Chronique 

L’énergie latente du vide

Je laisse Yves Sirois vous expliquer, en termes simples, ce qu’est ce foutu boson de Higgs : « La découverte du boson de Higgs est la confirmation d’un mécanisme qui a donné la masse aux particules environ un millième de milliardième de seconde après la naissance de l’univers. »

Et c’est ici que, comme je vous le disais d’entrée de jeu, je ne comprends pas tout, ce qui est légèrement embêtant, pour un journaliste : d’habitude, tu écris ce que tu comprends. Et tu comprends ce que tu écris.

Je fais une exception et je cite des mots et des concepts sortis de la bouche d’Yves Sirois, que je reproduis ici sans les comprendre totalement : 

« Le boson de Higgs a une masse de 125 GeV – gigaélectron-volt –, enfin, un peu plus de 125 GeV.

« La masse de 125 GeV est trop lourde pour la majorité des théories supersymétriques qui permettent d’expliquer comment le boson de Higgs acquiert sa propre masse. Par ailleurs, la masse de 125 GeV est trop légère pour que la théorie du modèle standard puisse naturellement être valable à toutes les échelles. La théorie devient mathématiquement sans faille, mais à condition d’ajuster des paramètres – dont on ne connaît pas l’origine – à des précisions démentielles.

« Le boson de Higgs contribue à une énergie latente dans le vide. Comme ce boson se couple en proportion de la masse, il doit “voir” les fluctuations d’énergie liée à la mécanique quantique à l’échelle de Planck. Pour éviter les catastrophes, il faut ajuster le paramètre de couplage à une précision de 10 puissance -30. »

En gros, ce qu’Yves Sirois veut dire, c’est que ce foutu boson de Higgs nous – « nous », enfin, l’univers – amène à la frontière de ce qu’il appelle « un précipice immense ».

— L’univers, aussi loin qu’on sache désormais, tient sur le bord de cette falaise.

— C’est donc… La frontière entre exister et ne pas exister ?

— Oui.

Et voilà, Mesdames et Messieurs, la chose est dite : ce que suggère la masse du boson de Higgs, c’est que les paramètres qui assurent la pérennité de l’univers n’ont, genre, pas d’allure.

Pas de panique. Continuez à manger vos crêpes comme si de rien n’était. Si l’univers devait se recroqueviller sur lui-même, disparaître, il y a fort à parier que ce serait sans douleur. Pouf, les lumières s’éteignent.

— La frontière en question dépend de la masse du boson de Higgs et de la masse du quark le plus lourd, celui de Top, découvert en 1995. Ces deux particules déterminent la stabilité du vide, à l’échelle de Planck. C’est gênant. 

— « Gênant », Yves ?

— Ça ne tient à rien. Je voudrais que les paramètres de l’univers soient aussi inévitables que les principes fondamentaux du modèle standard.

J’écris tout ça. Et… Et… Et je comprends, mais je ne comprends rien, de la même façon que la matière créée crée de l’antimatière.

Cette chronique porte sur l’immense et le minuscule, elle est profondément humaine puisque l’univers dont Yves Sirois nous explique ici les paramètres est fait de carbone, de poussière d’étoiles : comme nous tous.

C’est bien sûr une chronique sur un homme qui comprend le cosmos comme peu d’entre nous, mais c’est surtout une chronique sur la beauté du monde : j’écris ici les mots d’Yves Sirois, et je me sens comme quand j’entends quelqu’un parler italien : je n’y comprends rien, mais crisse que c’est beau…

Ces 125 GeV de la masse du boson consternent donc la science, « qui se trouve à un moment critique », dit Yves Sirois : « Il manque un principe fondamental. »

Un principe fondamental, une « glu », un liant, une théorie supplémentaire qui puisse expliquer le pourquoi du comment de ces paramètres fins. L’hypothèse à la mode, c’est celle de la supersymétrie. Les physiciens sont comme devant un vide, dit Yves Sirois.

— Et certains renoncent.

— Ils « renoncent » ?

— Oui. Ils adoptent la théorie des « multivers », celle des univers multiples, selon laquelle notre univers n’est qu’un parmi tant – et découplé – d’autres. Dans ces autres univers, les lois de la physique seraient différentes.

— Pourquoi ce serait un renoncement ?

— Parce que même si ça repose sur des bases scientifiques, ça ne se vérifie pas. Or, la science, c’est la vérification.

En Suisse, l’accélérateur de particules a été arrêté il y a deux ans. On le met à niveau, pour le rendre encore plus puissant, « pour monter le niveau d’énergie, pour pouvoir concentrer sur le volume du proton deux fois plus d’énergie », comme dit Yves Sirois.

Le Québécois fait partie de ceux qui refusent de renoncer. Il a déjà participé à une des découvertes scientifiques les plus importantes de l’histoire des hommes, il veut découvrir la « nouvelle physique », probablement la supersymétrie, qui ferait de l’univers une chose qui soit encore, pour les physiciens comme lui, « inévitable ».

Il y a encore tant de « pourquoi » à lancer à l’univers.

Yves Sirois prononcera le 27 février prochain une conférence, Du boson de Higgs au Big Bang, au centre Pierre-Péladeau de l’UQAM, à l’invitation de la Fondation humaniste du Québec.

CERN

La chasse aux particules va reprendre

L’excitation monte chez les chercheurs européens du CERN à l’approche du redémarrage du grand collisionneur qui va permettre de relancer la chasse aux particules, une traque dont le résultat pourrait changer notre compréhension de l’univers.

Physiciens et ingénieurs procèdent aux dernières vérifications après une révision et une consolidation du plus grand accélérateur de protons au monde, qui a pris deux ans et a permis de quasiment doubler sa puissance. Après la mise en évidence du fameux boson de Higgs en 2012, les chercheurs espèrent à présent trouver de nouvelles particules exotiques. Fin mai ou début juin, l’accélérateur devrait être prêt à reprendre les collisions de protons.

« La chose la plus importante que nous voudrions trouver est un nouveau type de particules qui pourrait aider à expliquer ce qu’est la mystérieuse matière noire », indique Rolf Landua, du CERN. 

La matière ordinaire visible représente seulement 4 % environ de l’univers. Les scientifiques estiment qu’il y a cinq à dix fois plus de matière noire. Avec l’énergie sombre, également très mystérieuse, elle formerait 96 % du cosmos.

— Agence France-Presse

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