Chronique

Qui prendra la baguette ?

Les démarches en vue de trouver le directeur musical qui succédera à Kent Nagano à l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) vont bon train. Alors que la formation effectuait au cours des derniers jours une tournée européenne, j’ai profité d’une rencontre à Bruxelles avec la directrice des opérations, Madeleine Careau, pour faire le point sur le sujet.

Alors qu’on vient tout juste de lancer la saison 2019-2020, la dynamique directrice m’a confirmé que celle qui suivra ne sera pas signée par le prochain directeur musical.

La saison 2020-2021 est « bien amorcée » et elle est préparée par Marianne Perron, directrice de la programmation musicale. Zarin Mehta, ancien directeur général de l’OSM dans les années 80, la seconde dans cette tâche.

« Il ne faut pas s’attendre à une manière de faire très différente, m’a expliqué Madeleine Careau. Les spectateurs et les abonnés vont retrouver toutes nos séries habituelles. La seule différence, c’est que tous les concerts seront assurés par des chefs invités. »

Madeleine Careau a bien tenté de retenir Kent Nagano deux saisons de plus afin de gagner un peu de temps. Mais, après y avoir réfléchi, le directeur musical a décliné l’offre et a préféré quitter ses fonctions au printemps 2020, comme il le souhaitait au départ.

Si tout va comme prévu, le nom du nouveau directeur musical de l’OSM sera connu à la fin de 2019. Des 45 noms qui figuraient sur une grande liste, le nombre a été ramené à une douzaine par les membres du comité de recherche, dont font partie Laurent Bayle, directeur général de la Philharmonie de Paris, Isabelle Panneton, doyenne de la faculté de musique de l’Université de Montréal, Suzanne Fortier, principale et vice-chancelière de l’Université McGill, Zarin Mehta, Madeleine Careau, trois musiciens de l’OSM et cinq autres membres.

Comme je l’écrivais la semaine dernière, Madeleine Careau a, au cours de la dernière tournée européenne, fait plusieurs rencontres à ce sujet. 

« Il faut maintenant rencontrer les chefs, voir leur intérêt, discuter de certaines modalités. Il faut aussi les voir diriger ailleurs et observer leur façon de séduire le public. Cela est très important. »

— Madeleine Careau, directrice des opérations de l’OSM

Il y a donc des jeux de coulisses majeurs qui se déroulent actuellement. Tous ces chefs (quand j’ai utilisé le terme « candidat », Madeleine Careau m’a repris en me disant « qu’un chef n’est jamais un candidat ») ont des agents. Ces derniers jouent du coude pour mettre en valeur ceux qu’ils représentent. L’OSM n’est pas un orchestre de second ordre. Il a tout ce qu’il faut pour attirer un nom important. J’avoue que j’aimerais être une mouche pour observer les discussions qui ont lieu en ce moment.

Outre ces considérations, la voix des musiciens est capitale. Il ne faut pas oublier qu’après chaque concert en compagnie d’un chef invité, les musiciens sont invités à remplir une grille d’appréciation sur ledit chef. On tiendra sans doute compte de ces observations dans le cas des chefs visés par le comité de recherche.

L’objectif du comité est d’arriver avec deux noms à la fin de 2019. « Rendu à cette étape, cela veut dire que les deux chefs acceptent de venir à Montréal. Et que nous nous sommes entendus sur des conditions », explique Madeleine Careau. Ce sont ces deux noms qui seront finalement présentés au conseil d’administration de l’OSM, présidé par Lucien Bouchard. Le choix final sera fait à ce moment-là.

Lancée il y a un an et demi, cette opération ravive évidemment la curiosité et suscite des spéculations de toutes sortes. 

Si vous désirez attiser votre propre curiosité, retournez voir la liste des chefs invités de la saison 2018-2019 ou consultez celle de la saison 2019-2020. Certains noms qui y apparaissent sont dans la ligne de mire du comité de recherche.

Deux grandes questions reviennent souvent depuis quelques mois : l’OSM ira-t-il chercher un chef d’expérience ou fera-t-il le pari d’un jeune chef montant, comme c’est le cas actuellement avec plusieurs grandes formations musicales dans le monde ? Aussi, osera-t-il briser le plafond de verre en nommant une femme ? J’avoue que, si c’est le cas, il s’agirait d’une véritable révolution.

Depuis sa création, en 1935, l’orchestre n’a connu que des directeurs musicaux masculins. L’image est d’ailleurs frappante quand on pénètre dans les bureaux de l’OSM. Sur les murs du corridor, on voit les photos des 10 chefs (celle de Charles Dutoit n’apparaît pas…) qui se sont succédé au cours des 84 dernières années. 

Wilfrid Pelletier, Igor Markevitch, Zubin Mehta, Franz-Paul Decker… Que de la testostérone au bout de la baguette !

Le comité de recherche fera sans doute les meilleurs choix possible, pour le bien-être du public montréalais et pour les musiciens de l’OSM. Mais j’avoue que l’annonce de cette nomination est excitante et mérite d’être suivie.

On s’énerve le poil des jambes à la moindre nomination d’un dirigeant du Canadien de Montréal. Il me semble qu’on devrait manifester le même intérêt envers celui ou celle qui dirigera plusieurs années une équipe de 92 joueurs.

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