Siège de bébé intelligent contre les oublis

Un projet scolaire cité par le coroner

L’an dernier, les jumelles Marie-Pier et Sophie Vermette-Lacroix ont inventé un système d’alarme dans le cadre d’un projet Expo-sciences permettant d’avertir un parent qui laisserait un bébé seul dans son siège. Hier, les deux filles de maintenant 16 ans ont été citées par la coroner dans son rapport sur la mort du bébé survenue à Saint-Jérôme en 2016. Et les sœurs sont plus déterminées que jamais à faire en sorte que leur invention se retrouve dans les sièges de bébé pour sauver des vies.

« C’est sûr que ça nous motive à poursuivre notre projet », dit Sophie, qui mentionne aussi le bébé oublié dans son siège d’auto à Griffintown le mois dernier. « Ça montre que c’est nécessaire, enchaîne sa sœur Marie-Pier. La coroner le dit : il faut qu’il y ait un dispositif. Et il faut qu’il soit obligatoire pour que tous les parents l’utilisent. »

Un dispositif, il se trouve que les deux adolescentes en ont construit un. Dans leur maison de Mont-Royal, hier, elles ont accepté d’en faire une démonstration à La Presse. Pendant que Marie-Pier installe un coussin sous un siège de bébé, sa sœur en place un autre sur la table du salon. « Ça, c’est le coussin du conducteur », explique-t-elle. Dans chacun des coussins se trouve un interrupteur à bouton-poussoir, capable de détecter un poids aussi faible que 1,9 kg. Marie-Pier installe une poupée accompagnée d’une brique pour simuler le poids d’un bébé dans le siège, puis Sophie s’assoit sur le coussin simulant le siège du conducteur.

Lorsqu’elle se lève, une alarme retentit. Le système a détecté que le bébé était dans le siège sans que le conducteur soit à sa place. « Dès que j’enlève l’enfant de son siège, ça arrête de sonner », dit-elle, démonstration à l’appui. Leur système avait remporté le troisième prix en 2017 lors de la finale canadienne d’Expo-sciences.

Meilleurs dispositifs réclamés

Hier, la coroner a publié son rapport sur la mort du bébé oublié dans une voiture à Saint-Jérôme en 2016. Il pointe le besoin de développer de meilleurs systèmes pour prévenir ce genre de drame. « Après examen, il a été déterminé qu’aucun capteur n’était suffisamment efficace pour détecter les enfants laissés sans surveillance dans un véhicule », écrit la coroner Denyse Langelier.

Le rapport mentionne explicitement le projet des jumelles Vermette-Lacroix. « Enfin, j’ai lu que deux jeunes filles d’une école secondaire de la région métropolitaine ont présenté en mai 2017, lors de la finale canadienne d’Expo-Sciences à Régina en mai 2017, un dispositif appelé : Attention, bébé à bord », peut-on lire.

Marie-Pier et Sophie Vermette-Lacroix expliquent que c’est ce drame qui les a incitées à essayer de trouver une solution. 

« Ça nous a touchées. Ce sont les enfants qui sont victimes, mais aussi toute leur famille et leur entourage. »

— Marie-Pier Vermette-Lacroix

Les deux sœurs ont interviewé autant des spécialistes des effets de la chaleur que des experts de la mémoire pour comprendre comment de tels drames peuvent survenir. Elles ont encore un épais cartable rempli de documentation à ce sujet et peuvent en parler avec un aplomb surprenant. Au fil de leurs recherches, Marie-Pier et Sophie ont conclu qu’il fallait inventer de meilleurs dispositifs que ceux qui existent sur le marché. Ceux-ci sont souvent basés sur la détection du mouvement, peu efficace quand l’enfant s’endort, ou sur le CO2 émis par la respiration du bébé, une technique aussi sujette à problème car les bébés en génèrent peu.

Puisqu’il fallait faire mieux, les deux sœurs se sont attelées à la tâche. Le cœur de leur système est un microcontrôleur que les filles ont appris à programmer à l’aide du logiciel Arduino. « On n’avait jamais fait ça, nous, de la programmation, lance Marie-Pier. C’est vraiment en lisant qu’on a appris. Sophie a été bonne là-dessus, elle a passé beaucoup d’heures. Quand on programme, un seul point-virgule peut tout changer. » Les filles sont même allées cogner à la porte du père d’une ancienne amie du primaire pour obtenir de l’aide.

« On a passé nos vacances de Noël, nos semaines de relâche et nos fins de semaine là-dessus », lance Sophie. Et le travail n’est pas terminé. Les sœurs souhaitent maintenant faire fonctionner leur système avec la technologie Bluetooth, ce qui permettrait d’envoyer des alertes sur le jeu de clés du chauffeur. Elles ont récemment décroché le prix du public au festival scientifique Eurêka ! et gagné le soutien d’une marraine qui les aidera à développer le système.

« Le but, c’est que ce soit sur le marché », tranche Marie-Pier Vermette-Lacroix.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.