Ce n’est pas parce qu’il n’existe pas d’Institut Lassonde dans la région de Montréal qu’il ne se passe rien dans l’écosystème universitaire en matière d’entrepreneuriat étudiant. Bien au contraire. L’effervescence est bien palpable sur les campus d’ici.
« Il y a un déblocage énorme au niveau de l’entrepreneuriat à Montréal », signale Camille Gagnon, fondateur et associé principal chez Innovitech, architecte et promoteur du Quartier de l’Innovation, dans le quartier Griffintown, à Montréal.
Pas plus tard que le 31 janvier dernier, un, sinon le premier, fonds canadien de capital de risque géré par des étudiants, Front Row Ventures, annonçait son premier investissement. Il s’agit d’un engagement de 25 000 $ dans Pelcro, une plateforme de gestion d’abonnements pour publications en ligne fondée par des étudiants qui sont passés par l’accélérateur X-1, de l’Université McGill.
« Je pense que c’est une idée brillante, dit Renjie Butalid, directeur associé du Centre Dobson d’entrepreneuriat de McGill au sujet de Front Row Ventures. Les fonds de capitaux-risque doivent remplir leur pipeline de projets et c’est en réalisant un volume important de transactions qu’ils vont identifier les meilleurs potentiels de rendement. Pour l’étudiant-gestionnaire du fonds, poursuit-il, c’est une expérience extraordinaire. Il a une meilleure idée des tendances émergentes et des champs d’intérêt de la prochaine génération. »
Ce fonds, mis sur pied par Real Ventures, dispose d’un capital de 600 000 $, soit assez pour répéter 24 fois l’investissement dans Pelcro.
En Utah, un de ces fonds associés à l’étape du préamorçage se nomme Campus Founders Fund et joue un rôle crucial dans l’essor des jeunes pousses universitaires.
Il ne s’agit que d’un exemple de l’essor que connaît l’écosystème de l’entrepreneuriat étudiant.
D’après Troy D’Ambrosio, directeur de l’Institut Lassonde rencontré à Salt Lake City en janvier, l’effervescence, perceptible des deux côtés de la frontière, s’explique par la facilité de lancer une entreprise de nos jours.
« Avec 2000 $, on ouvre facilement une entreprise de nos jours, c’était plus cher au début des années 2000. »
— Troy D’Ambrosio
« Depuis la grande récession, ajoute-t-il, les étudiants, qui ont vu leurs prédécesseurs en arracher pour trouver un emploi, perçoivent l’entrepreneuriat comme une façon de mieux contrôler leur destinée. »
Toujours est-il qu’à Montréal, les avancées les plus spectaculaires à ce chapitre, c’est à Concordia et à l’École de technologie supérieure (ETS) qu’on les observe, soutient Camille Gagnon.
Le Centech au planétarium
Avec l’ouverture en juin du Centech 2.0 dans les locaux de l’ancien planétarium, au coût de 11 millions, Montréal se dotera d’une vitrine hors du commun pour mettre en valeur nos start-ups issues du milieu universitaire.
« Il va devenir un symbole autour de l’entrepreneuriat, croit Camille Gagnon. Le planétarium aurait pu devenir bien d’autres choses que ça. »
Existant depuis 1996, le Centech, un incubateur d’entreprises technologiques rattaché à l’École de technologie supérieure (ETS), doublera sa superficie à 40 000 pi2 et triplera sa capacité en matière d’accompagnement des jeunes pousses. Actuellement de 1,5 million, le budget de fonctionnement augmentera significativement, puisque le Planétarium accueillera 10 cellules d’innovation, financées par la grande entreprise.
De par l’envergure, le caractère emblématique du bâtiment et sa situation géographique, le Centech au Planétarium sera l’institution montréalaise se rapprochant le plus des Studios Lassonde, de l’Université de l’Utah.
Même si le planétarium ne sera pas une résidence universitaire, « il y a 400 lits en résidence à moins d’un kilomètre à la ronde », fait remarquer M. Gagnon.
On ne peut toutefois confondre les deux institutions. L’Institut d’entrepreneuriat Lassonde a une mission éducative visant à faire vivre des expériences entrepreneuriales au plus grand nombre d’étudiants. Centech est complètement ailleurs.
L’accent y est mis sur la technologie. On vise le circuit.
Les entreprises sont soigneusement sélectionnées en fonction du potentiel de leurs découvertes et du calibre des entrepreneurs, qui ont bien souvent terminé leurs études. Les titulaires de doctorat sont légion parmi les fondateurs et l’âge des résidants dépasse souvent la trentaine. Fait à souligner les femmes y sont minoritaires.
Ouvert à tous, y compris aux entreprises étrangères, le processus d’admission au Centech devient rapidement très sélectif. On y offre deux programmes : Accélération, 12 semaines intensives, puis, pour les meilleures d’entre elles, Propulsion, où l’on offre le gîte et le mentorat pour deux ans.
« On commence avec 180 candidats ou idées d’entreprise, pour en choisir 45 pour Accélération et pour aboutir, au terme de Propulsion, avec 10 ou 12 entrepreneurs », explique Richard Chénier, directeur du Centech et du bureau de l’entrepreneuriat technologique de l’ETS.
Deux entreprises en démarrage du Centech
Labo sur puce
eNuvio est un bel exemple du coup de circuit que cherche à réussir l’équipe du Centech. Les trois fondateurs, titulaires de doctorats de McGill et de l’UdeM, révolutionnent l’électrophysiologie avec leur technologie de rupture appelée labo sur puce ou Lab-on-a-Chip. En pharma, les chercheurs doivent étudier les phénomènes électriques et électrochimiques qui se produisent dans les cellules à l’aide d’un équipement datant des années 80. Au lieu d’adapter l’équipement à la cellule, eNuvio inverse le problème en déposant la cellule sur la puce, qui s’occupe de mesurer le tout.
Réinventer le soleil
Sollum a réussi à recréer l’efficacité de la lumière du soleil, ce qui augmente la croissance des végétaux et améliore la productivité des fermes serricoles. Sa technologie permet de recréer des levers et couchers de soleil, de respecter le nombre d’heures d’ensoleillement et le spectre de lumière. L’effet est tel que les poivrons rougissent sur plant. Sollum vise en somme à écrire la « recette » d’éclairage parfaite pour chaque plante. En mars 2017, l’entreprise a remporté le prix « Entreprise la plus prometteuse de l’École de technologie supérieure ».