OPINION LÉGALISATION DU CANNABIS

Ce dont nous, médecins cliniciens, ne sommes pas ignorants

Pour un médecin qui travaille depuis plus de 30 ans dans le diagnostic et le traitement des toxicomanies, ce projet de loi paradoxal apparaît comme une entorse à la logique, voire au bon sens.

D’une part, l’argumentaire gouvernemental pour légaliser le cannabis est à l’effet qu’il permettra de mieux prévenir la consommation abusive chez les jeunes. Or, les messages entendus chez cette clientèle vulnérable sont à l’effet que le cannabis doit être légalisé bientôt, donc ce n’est plus dangereux et, pour certains, ce n’est plus une drogue.

Or, légaliser une substance pour éventuellement faire de la recherche pour la prévention, c’est un peu comme légaliser un poison pour financer la recherche sur l’antidote.

On annonce en grande pompe une loi qui se veut récréative, mais qui est susceptible de donner plus de problèmes que de plaisir.

Toutes les recherches médicales et scientifiques depuis des décennies démontrent que parmi ceux qui expérimentent la consommation de cannabis, 9 % en deviendront dépendants (trouble lié à l’utilisation du cannabis). Ce nombre augmente à 17 % chez les adolescents qui en consomment. Ces individus sont plus vulnérables et à risque de développer des complications à court et à long terme.

Les effets du cannabis à court et à long terme sont une réalité clinique connue, documentée et étudiée scientifiquement.

Le cannabis est un psychotrope qui agit sur le système nerveux central et qui peut donc altérer la cognition, les fonctions psychomotrices et peut donner des effets psychiatriques et des idéations psychotiques aiguës, exacerber l’anxiété, déclencher des paniques, exacerber la dépression et fragiliser les gens porteurs d’une maladie affective bipolaire. Cette consommation de cannabis est souvent accompagnée d’un syndrome amotivationnel.

La préoccupation des médecins et cliniciens qui œuvrent dans le domaine de la toxicomanie est énorme.

 – Banalisation de la consommation du cannabis depuis la mise en œuvre de ce projet de légalisation ;

 – Certaines études démontrent que la légalisation augmente la prévalence de consommation chez les jeunes adolescents ;

 – On estime que 11 % des Canadiens consomment du cannabis avec une augmentation de ce pourcentage chez les jeunes, particulièrement de 15 à 24 ans. À cet âge, la consommation est trois fois plus importante que chez les adultes ;

 – La préoccupation clinique des médecins œuvrant dans ce domaine et qui rencontrent des jeunes qui consomment du cannabis depuis plusieurs années (ou trouble lié à l’utilisation du cannabis) est de discerner la nature exacte du tableau qu’ils présentent : dépendance, dépression majeure, émergence d’un trouble schizophréniforme, démotivation chronique.

En conclusion, la légalisation du cannabis ouvre la porte à plusieurs problèmes.

 – Difficulté à contrer l’usage abusif chez les jeunes de 15 à 24 ans malgré les contraintes juridiques mises en place. Il s’agit donc de la population la plus vulnérable et surtout la plus influençable ;

 –  Problèmes de santé publique incluant des consultations accrues aux urgences et dans les services médicaux ;

 – Problèmes de conduite avec les facultés affaiblies, particulièrement la conduite automobile. Il faut savoir que la consommation chronique en phase aiguë peut multiplier par sept les accidents mortels ;

 – Ce risque d’accident est encore augmenté s’il y a présence d’alcool à cause de l’effet synergique.

La prévention de l’utilisation du cannabis devrait être le premier enjeu sur lequel le gouvernement devrait se pencher et agir, et non pas de prioriser la légalisation qui donne un message tout à fait contraire.

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