OPINION

Un projet de loi qui favorise l’accès à la justice

Étendons la gamme des actes que peuvent poser les étudiants travaillant au sein de cliniques juridiques relevant de nos facultés de droit

À l’honorable Stéphanie Vallée, ministre de la Justice.

Le député de Borduas, Simon Jolin-Barrette, a déposé le 11 mai dernier un projet de loi (P.L. 697) qui assouplirait les prescriptions de la Loi sur le Barreau et de la Loi sur le notariat afin de permettre aux étudiants inscrits dans nos facultés de droit civil canadiennes de donner des consultations et des avis juridiques dans le cadre des activités de cliniques juridiques universitaires.

Nous appuyons le principe qui anime ce projet de loi et souhaitons vivement que le gouvernement reprenne celui-ci et le mette en œuvre dès que possible.

Autant la qualité de la formation des juristes du Québec que l’accès à la justice profiteraient d’une telle initiative législative. Nous appelons à cet égard le Barreau du Québec et la Chambre des notaires à faire de même et à manifester leur appui à un projet de loi qui favoriserait de manière bien concrète l’accès à la justice.

Depuis de nombreuses années, les facultés de droit civil canadiennes ont établi des cliniques juridiques qui jouent un rôle important dans la formation de leurs étudiants. En plus de leur offrir une occasion de mettre en pratique les enseignements qu’ils reçoivent, ces cliniques ont un impact social tangible.

En effet, les nombreux étudiants qui y participent aident des justiciables qui ne disposent pas de moyens suffisants pour défrayer les honoraires d’un avocat – ils sont souvent inadmissibles à l’aide juridique – ou d’un notaire.

Sous l’empire des lois actuelles, le Québec adopte une approche plus restrictive que toutes les autres provinces quant aux compétences que peuvent développer nos étudiants au sein des cliniques juridiques universitaires et, surtout, quant aux actes qu’ils peuvent poser. 

Ils sont en effet limités à offrir de l’information juridique de nature générique. En revanche, leurs homologues des autres provinces jouissent de compétences plus étendues lorsqu’ils travaillent sous la supervision d’un avocat en exercice (en contexte québécois, cela inclurait également les notaires en exercice).

Comme vous, nous estimons important de protéger et de promouvoir la spécificité du droit civil québécois. Toutefois, les normes législatives qui limitent la capacité de nos étudiants à mettre leurs connaissances et leur énergie au service de leurs communautés n’ont rien à voir avec la protection et la promotion de notre héritage civiliste.

Bien encadrés, nos étudiants ne constitueraient pas un risque plus grand pour le public que ceux des autres provinces.

En tant que leaders de la formation juridique au Québec, une responsabilité commune nous incombe de répondre concrètement à la crise de l’accès à la justice qui frappe notre société.

L’assouplissement des lois sur le Barreau et sur le notariat permettrait la mobilisation, avec le concours de professionnels en exercice, de l’expertise étudiante afin qu’elle s’ajoute au faisceau de mesures que le gouvernement a récemment mises en place pour améliorer l’accès à la justice.

Cette initiative permettrait à nos facultés de droit de mieux former et de mieux préparer nos étudiants à leur future carrière de juriste, cela au profit de tous les citoyens du Québec.

Nous vous assurons, Madame la Ministre, de notre soutien à l’égard de toute initiative de votre ministère qui viserait à étendre la gamme des actes que peuvent poser nos étudiants travaillant au sein de cliniques juridiques relevant de nos facultés de droit, cela afin non seulement d’enrichir leur formation, mais aussi de contribuer, dans les faits, à un meilleur accès à la justice pour tous les Québécois. Notre État de droit ne pourra que profiter d’une pareille initiative.

* Signataires 

Bruce Broomhall, directeur du département de sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal ; Eugénie Brouillet, doyenne de la faculté de droit de l’Université Laval ; Jean-François Gaudreau-DesBiens, Ad.E., doyen de la faculté de droit de l’Université de Montréal ; Sébastien Lebel-Grenier, doyen de la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke ; Robert Leckey, doyen de la faculté de droit de l’Université McGill ; et Céline Lévesque, doyenne de la section de droit civil de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

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