OPINION  COMPRESSIONS BUDGÉTAIRES

L’austérité, d’hyperbole en hystérie

On est loin, au Québec, des mesures imposées à la Grèce et à l’Espagne par la Banque européenne

Un observateur qui a suivi l’actualité politique au Québec depuis les quelque 90 derniers jours pourrait en arriver à des conclusions inquiétantes.

Par exemple : le taux de natalité va s’effondrer parce que les femmes vont désormais refuser de faire des enfants à cause de la hausse des tarifs dans les garderies, et les avancées de plus d’un siècle de féminisme seront jetées bas ; les écoles seront privées de transport scolaire et de services pédagogiques, particulièrement dans les régions, parce que les commissions scolaires seront fusionnées, et l’ignorance redeviendra le lot de la majorité.

De plus, les retraités des municipalités seront réduits à la misère parce qu’on leur aura imposé de contribuer au renflouement de leurs caisses de retraite ; l’agriculture s’effondrera et la sécurité alimentaire des Québécois sera compromise parce qu’on aura forcé les agriculteurs à payer pour leur assurance-récolte ; les aînés mourront dans leurs résidences parce qu’ils n’auront pas les moyens de défrayer le coût du transport par ambulance ; et la fonction publique se délitera parce qu’on aura sabré sauvagement ses effectifs.

Le lexique des adversaires de la soi-disant « austérité » ne fait pas dans la dentelle : « saccage », « massacre à la tronçonneuse », « destruction massive », « pillage », « carnage », « démantèlement », « démolition », « sabordage », « vandalisme », « trahison » et « dévastation » ne sont que quelques échantillons de cette prose exaltée.

Non seulement ce concert d’opposants est-il outrancier, mais il sonne faux, car les faits ne permettent tout simplement pas ces interprétations hyperboliques.

Ainsi, la nouvelle tarification dans les garderies épargne 30 % des ménages, tandis que 60 % continueront de payer moins de 9 $ par jour et que le maximum journalier est fixé à 20 $. Les commissions scolaires ne seront pas abolies, mais fusionnées, ce qui est peut-être un mauvais calcul, mais pas un sabordage.

Les agriculteurs seront simplement forcés de faire comme les autres membres et groupes de la société. Les aînés bénéficiaires du supplément de revenu garanti continueront de ne pas payer pour les transports ambulanciers. Et la fonction publique ne sera amputée que de 2 % de ses effectifs, soit moins d’un fonctionnaire sur 50. En montant absolu, le budget Leitao (2014-2015) prévoit des compressions globales de 2,7 milliards sur des dépenses de 74 milliards, ce qui équivaut à 3,6 % de coupes. Parler de saccage est outrancier.

UN MÉNAGE NÉCESSAIRE

La gauche et ses alliés circonstanciels se mobilisent pour combattre l’« austérité ». Pourtant, nulle mission fondamentale de l’État n’a été remise en question et aucun groupe social n’a été sacrifié sur son autel. Rarement aura-t-on vu austérité aussi amène. On est loin des mesures imposées à la Grèce et à l’Espagne par la Banque européenne ou à certains pays du Tiers Monde par le FMI, ce qui nous arrivera fatalement si on ne procède pas à un ménage raisonné dès maintenant.

On reproche au gouvernement sa mauvaise stratégie de communication. Peut-être cela est-il vrai. Il n’en reste pas moins que dès qu’un ministre ouvre la bouche, il est enterré par les hurlements d’une meute d’apparatchiks relayés dans les médias et par le crépitement des claviers qui déversent du fiel sur les réseaux sociaux.

En fait, les adversaires de l’« austérité » souffrent d’une myopie débilitante : ils dénoncent avec emphase les effets estimés des coupures, mais refusent de voir les conséquences encore plus graves du statu quo qu’ils préconisent. Leur discours relève d’un égoïsme social et générationnel inqualifiable maquillé en progressisme. Pire, ils n’ont aucun plan de rechange autre que d’aller à nouveau piger dans les poches des contribuables. Leurs « 10 milliards $ de solutions » ne sont qu’une chimère. Comme le disait une pub célèbre : « Si ça existait, on l’aurait ! »

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