Appel à tous

Découvertes de confinement

Vous écoutez des séries en rafale sur votre tablette, de vieux films au sous-sol, vous avez ressorti vos vinyles et vos cassettes pour danser en famille, vous êtes plongés dans votre collection de bédés, ou encore vous lisez enfin ce gros roman qui traînait sur votre table de chevet ? Écrivez-nous, et envoyez-nous une photo, pour nous dire ce que vous regardez, écoutez ou lisez en confinement !

artsetetre@lapresse.ca

Au creux de l’oreille

La poésie et le théâtre au bout du fil

L’initiative Au creux de l’oreille a été lancée à Paris, il y a un mois, par Wajdi Mouawad ; elle s’étend désormais au Québec. Plus de 50 acteurs et actrices d’ici proposent depuis mercredi de courtes lectures par téléphone. Au programme de ces performances gratuites on ne peut plus intimistes : poésie, prose, théâtre. Pour en profiter, il suffit de s’inscrire en ligne. Ce que La Presse a fait…

« Bonjour, j’appelle de Québec. Comment se passe le confinement chez vous ? » Au bout du fil, la voix de l’actrice Linda Laplante est enveloppante, apportant un peu de chaleur dans une froide journée de confinement. « Êtes-vous bien installé pour écouter ? On se fait raconter des histoires quand on est petits, mais en vieillissant, on perd ce genre de concentration… »

Le texte que Linda Laplante a choisi provient « d’un petit livre [qu’elle] aime beaucoup », La vie habitable : poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires, de Véronique Côté. L’extrait raconte l’éveil d’une enfant à la lecture, à l’acte même de lire et à la joie incandescente que la lecture apporte. Les mots apaisent, la voix qui les porte aussi.

Suivra un second extrait, toujours signé Véronique Côté, où il est question de « cataclysmes qui nous remettent ensemble » et de l’écho poétique des catastrophes. Un texte brûlant d’actualité, qui permet de jeter un regard moins noir sur la crise actuelle.

Moment de grâce partagé

Pour l’auditeur, cette lecture d’une dizaine de minutes – et la conversation qui s’ensuit – tient du moment de grâce. Pour la lectrice aussi, jure Linda Laplante. « Ce que je fais est super agréable. C’est donnant-donnant », dit celle qui multiplie ce genre de lecture depuis un mois déjà, à l’invitation du dramaturge et metteur en scène Wajdi Mouawad. Lorsque le confinement a été décrété, elle faisait en effet partie de la distribution de Mort prématurée d’un chanteur populaire, la plus récente pièce de Wajdi Mouawad qui devait partir en tournée tout le printemps. Elle n’aura joué la pièce que quatre fois avant de devoir revenir au Québec…

Depuis l’implantation d’Au creux de l’oreille en France, Linda Laplante a lu des textes – surtout québécois – à des auditeurs de tout âge, vivant en Suisse, au Maroc, au Brésil, et dans plusieurs régions françaises. Ces derniers ont pu entendre les mots d’Anaïs Barbeau-Lavalette, de Sylvie Drapeau, de Pierre Morency, de Gaston Miron…

Avec l’actrice et metteure en scène Marie-Josée Bastien, aussi impliquée dans le projet depuis ses débuts, elle a décidé d’implanter l’initiative à l’ensemble du Québec.

« On a eu envie de prolonger l’expérience ici, mais ça prend un temps fou pour organiser la logistique derrière tout ça. » C’est le théâtre Le Périscope, à Québec, qui s’occupe de faire le lien entre les auditeurs et les lecteurs-acteurs bénévoles. Ces derniers sont plus d’une cinquantaine à ce jour et leur nombre ne cesse de croître. « D’autres théâtres, notamment de Montréal ou de l’Outaouais, pourraient se greffer. Et pourquoi ne pas étendre ça aux francophones hors Québec ? », lance l’actrice.

« Le projet vient tout juste de commencer, tout est possible ! »

— Linda Laplante, actrice

En France, en un mois d’existence, Au creux de l’oreille a permis à quelque 200 lecteurs de faire partager de vive voix des extraits de textes à plus de 2000 auditeurs. Dans le lot : des aînés, des enfants, des adolescents…

Ceux qui souhaitent recevoir un appel doivent s’inscrire en ligne sur le site du Périscope et indiquer des plages horaires qui conviennent. Ils ne peuvent toutefois pas choisir qui leur fera la lecture, ni même ce qui sera lu. « Chaque lecteur va partager des textes qu’il aime. Ça peut être du théâtre, de la poésie, voire un texte qu’il aurait écrit lui-même. » Chose certaine, tous les lecteurs ont une formation en art dramatique. Certains sont des acteurs aguerris, d’autres sont des étudiants du Conservatoire. « Avec le projet, on souhaite briser l’isolement des personnes confinées, mais aussi briser l’isolement des acteurs qui se retrouvent désormais devant rien. Ces lectures leur permettent de rester dans leur passion. »

Pour l’instant, le volet québécois d’Au creux de l’oreille offrira ses lectures du mardi au samedi, de 16 h à 20 h, jusqu’au 3 mai. Linda Laplante espère toutefois que l’expérience se prolongera au-delà de cette date. « Le Périscope va voir comment vont les choses, mais c’est certain que pour plusieurs personnes, notamment les gens de 70 ans et plus, le retour à la normale va prendre un bon moment… »

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