lire un roman et à transposer leur analyse sous forme de jeu : les héros deviennent des personnages, les éléments pivots se transforment en moments clés du jeu, etc. « Je voulais un produit fini qui pourrait être vendu, avec un livre de règlements, une boîte et des jetons. Les résultats sont formidables ! »

Initiatives pour les garçons

L’heure du conte « spéciale papa »

La Bibliothèque municipale de Rouyn-Noranda a tenu en juin la première édition de cette activité dans le cadre de la Semaine québécoise de la paternité. Les petits de 3 à 10 ans et leur père étaient invités à écouter deux contes mettant en scène un enfant et son papa. L’activité devrait être de retour cette année.

Génies en BD

Il y a 30 ans, une activité de Génies en herbe basée sur la lecture de bandes dessinées a été créée. « C’est un projet déclencheur pour les non-lecteurs, explique son instigateur Réjean Lavoie. Les garçons apprécient beaucoup l’aspect social et compétitif de l’activité. » Le programme fonctionne toujours dans une dizaine d’écoles primaires de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.

« Lire, ça compte ! »

Entre 2009 et 2013, la doctorante Manon Jolicoeur s’est associée à des entraîneurs de hockey du Nouveau-Brunswick, en particulier Shane Doiron, pour créer des cercles de lecture au sein des équipes. « L’entraîneur faisait la promotion du plaisir de lire, souligne-t-elle. Le but était seulement de les inciter à lire quelques chapitres par semaine et à s’en parler en sous-groupe dans les vestiaires à la fin des entraînements. »

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