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NOUVELLES DIRECTIVES DE DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN

Des recommandations fondées sur des études dépassées ?

Les modifications apportées aux lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein sont une grande nouvelle depuis la publication en décembre des lignes directrices actualisées du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP).

Il est maintenant recommandé aux femmes de 50 à 74 ans de subir une mammographie de dépistage tous les deux ou trois ans. Il est également conseillé aux femmes de 40 à 49 ans de ne pas subir de dépistage et de ne pas examiner leurs seins, quelle que soit la densité du tissu mammaire.

Mais les patients doivent parcourir les recommandations avec prudence. L’adoption de la nouvelle mise à jour sur le cancer du sein devrait entraîner la mort de plus de 400 Canadiens chaque année. Chose incroyable, ces nouvelles directives ont été publiées sans la participation d’un expert en diagnostic ou traitement du sein. Le panel comprenait des médecins de famille, des infirmières, un chiropraticien, un ergothérapeute et un néphrologue (spécialiste des reins).

Pourquoi ? Le groupe de travail a affirmé qu’inclure un expert en diagnostic du cancer du sein fausserait l’élaboration de la ligne directrice. Il a laissé entendre que, dans la mesure où les radiologistes gagnent leur vie en diagnostiquant le cancer du sein, ils placent le gain financier avant le bien-être des patientes.

En tant que médecin qui a perdu un être cher à cause du cancer du sein et en tant que mère, amie et collègue de nombreuses femmes touchées par le cancer du sein, je trouve cela particulièrement insultant, et plusieurs de mes collègues au Canada sont du même avis.

Le groupe de travail a démontré sa méconnaissance des nombreuses données probantes à l’appui du dépistage du cancer du sein.

Une étude récente publiée en Suède dans la revue Cancer a montré que le dépistage par mammographie permettait de réduire de 60 % le nombre de morts dus au cancer du sein sur une période de 20 ans. Une autre étude publiée cette semaine dans Cancer montre qu’après 30 ans, la mammographie de dépistage et les progrès thérapeutiques ont permis d’éviter près de 615 000 décès par cancer du sein aux États-Unis depuis 1989.

Une étude canadienne portant sur plus de 2 millions de femmes dépistées pour le cancer du sein sur une période de 20 ans a montré que le taux de mortalité par cancer du sein chez les femmes âgées de 50 à 70 ans était réduit de 40 %, et que le taux de décès par cancer du sein chez les femmes âgées de 40 à 49 ans était 44 % moins élevé quand elles avaient participé à la mammographie de dépistage.

Le GECSSP a publié ses lignes directrices pour 2018 sans inclure ces études importantes, mais plutôt une étude sur le dépistage du cancer du sein réalisée au Canada depuis 30 ans (CNBSS) qui avait déjà été écartée en 2002 par l’Organisation mondiale de la santé en raison d’une mammographie de mauvaise qualité et d’un plan d’étude médiocre. Un expert en cancer du sein aurait évité cette erreur.

Le groupe de travail s’est concentré sur les méfaits du dépistage.

Ils ont cité une estimation du surdiagnostic de 41 % des cancers du sein. Aucun expert crédible en matière de dépistage n’estime que le surdiagnostic est supérieur à 10 %, chiffre confirmé par les essais de dépistage de l’étude suédoise. Les 41 % sont basés sur l’étude obsolète et discréditée de CNBSS. Un expert en cancer du sein aurait pu le souligner.

Le groupe de travail s’est également concentré sur les méfaits des faux positifs de la mammographie de dépistage. Ils ont estimé le taux de faux positifs à 30 %. Encore faux. Les statistiques de la base de données canadienne accessibles gratuitement en ligne montrent les taux de rappel annuel anormal dans chaque province et territoire pour la mammographie de dépistage. Les chiffres sont cohérents – moins de 10 %. Un expert en cancer du sein aurait pu souligner l’erreur de ce calcul.

Et le groupe de travail n’a pas examiné l’un des inconvénients les plus importants du dépistage : le préjudice d’un diagnostic oublié ou d’un faux négatif.

Plusieurs études montrent que le taux de décès par cancer du sein est beaucoup plus élevé chez les femmes non dépistées ou non détectées à un stade précoce.

Les femmes ayant un tissu mammaire dense ont beaucoup plus de risques d’être détectées tardivement avec le cancer du sein, souvent après que celui-ci s’est étendu aux ganglions lymphatiques, car le cancer peut être masqué par leur tissu mammaire dense. Le groupe de travail a ignoré ces preuves et n’a pas pris en compte le risque supplémentaire de tissu mammaire dense dans leurs lignes directrices. Un expert en cancer du sein aurait été au courant de ce mal.

Aujourd’hui, plus de 44 000 Canadiens ont signé une pétition demandant de s’opposer à ces directives imparfaites.

Qu’est-ce qui doit arriver maintenant ?

Le ministre fédéral de la Santé devrait rejeter les directives du groupe de travail.

Un nouveau groupe de travail comprenant des experts en mammographie de dépistage du cancer du sein devrait être réuni. De plus, le Groupe d’étude canadien devrait mettre à jour les lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein afin d’y inclure des données probantes tirées d’essais d’observation récents et des données canadiennes sur la mammographie de dépistage. En faire moins serait un échec pour les femmes canadiennes et leurs familles.

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