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Un nouvel EP de Dead Obies

Présentement en tournée en Europe, le groupe rap québécois a dévoilé hier un mini-album de six chansons, intitulé AIR MAX. Beats lourds, rimes franglaises et propos insolents sont bien sûr au rendez-vous. Dead Obies reviendra à la maison dès le mois d’avril avec des spectacles prévus entre autres à Shawinigan, Ottawa, Québec et Montréal.

— Pascal LeBlanc, La Presse

Chronique

Blonde et blonde

Si jamais je me marie, ce qui ne risque pas d’arriver demain, mais peu importe. Si jamais je me marie, je veux le faire exactement comme Cœur de pirate. Vous avez peut-être vu passer les magnifiques photos de la blonde chanteuse qui, après s’être séparée de son bien-aimé mari, père de sa petite fille, s’est remise en ménage avec lui. Le 29 janvier dernier, les deux ont renouvelé leurs vœux dans une cérémonie qualifiée de « minimaliste bohémienne montréalaise » par le site Junebug Weddings, qui vient de publier les photos, reprises dans tous les médias d’ici.

Jetez-y un coup d’œil. C’est de toute beauté et ça repose tellement du style néo-pâtissier-kitsch de trop de mariages, italiens ou pas.

En fait, non seulement les photos de Béatrice et d’Alex sont un ravissement pour l’œil, elles donnent envie de se marier exactement comme eux. Comment ? Il suffit de louer une des salles d’un blanc spectral du Studio Éloi, rue Hutchison. De demander à Allison Forbes de signer la conception de l’événement. De suspendre au plafond plus blanc que blanc les lampes en macramé postmoderne d’Annie Legault pour Amulette Design. De confier l’aménagement floral à Astilbe, la bouffe au traiteur Le Bremner, la confection du gâteau à Lecavalier Petrone et quoi encore ?

Vous pouvez trouver les noms des fournisseurs ou commanditaires qui ont participé à la cérémonie sur le site de Junebug Weddings. On dirait d’ailleurs le générique à la fin d’un film, sauf que cette fois-ci, le film n’était pas un film, mais un événement réel avec du vrai monde et en principe des vraies émotions. J’écris cela et en même temps, l’espace d’un instant, j’ai un doute.

Est-ce que le remariage de Cœur de pirate était bel et bien une cérémonie avec tout ce que cela comporte comme cœur, comme âme, comme humanité ? Ou un photoshoot, placé, plastique, contrôlé et esthétisant ?

C’est ce que j’ai demandé à la directrice de production du Studio Éloi.

Elle m’a assuré que c’était bel et bien une cérémonie et pas seulement la mise en scène d’une production photographique essentiellement publicitaire pour vendre une belle robe blanche et des décorations de table en forme de chevreuil.

N’empêche. J’ai posé la question parce que je venais de tomber sur un article dans The Atlantic où il était question d’Amber Fillerup Clark, une blonde du même âge que Cœur de pirate (27 ans) qui tient le blogue Barefoot Blonde (Blonde pieds nus) et l’alimente quotidiennement de sublimes photos d’elle-même, de ses deux marmots, de leur chien et occasionnellement de son mari, David.

À noter que la blonde est l’égérie de milliers de jeunes mamans américaines dont 1,3 million la suivent sur Instagram, 227 000 sur YouTube et 250 000 sur son blogue. Bref, la blonde est presque aussi populaire et connue que Cœur de pirate même si elle ne chante pas. En vérité, elle ne fait rien : rien sinon poser pour l’objectif dans une série de mises en scène habilement déconstruites et faussement bordéliques pour simuler la vraie vie et l’authenticité malgré la prolifération d’extensions pour les cheveux qui coiffent sa tête et portent son nom.

À noter que toutes les photos, même celles d’Amber les pieds sales dans le sable et piqûres de moustiques sur les jambes, sont commanditées par un shampoing, une collection de vêtements, une entreprise de cartes de souhaits ou de couches pour bébé, et bien plus encore, pour un revenu annuel garanti qui se situe quelque part entre 1 et 6 millions.

Pas étonnant que la blonde ait confié à la journaliste du Atlantic que sa vie est une éternelle séance de photos. « Nous devons toujours envisager notre vie en fonction des plus jolies photos que nous pouvons en tirer », a dit Amber, s’attirant les foudres de l’ancienne garde des mères blogueuses, celles qui, au début des années 2000, ont tenu des blogues pour ventiler leurs frustrations domestiques et documenter les affres de la maternité moderne. Or, contrairement à ces mères au bord de la crise de nerfs, Amber, elle, ne se plaint jamais.

Heureuse et comblée, la belle blonde, qui a une taille de mannequin, le visage d’un ange et qui pourrait porter avec style et panache une poche de patates, semble vivre dans un nirvana domestique qui ne se dément pas. Pas en photo du moins.

Or le problème c’est qu’Ambert et son mari – leurs enfants ne sont que des accessoires pour l’instant – ne vivent que pour les photos. Leur vie est une perpétuelle mise en scène, une continuelle représentation d’eux-mêmes, calculée mais jamais vraiment incarnée puisqu’une fois la photo prise, au lieu de commencer à vivre le moment, ils passent au prochain tableau et à la prochaine photo, chaque geste, chaque choix, dicté non pas par les impératifs de leur quotidien familial mais par l’angle de l’appareil photo, y compris la construction de leur future maison en Arizona dont le couloir sera surdimensionné pour permettre de meilleures prises de vue.

Qui veut vivre ainsi ? Beaucoup de gens, il semble, mais certainement pas moi. D’ailleurs, à bien y penser, si jamais je me marie, ce qui ne risque pas d’arriver demain, mais si jamais je me marie, soyez assurés d’une chose :  il n’y aura pas de photos.

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