SOPHIE BIENVENU

L’auteure qui s’assume

Son troisième roman, Autour d’elle, est un des plus attendus de cette rentrée littéraire. Le tournage de l’adaptation de son premier roman, Et au pire, on se mariera, qu’elle a coscénarisé avec Léa Pool, a débuté à la fin du mois dernier. Depuis cinq ans, Sophie Bienvenu va de succès en succès et fait maintenant partie des auteurs québécois qui comptent.

« Tu n’as aucune idée de la pression que c’est de ne pas décevoir quand tu es attendue, dit l’auteure de 36 ans. Mon premier roman, je pensais qu’on serait juste quatre à le lire, alors je n’avais aucune attente. Mais il a eu un énorme succès, et après, Chercher Sam a été super difficile à écrire à cause de ça. »

Sorti en 2014, ce deuxième livre a connu le même sort que le premier. Avec cette histoire d’un jeune de la rue qui part à la recherche de son chien disparu, Sophie Bienvenu a même réussi à atteindre un public réputé difficile : les jeunes. Depuis, l’auteure est constamment invitée dans les écoles pour parler de ses livres.

« J’ai rencontré un prof de cégep dans un colloque. Il me disait qu’avec Chercher Sam, il avait réussi à atteindre des garçons qui n’avaient jamais fini un livre de leur vie… et qu’ils en avaient même demandé un autre après ! »

— Sophie Bienvenu

Rencontrer les lecteurs en général, et les jeunes en particulier, est maintenant la portion préférée de son travail. « Ils me changent comme personne. C’est comme une séance chez le psy ! »

INSTANTANÉS

À deux semaines de la sortie de son troisième livre, Sophie Bienvenu se pose moins de questions sur son statut d’auteure. « Je me suis dit : “Reviens-en, c’est ça que tu fais dans la vie. Assume.” »

Non seulement elle assume, mais en plus, elle a décidé d’aller complètement ailleurs : après deux récits portés par des voix uniques, elle propose cette fois-ci un roman choral comptant une vingtaine de personnages !

Autour d’elle, c’est l’histoire sur 20 ans de Florence et de son fils naturel, Adrien, mais à travers le regard des gens qu’ils rencontrent. Sophie Bienvenu s’est donné le défi d’intéresser les lecteurs autant à ses personnages principaux qu’à ceux qui ont croisé leur chemin.

Le résultat est franchement réussi : on peut suivre les grandes lignes des vies de Florence et d’Adrien, même s’ils ne font parfois qu’apparaître quelques instants dans le parcours des différents narrateurs. Et que ce soit une enseignante, un infirmier, une policière, un couple rencontré sur la plage, une petite fille amoureuse ou un enfant réfugié à Calais, tous les personnages ont leur propre histoire.

« J’aime les petits drames, les scènes de vie. Ce sont des instantanés, ça va avec le métier de Florence, qui est photographe », explique l’auteure, qui a donné à chacun son niveau de langage et plongé dans chaque histoire comme si son existence en dépendait.

« Le gros du travail a été de réinvestir à chaque fois une nouvelle personne. J’avais sous-estimé l’énergie que ça prendrait. »

— Sophie Bienvenu

« Je n’ai jamais été réfugiée, mais je suis capable d’aller chercher dans mes souvenirs d’émotions celles qui correspondent à ce que pourrait ressentir un enfant réfugié. Je suis un peu comme un médium, un canal d’émotions. »

Ce fil du rasoir émotif se répercute dans ses livres. Pas étonnant que Léa Pool ait eu envie d’adapter Et au pire, on se mariera. Sophie Bienvenu n’en revient toujours pas d’avoir eu la possibilité de coscénariser le film avec la réalisatrice de La passion d’Augustine.

« Je n’avais jamais fait ça de ma vie, et j’ai la chance de commencer avec Léa Pool ! », s’exclame Sophie Bienvenu, qui raconte avoir « tout appris d’elle ». « Léa, c’est un modèle de femme artiste et de femme en général. »

COURAGE

Même si elle dit avoir de la difficulté à mener de front plusieurs projets – « moi, c’est trop émotif, j’ai besoin d’une semaine chaque fois pour m’en remettre » –, Sophie Bienvenu commence malgré tout à se multiplier : un recueil de poésie qui sort cet automne chez Poètes de brousse, un conte pour enfants prévu l’hiver prochain, un projet de télésérie sur lequel elle travaille sérieusement…

« Oui, j’ai envie d’essayer plein de choses, même si le roman reste ce que je préfère. »

Écrire donne du courage, ou au contraire faut-il du courage pour écrire ?

« Disons que ça permet d’avancer, d’enlever le trop-plein pour pouvoir se concentrer sur les bonnes choses. Je ne pense pas que ça prend du courage pour écrire – sauf peut-être pour balancer ton manuscrit à des éditeurs, au public… Mais ça en donne surtout. J’ai enfin l’impression de faire quelque chose d’important dans la vie. »

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